« Au travail,
maintenant ! »
Par Venance Konan - Fraternité Matin 22 avril 2013
Il s’agira, désormais, pour les élus, de concrétiser tout ce
qu’ils ont promis, en songeant, un peu plus, à leurs administrés, à la trace
qu’ils laisseront dans l’histoire de leurs cités ou régions, qu’à leur propre
enrichissement.
Après
plus de dix ans d’incurie, de je-m’en-foutisme, de course effrénée à
l’enrichissement personnel, nous voici vivant dans des villes laides,
bruyantes, polluées, étouffantes. Abidjan, notre capitale économique que
naguère, l’on venait admirer de partout, est aujourd’hui méconnaissable. Les
lagunes du pays qui faisaient son charme sont toutes polluées et la plus grande
d’elles, la lagune Ebrié, est en train de se fermer sous nos yeux. La forêt du
Banco où l’on allait s’oxygéner les dimanches est devenue infréquentable. Et
cela n’a pas l’air de déranger qui que ce soit. Que dire de Bouaké, la plus
grande ville du pays après Abidjan ! J’y ai passé quelques jours, la
semaine dernière. Depuis plus de 20 ans, 99% de ses voies sont impraticables. Les
rebelles qui l’ont occupée pendant huit ans y ont semé l’anarchie et elle est
aussi méconnaissable, ayant perdu tout ce qui faisait son charme. Ses endroits
mythiques qu’étaient la piscine que chantait l’Ofi ainsi que le zoo n’existent
plus. J’ai rencontré, à Bouaké, une amie qui travaille dans une agence
européenne de développement. Elle m’a raconté que la Banque mondiale avait
projeté d’y construire un très grand lycée. Le terrain avait été acheté et les
constructions avaient même démarré. Un jour, un responsable de cette Banque est
allé sur place et a découvert qu’une école coranique avait été construite sur
le terrain dédié au lycée. Parce que quelqu’un à Bouaké qui avait le pouvoir
d’en vendre une partie l’a fait, au profit de cette école coranique. Qu’est-ce
qui peut bien attirer un touriste à Bouaké, aujourd’hui ? Qu’est-ce qui
peut attirer un touriste dans nos différentes villes de l’intérieur ?
Ce
que nous devons, nous, administrés, exiger de nos maires, est qu’ils nous
fassent vivre dans des villes propres, agréables, jolies, bien construites et
calmes. Nous avons des urbanistes, des architectes et des artistes très
compétents qui peuvent contribuer à rendre nos villes vivables. Il ne faut pas
toujours de gros moyens pour cela. Juste quelques bonnes idées. Et ce ne sont
pas les personnes capables d’en donner qui manquent dans ce pays. Nous,
administrés et contribuables, devons nous montrer plus exigeants désormais.
Nous ne devons pas oublier que nos élus le sont par nous, et gouvernent pour
nous. Nous devons nous constituer en associations chargées de veiller à ce qu’ils
appliquent les programmes pour lesquels ils ont été élus, qu’ils ne nous
infligent pas des monuments affreux et surtout, qu’ils ne vendent pas tous nos
espaces verts, nos trottoirs ainsi que les bordures de nos lagunes et lacs à
des commerçants peu soucieux de l’environnement. Nous devons désormais exiger
que pour la construction de tout monument, un concours soit lancé afin que les
meilleurs artistes du pays puissent y participer, et que nous ayons notre mot à
dire dans le choix définitif.
Nos
élus régionaux ont pour devoir de mettre en valeur les richesses de nos régions
afin d’y amorcer le développement. Là aussi, nous ne devons pas leur donner nos
blancs-seings. Nous devons nous impliquer aussi pour que leur premier souci ne
soit pas de récupérer les sommes qu’ils ont dépensées pour leurs campagnes
passées et celles qui serviront pour les prochaines.
Il y
a une vingtaine d’années, nous étions très fiers de sillonner notre pays.
Aujourd’hui, non seulement il est pénible de le faire, vu le mauvais état de
nos routes, mais aussi on revient toujours avec beaucoup d’amertume, à cause de
la pauvreté qui règne dans nos villes et villages de l’intérieur, et surtout à
cause de l’apathie générale des populations,
de cette absence de volonté de s’en sortir. On a l’impression qu’un
ressort s’est cassé en nous, peuple ivoirien. Il appartient, certes, à chacun de nous de remonter son ressort
personnel, mais il est du devoir de nos élus de créer les conditions pour que
ceux qui veulent entreprendre pour s’en sortir puissent le faire.
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Pétition pour Venance Konan
Inutilement talentueuse, disions-nous ? En fait,
cela dépend pour qui. Car V. Konan est l’un des très rares Ivoiriens qui vivent
très bien de leur plume, et probablement le seul parmi les journalistes qui ne
sont pas devenus autre chose. Mais, même dans cette « mangécratie »
que la Françafrique nous impose depuis le 11 avril 2011, et s’agissant d’une telle
poche de moralité, l’argent n’est pas tout ! Un Venance Konan peut certainement,
et avec raison, ambitionner beaucoup plus que ce rôle d’imprécateur que
personne n’écoute et que peut-être ceux qui le payent méprisent en secret,
comme dans la légende, Cassandre la Troyenne éternellement vouée à prêcher dans
le désert. Quand on voit avec quelle assurance il dénonce l’anarchie,
l’insalubrité, l’anomie, l’insécurité, l’incivisme, l’irresponsabilité, la corruptibilité
des hommes et la corruption des mœurs, la gabegie, toutes ces « négreries »
comme il aime à dire, peut-on douter que ce nouveau Savonarole serait aussi
compétent sinon plus, par exemple, que tel maire, tel gouverneur de district,
tel préfet, tel député, tel ministre, tel ministre d’Etat, voire le Premier
ministre ou le président de la République lui-même, pour éradiquer tous ces
maux dont la Côte d’Ivoire n’a que trop souffert…
Voilà pourquoi, chers
membres et chers amis du Cercle Victor Biaka Boda, nous vous soumettons le
dernier éditorial de Venance Konan, qui est un peu la quintessence de sa pensée
et qui se lit comme un catalogue ou un inventaire de tous les projets dont il
pourrait faire bénéficier cette Côte d’Ivoire qui lui est si chère, pourvu
qu’elle lui en donne les moyens. Que diriez-vous d’une pétition en sa faveur, à
soumettre à ses employeurs actuels, pour les exhorter à mieux l’utiliser qu’ils
ne le font aujourd’hui ? Etant donné l’étendue des centres d’intérêts de
V. Konan et l’immensité de ses talents, on pourrait envisager de lui confier au
minimum une fonction de conseiller spécial à compétence universelle, avec droit
de regard sur l’activité de toutes les autorités depuis le sommet de l’Etat
jusqu’au dernier détenteur de la moindre parcelle de pouvoir… Quelque chose
comme la présidence de ce truc bizarre qu’Houphouët imagina, en 1990, pour
mettre sur orbite un certain Alassane Ouattara. Ça s’appelait le « Comité
interministériel de coordination du programme de stabilisation et de relance
économique ». Sans être et sans jamais avoir été membre du gouvernement
ivoirien, Ouattara avait été bombardé président de cet organisme, avec
plusieurs ministres à ses ordres au grand scandale de Camille Alliali, qui ne
put s’empêcher de faire observer à Houphouët – c’est dire s’il fut scandalisé !
– « Qu’il n’était
pas habituel qu’une personnalité qui n’était pas membre du gouvernement puisse
être nommée à la tête d’un comité composé de ministres »… Mais ça, c’était avant. Une époque où, s’il faut en
croire V. Konan, l’urgence n’existait pas encore. Aujourd’hui, c’est autre
chose. On n’a pas le temps de chipoter. Et pas question de limiter le champ
d’intervention du nouveau sauveur de la patrie au seul domaine économique comme
ce fut le cas pour Ouattara. Au contraire, il faudra lui confier tous les
leviers de décision existant dans le pays, sans excepter ceux qui appartiennent
au chef de l’Etat. En un mot, il faut créer V. Konan dictateur, comme ils faisaient
dans l’ancienne Rome lorsqu’ils étaient confrontés à une crise d’une telle gravité
que seul un homme d’exception nanti de tous les pouvoirs pouvait sauver la
république.
Si cette proposition vous agrée, faites-le-nous savoir. Et si elle ne vous
agrée pas, faites-le-nous savoir également, en précisant les raisons de votre
désaccord.
Donc, chers membres et chers amis du CVBB, à vos plumes !
Cercle Victor Biaka
Boda
La Rédaction, 24
avril 2013
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