dimanche 14 avril 2013

Jour d’élection présidentielle au pays de Chavez.


Un nouveau tournant pour la révolution bolivarienne

Caracas, envoyée spéciale. Effervescence dans le quartier d’El Valle, à Caracas, où les partisans de Maduro sont omniprésents en cette fin de campagne présidentielle. Le chef de l’État intérimaire, depuis le décès d’Hugo Chavez, part favori, dimanche  14 avril, face à Henrique Capriles, le candidat de l’opposition de droite.


Nicolas Maduro en camapgne
C’est à qui poussera le plus les amplis. À la sortie du métro  , le bruit est assourdissant : concours de klaxons, camion sono, groupe de musique. Le brouhaha résonne jusque dans les maisonnettes le président défunt Hugo Chavez y a obtenu 61,38 % des suffrages. Le portrait de Nicolas Maduro, du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) est décliné sur tous les tons. En tête dans les sondages, le président par intérim a de fortes chances de succéder à Hugo Chavez, au soir de l’élection présidentielle du 14 avril.
multicolores bâties à même le flanc des collines, si caractéristiques des quartiers populaires, hier encore marginalisés. D’emblée, une couleur se détache : le rouge. Pas une seule affiche, ni la moindre propagande d’ailleurs, du candidat Henrique Capriles, de la Mesa de la Unidad Democratica (MUD, coalition hétérogène de droite). Ici, on est en terre bolivarienne. Le 7 octobre 2012,

Sur la place principale de cette municipalité de 250 000 habitants, le PSUV a installé pas moins de quatre points de rencontre. Norma Ortiz et ses amies ne sont pas peu fières d’y exposer leurs créations, fruit de l’unité socioproductive qu’elles ont créées là où elles vivent, à Tamarindo, une zone exclue de tout avant l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, en 1998. « On nous appelait les “tierrudos” », rappelle-t-elle, un terme péjoratif qu’employait volontiers l’élite pour dénigrer ceux qui travaillent la terre. « Pendant vingt-huit ans je me suis occupée de ma maison, raconte-t-elle. Ma vie se partageait entre les enfants et l’église. La seule rémunération qui rentrait était celle de mon mari. » En 2006, le gouvernement a lancé la mission Mère de quartiers pour venir en aide aux mères célibataires et aux femmes au foyer. Depuis, Norma n’a pas seulement appris le métier de couturière : « J’ai pu bénéficier de cours d’économie et d’éthique, précise-t-elle. Je remplis aussi un rôle d’éducation sociale. Chavez nous a ouvert les frontières. »

Le leader du socialisme du XXIe siècle est omniprésent dans cette campagne atypique, suite à son décès, le 5 mars, tant il a profondément marqué « sa patrie », comme il l’a chanté, le 8 décembre, en disant symboliquement adieu à son peuple. « Le Venezuela a commencé en 1998. Avant nous étions des analphabètes politiques », déclare Joconda Alvarez, du ministère des Communes. Ces dernières, des sortes de minigouvernements de quartiers, constituent désormais l’un des piliers politiques du processus. « Les grandes missions sociales ont permis de réduire les inégalités, poursuit-elle. Moi-même j’ai pu reprendre mes études universitaires, et ma fille, atteinte d’une maladie congénitale, a bénéficié de soins gratuits. Ce n’est pas un conte, c’est ce que j’ai vécu. » Santé, éducation, logement, culture, sport, dans tous les domaines les avancées ont été réelles.

« Approfondir la révolution »

En une décennie, le Venezuela a avancé de dix rangs au sein de l’indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement, (73e en 2011 contre 83e en 2000). Pour Joconda Alvarez, le 14 avril doit ouvrir une nouvelle étape « afin d’approfondir la révolution avec le programme de la patrie », ratifié par les électeurs le 7 octobre dernier et porté désormais par Nicolas Maduro. Ce plan 2013-2019 repose sur cinq axes de travail : la défense et la consolidation de l’indépendance du pays, la consolidation du socialisme bolivarien, la transformation du Venezuela en puissance dans les domaines sociaux, économiques et politiques au sein d’une Amérique latine unie, une géopolitique fondée sur la multipolarité et la préservation de la planète.

Pour ce faire, le prochain gouvernement bolivarien, s’il est confirmé dans les urnes, compte sur ces fameux conseils communaux. « Ils sont la voix et le vote des habitants et des organisations sociales », explique José Gregorio Lucena, l’un des responsables du PSUV d’El Valle. La municipalité en compte 83. « Au sein de ces conseils, les familles dessinent et exécutent les projets à même de satisfaire les besoins de la communauté, précise-t-il. Ils doivent surtout aider à impulser le tissu socioproductif » pour pallier les manques actuels en la matière. Ils constituent également un garde-fou face aux pesanteurs bureaucratiques, qui freinent les décisions collectives, mais également à la corruption. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il est historiquement lié à la nature d’un État vivant de la rente pétrolière. De l’avis d’analystes, le changement des modes de croissance et le développement d’une conscience communautaire sont essentiels pour résoudre ce problème.

Objectif : 3 millions de logements d’ici à 2017

À quelques pas de la place d’El Valle, des édifices estampillés de la grande mission Vivienda (logement) ont surgi de terre ces derniers mois, l’objectif du gouvernement étant de construire 3 millions de logements d’ici à 2017 pour répondre à la demande d’habitat. Marleny Rangel y vit depuis quatre mois avec sa famille. Devant son immeuble, elle tient un stand « rouge » du PSUV. « Chavez n’est plus là mais il y a Maduro, dit-elle. L’important est de poursuivre les changements. » Pour cette militante, le prochain président devra continuer à « travailler sur la question du logement, car il y a encore beaucoup de sinistrés qui sont dans des refuges. Il devra aussi lutter contre l’insécurité. » C’est là un autre enjeu, et non des moindres. Car ce fléau – 16 000 homicides en 2012 – mine le quotidien des Vénézuéliens et atrophie les rapports sociaux.

Henrique Capriles ne se prive pas d’instrumentaliser cette question à des fins électorales, en dépit d’un bilan désastreux en la matière dans l’État de Miranda, qu’il dirige, refusant de participer au programme gouvernemental de coordination des polices. La campagne, qui s’achevait hier, aura été chargée de symboles et d’hommages mais également d’invectives et de mépris. Le centre de Caracas devait voir défiler une marée rouge, en soutien à Nicolas Maduro, que la droite tente de ridiculiser en raison de ses origines modestes. « C’est un concept bourgeois que de croire que seuls les riches peuvent diriger un pays », critique Joconda Alvarez qui n’est pas avare de reparties : « Nicolas Maduro était chauffeur, et alors ? Jésus était bien charpentier ».

Sept candidats en lice. Outre Nicolas Maduro, du Parti socialiste unifié du Venezuela, et Henrique Capriles, de la Mesa de la Unidad Democratica, les 19 millions d’électeurs pourront voter pour cinq autres candidats, quasi inexistants dans le paysage politique : Maria Bolivar, du Parti démocratique uni pour la paix et la liberté (0,04 % lors de la précédente présidentielle), Eusebio Mendez, un évangéliste, Reina Sequera, une syndicaliste, Fredy Tabarquino, des milieux autonomes, et enfin, Julio Mora, du parti Unité démocratique.

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« L’opposition n’a pas la force d’altérer le pays »


Le 14 avril, deux modèles s’opposeront : le programme de la patrie, que le peuple a ratifié en élisant Hugo Chavez, le 7 octobre 2012, et que Nicolas Maduro promeut, et celui que voudrait imposer l’opposition. Ce serait un retour en arrière. Ce serait une irresponsabilité pour le Venezuela, mais également pour la région.

Elle prétend, en effet, maintenir les missions sociales que nous avons mises en place, mais comment le pourrait-elle quand elle propose de décentraliser et de privatiser les services publics ? Comment pourrait-elle le faire lorsqu’elle propose que la compagnie pétrolière sorte de l’État ? La réforme des

Andrés Eloy Mendés
hydrocarbures nous a permis de contrôler majoritairement l’entreprise. En augmentant les impôts des multinationales de 1 %, comme ils l’étaient lorsque la droite était pouvoir, à 39 %, comme l’autorise la loi, nous avons dégagé les ressources nécessaires au financement des dépenses publiques. À l’époque, la droite nous a fortement critiqués, en déclarant que les entreprises allaient abandonner le Venezuela. Qui est parti ? Personne. Aujourd’hui encore, l’opposition nage entre deux eaux. S’il est question de putschisme, elle en est. S’il échoue, elle clame sur tous les fronts qu’elle est démocratique. Sur le plan électoral, la droite est entrée en contradiction. Elle se présente aux élections mais rejette le Conseil national électoral (CNE). Pourtant, c’est sous la supervision de cet organisme que la droite a gagné des espaces politiques : des États, des députations, des mairies. Quel message envoie-t-elle aux Vénézuéliens ? Celui de ne pas aller voter. C’est un jeu dangereux. Nous savons que l’opposition n’a pas la force populaire, militaire et morale d’altérer le pays, mais elle le fragilise : hier, avec des coups d’État ; aujourd’hui, en organisant des sabotages de l’électricité et des pénuries alimentaires. L’opposition doit assumer ses responsabilités dans le cadre démocratique qui est le nôtre. Si elle veut jouer, qu’elle joue propre, sans frapper l’arbitre qu’est le CNE. 
Andrés Eloy Mendés, député national du Parti socialiste uni du Venezuela (Psuv)

Source : L’Humanité (France) 12 Avril 2013

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