mercredi 17 avril 2013

« Ils criaient : "Où est Gbagbo ? Où est Simone ? On va vous tuer !" »

Marcel Gossio, alors Directeur général du Port autonome d’Abidjan, l’un de ceux qui se trouvaient auprès du président Laurent Gbagbo dans sa résidence, les 10 et 11 avril 2011, raconte sur Eventnews Tv ce qu’il a vu durant ces deux journées fatidiques.

Marcel Gossio, ex-DG du Port autonome d'Abidjan

«Je suis arrivé à la résidence du Président Gbagbo le dimanche 10 Avril 2011 en début d’après-midi. J’y ai trouvé de nombreux amis qui plaisantaient en me souhaitant la bienvenue parmi eux. Au rez-de-chaussée il y avait Beh Diabaté, Damana Pickass, Navigué Konaté, Jean-Jacques Bechio, Sijiri Bakaba, Agnès Dogbo, Boubacar Koné, Roland Sinsin, Marceline Obodou, Géneviève Bro Grébé, Adèle Dedi, Victoire Ehivet, Michel Gbagbo, sa femme et ses enfants, Porquet (neveu du Président Gbagbo), Mme Boli, les filles du Président Gbagbo, Narcisse Kuyo Téa, etc.
Le Président a demandé que je l’attende à son salon privé au 2ème étage. Après dix minutes d’attente, le Président arrive et au moment où il me salue, la résidence est secouée par de violents bombardements. Il me prit par la main et nous descendions avec d’autres camarades au sous-sol de la résidence. Ces bombardements intensifs durent jusqu’à 15h. Au sous-sol, je retrouve Aboudrahamane Sangaré, Simone Gbagbo, Yanon Yapo, Désiré Tagro, Christine Adjobi, le Gouverneur Philippe-Henri Dacoury-Tabley, Roland Sinsin et les agents de la sécurité présidentielle.
A 16h45, les bombardements ont repris de plus belle et se sont poursuivis jusque tard dans la nuit. On nous apprend que des militaires loyalistes ont été tués par les tirs aériens des forces Licorne. Durant ces attaques, le couple présidentiel a fait preuve de sang-froid et a gardé le moral. Le Président nous disait qu’il ne comprenait pas le sens de ces bombardements, parce que la résidence du chef de l’Etat n’était pas un camp militaire ou un dépôt d’armes. Comme il sait le faire, le Président Gbagbo trouvait toujours un mot pour plaisanter et détendre l’atmosphère.
Le dimanche à 3h du matin, un incendie se déclara au sous-sol créant la panique au niveau des services de sécurité qui réussirent à éteindre le feu. Dans la pièce transformée en chambre à coucher pour les besoins de la cause y étaient installés le Président Gbagbo, Simone qui restait beaucoup plus dans la salle de prières, Yanon Yapo, Sangaré, Docteur Djédjé médecin particulier de la Première dame et moi.
Le lundi 11 Avril à 8h, Désiré Tagro informe le Président de ce qu’une colonne de plus de 60 chars français des forces Licorne se dirigeait vers la résidence. A 9h une fumée envahit le sous-sol, et le rez-de-chaussée, elle devenait de plus en plus épaisse et noire. Le service de sécurité nous dirige alors vers la rampe dont le grand portail métallique était fermé. Nous commencions par étouffer, le Président demandait à tout le monde d’avancer vers le portail que les FDS tentaient de casser, la fumée épaisse et noire avançait, on était sur le point d’être asphyxié quand le portail céda. On nous conduit dans une salle au 1er étage alors qu’un autre groupe se trouvait dans la salle contiguë. Pendant tout ce temps, les forces françaises et onusiennes pilonnaient de façon intensive la résidence. Désiré Tagro sort une 1ère fois pour voir ce qui se passe dehors. Il revient et nous informe que l’armée française vient de détruire le grand portail d’entrée de la résidence pour y déverser les FRCI.
Le Président demande à Désiré Tagro d’appeler l’ambassadeur de France, celui-ci répond dans un premier temps qu’il est tard et qu’il ne peut rien faire. Après il demande à Désiré Tagro de sortir avec un tissu blanc en main, ce que fit le ministre, mais il essuie des tirs de la part des FRCI.
Nous entendons des cris dehors : « Où est Gbagbo ? Où est Simone ? On va vous tuer tous ! Sortez on va vous tuer… ».
Le ministre Désiré Tagro ne cessait de répéter qu’ils vont le tuer. Quelques instants après, aux environs de 11h, la porte de la salle où nous étions a été défoncée. Le Président Gbagbo toujours calme demande aux hommes en tenue qui se sont présentés à lui de se calmer et qu’il était là. Il y eut un silence lourd, le Président se leva et partit avec eux. Nous avons entendu des coups de feu dans les escaliers ce qui a fait dire à certains qu’ils avaient tué le Président. Après cela, on nous a couchés par terre, nous avons tous été fouillés et en colonne nous sommes sortis de la salle. J’ai vu le ministre Tagro grièvement blessé, couché dans un véhicule bâché. C’était la dernière fois que je voyais mon ami et frère Désiré Tagro.
Le 11 Avril 2011 est un jour triste pour notre pays, pour la démocratie, pour la souveraineté des Etats africains ». 
 
Marcel Gossio (L’intelligent d’Abidjan 15 avril 2013) 

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Source : CIVOX. NET 15 Avril 2013

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