« A 80 kilomètres environ à l'ouest de
Grand-Bassam la grande lagune Ebrié, dont les eaux limoneuses s'étendent jusqu'à
Kraffy, 40 kilomètres plus loin, se creuse en un vaste port natu40 kilomètres
plus loin, se creuse en un vaste port naturel abrité contre les vents du large qui
soufflent parfois en tempête dans ces parages.
Au fond de cette baie se trouve le petit village de
Dabou, centre du commerce des amandes et de l'huile de palme que les habitants
du pays Adioukrou venaient, de temps immémorial, livrer aux traitants Alladians
et aux courtiers Ebriés de la grande lagune. Tant que les rapports, établis en
1843 par nos marins de l'Atlantique avec les chefs indigènes, se bornèrent à
leur faire des cadeaux, tout fut facile, mais lorsque ceux-ci virent des factoreries,
fournies de nombreuses marchandises, venir leur disputer les marchés, ils
pensèrent qu'ils s'étaient donné là des concurrents dangereux et leur animosité
dégénéra bientôt en une hostilité flagrante qu'il fallut réprimer. En 1853,
l'amiral Baudin avait dû infliger aux Ebriés, réunis à Eboué, une correction
qu'ils n'oublièrent pas de sitôt. C'est à la suite de cette expédition que fut
construit à Dabou par Faidherbe, alors capitaine du génie, le fort qui porte
son nom et dont la solide masse de pierre pouvait défier tous les assauts et
permettait d'assurer la libre circulation de la lagune. Elle avait aussi le
grand avantage de tenir en respect la turbulente tribu des Boubourys, située à
peu de distance, et dont l'hostilité toujours en éveil devait donner lieu, dans
le cours de l'année 1898, à de tragiques événements.
Le fort Faidherbe avait dû être abandonné en 1870 pour n'être occupé de nouveau qu'en 1892, sous l'administration de M. Ballay, gouverneur de ce qu'on appelait alors la Guinée française et dépendances. A l'époque qui nous occupe, il servait de résidence à l'administrateur commandant le cercle.
[…]
la fondation des deux postes de Bingerville et d'Abidjan ouvrait à
l'évangélisation la tribu Ebrié, jusque-là délaissée.
Cette tribu, adonnée principalement à la pêche,
habite un grand nombre de petits villages disséminés çà et là sur les bords de
la lagune, à l'ombre d'un bosquet de cocotiers. Les Ebriés avaient toujours été
assez réfractaires à notre autorité, et il avait fallu infliger dans le passé
quelques sévères leçons à ces écumeurs de la lagune. Nous avons relaté plus
haut la correction que l'amiral Baudin dut leur administrer dès 1853, près du village
d'Eboué. Depuis cette époque, ils s'étaient toujours obstinément dérobés devant
la pénétration européenne, et les débuts de la Mission de Bingerville devaient encore
être signalés par une nouvelle marque de leur hostilité. En février 1905, les
indigènes du village d'Akouadio [Akouédo], situé à 8 kilomètres à peine,
pénétraient en armes dans la capitale sans défense et y massacraient un garde
et un colporteur indigènes. Il fallut faire venir de Lahou une compagnie de
tirailleurs qui, appuyée par une flottille, enleva le village d'Akouadio, après une résistance acharnée.
Tels étaient les Ebriés. Leur défiance de
l'Européen, unie à la sauvagerie de leur caractère, en rendrait certes la
conquête difficile, mais ces considérations n'étaient pas de nature à
décourager les missionnaires qui, sous ces dehors un peu rébarbatifs, savaient
distinguer l'âme immortelle créée à l'image de Dieu. »
(Extrait de « La Côte d'Ivoire chrétienne », du R.P. Joseph Gorju, Librairie catholique Emmanuel Vitte, Paris-Lyon 1915 ; pp 25-26 & 146).
Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque nationale
de France
Je suppose que le livre n'est pas réédité. Cela me ferait plaisir de le lire.
RépondreSupprimerL'ouvrage "La Côte d'Ivoire chrétienne" est accessible sur le site de la BNF et il est possible de le télécharger gratuitement. Je vous le recommande. Et, tant qu'on y est, vous pourrez y trouver beaucoup d'autres livres très intéressants autour de la même époque.
SupprimerBien à vous
M. Amondji