DÈS LE COMMENCEMENT, LA
VIOLENCE AVEUGLE ET LA LOI DU PLUS FORT POUR SEULES RÈGLES, EN TOUTE BONNE
CONSCIENCE. (La Rédaction)
Les Français sur la côte occidentale d'Afrique
GRAND-BASSAM,
DABOU, ASSINIE
En 1838, à la
suite de l'exploration du littoral de la côte ouest de l'Afrique, des îles Loos
au cap Lopez, par M. Bouët-Villaumez, commandant la Malouine, on décida la
création de comptoirs sur la Côte d'Or et sur la Côte-d'Ivoire.
On négocia donc,
avec les chefs indigènes, la cession à la France des territoires de
Grand-Bassam et d'Assinie.
En juin 1843, la
corvette l'Indienne, capitaine Rataillot ; la Malouine, commandée par M.
Fleuriot de Langle; l'Eperlan, commandant Darricau, vinrent jeter l'ancre
devant Assinie. L'expédition était en outre accompagnée de trois navires de
commerce, portant des vivres et un matériel d'installation, plus trente soldats
d'infanterie de marine sous les ordres du lieutenant de Montlouis. M. Fleuriot
de Langle, chef de l'expédition, entra immédiatement en pourparlers avec le roi
du pays, et le 5 juillet le débarquement commença. Il fut long et pénible, à
cause de la barre qui ferme l'entrée de la rivière d'Assinie; néanmoins le 22
juillet tout était fini, et la construction d'un blockhaus achevée. Pendant que
se terminaient les travaux d'installation, de nouveaux traités étaient signés
avec Amatifoux, neveu d'Attacla, roi d'Assinie, Ils nous donnaient la propriété
pleine et entière de la presqu'île sur laquelle est établi notre comptoir, et
reconnaissaient le protectorat de la France sur toute l'étendue du royaume. On
put procéder, le 29 juillet, à la cérémonie officielle de la prise de
possession.
Quelques jours
auparavant (le 23), une seconde expédition avait quitté Gorée pour aller occuper
Grand-Bassam ; elle se composait du brick l'Alouette, capitaine Kerhallet,
commandant de l'expédition; de la goëlette la Fine, sous les ordres de M.
Méquet, et de trois bâtiments marchands. La flottille arriva le 16 août en vue
de Grand-Bassam; le 22, elle franchissait la barre et s'engageait dans la
rivière Costa. Six jours après, le débarquement était terminé, un blockhaus construit,
et le même jour, 28 août, M. Kerhallet prenait solennellement possession de
Grand-Bassam.
"Le commandant E. Bouët-Willaumez attaque et châtie
les peuplades insurgées de Grand-Bassam"
(Colonel Frey, « Côte occidentale d'Afrique », 1890) |
Aussitôt que
l'on voulut entrer en relations avec les indigènes, on se heurta à l'opposition
des habitants de la province d'Akba, qui, par de méchants bruits répandus, et
même par des attaques à main armée, voulurent empêcher les populations de
trafiquer avec nous. Ils allèrent jusqu'à essayer de fermer la lagune d'Ebrié
et la rivière aurifère d'Akba, qui sert de voie de communication avec
l'intérieur. En agissant ainsi, les gens d'Akba obéissaient à la crainte de
nous voir nous substituer à eux pour le commerce des produits de l'intérieur,
dont ils avaient le monopole ; ils espéraient, par leur opposition, nous
fatiguer et nous amener à abandonner notre possession. Une attitude aussi
hostile méritait un châtiment ; en 1849, M. Bouët se décida à sévir : les cases
de Yabou, le village le plus important de la contrée, furent brûlées, et ses
habitants condamnés à payer une forte indemnité. Après cet acte d'énergie, on
entreprit une exploration dans l'intérieur, afin de rassurer les populations, et
le commerce, désormais tranquille, prit une rapide extension.
Trois ans plus
tard, une nouvelle leçon devint nécessaire. Les Jack-Jacks du littoral, qui
occupent la langue de terre séparant la lagune Ebrié de la mer, servaient de
courtiers dans toutes les transactions conclues entre les trafiquants de la
côte et les peuplades de l'intérieur. C'était leur seule industrie. Craignant que
les Français n'avançassent jusqu'au cœur du pays, ce qui eût causé leur ruine,
ils poussèrent à la révolte les habitants d'Ebrié, au nord de la lagune. M.
Martin des Pallières, alors capitaine d'infanterie de marine, effraya les
Jack-Jacks par une démonstration armée, et châtia les habitants de
Grand-Bassam, qui n'obtinrent la paix qu'on payant une somme énorme ; comme
garantie de l'exécution de leurs engagements, leur roi Piter fut gardé en otage
à bord du navire de l'Etat en station dans la rade.
Cependant les
gens d'Ebrié n'étaient pas soumis. Retranchés dans leurs forêts profondes, où
nos troupes ne pouvaient les poursuivre, ils continuèrent les hostilités, et,
un an plus tard, réussirent à entraîner dans la lutte les habitants d'Akba, de
Potou, de Dabou et de Banboury, c'est-à-dire une partie des populations qui
nous entouraient. A la nouvelle du soulèvement, le roi d'Assinie, au mépris des
traités signés avec nos représentants, se révolta aussi, dans l'intention de
détruire notre comptoir et de nous forcer à abandonner son territoire.
Le 14 septembre
1853, le commandant Baudin quitta Gorée avec une colonne forte de sept cent soixante-trois
hommes, marins et soldats. Le 10 octobre, il était devant Grand-Bassam. A la
vue de nos troupes, les Bassamans vinrent immédiatement faire leur soumission
au commandant; on traita avec eux, ils payèrent un tribut, et on leur rendit
leur roi Piter. Ils durent en outre nous fournir un contingent et des guides
qui conduisirent nos soldats contre le gros des révoltés. Il fallait un
châtiment sévère: plusieurs villages furent détruits, entre autres ceux
d'Abata, d'Eboué et de Dabou; les habitants, terrifiés par la marche de notre
colonne et l'incendie des villages vinrent demander la paix.
De ce côté
l'insurrection était entièrement vaincue, et, depuis cette époque, la
tranquillité n'a plus, été troublée. D'ailleurs, afin de prévenir toute
nouvelle tentative de révolte, on occupa Dabou, point stratégique important,
qui commande la lagune et plusieurs villages très riches en huile de palme,
dont on accaparait ainsi le monopole. On construisit un blockhaus, et
l'organisation de notre nouvelle possession par droit de conquête fut confiée
au capitaine du génie Faidherbe.
Restaient les
rebelles d'Assinie : c'est le lieutenant d'infanterie de marine Coquet qui fut
envoyé contre eux. A son arrivée, il se mit en rapport avec Amatifoux, qu'il
convainquit facilement de la folie de son entreprise, le fit rentrer dans le
devoir, et reçut, sans combat, la soumission de la population.
Nos deux comptoirs
étaient donc pacifiés, et nous venions d'ajouter à nos possessions antérieures
un troisième point d'occupation.
Débarrassés des
inquiétudes causées par les indigènes, les résidents purent s'occuper des
améliorations à apporter à nos établissements; des travaux d'assainissement furent
immédiatement commencés : on dessécha et on combla les marais, on traça de
grandes voies de communication entre les comptoirs, on remplaça les blockhaus
primitifs par des maisons modèles en pierre. Dès 1856, on édifiait à Grand-Bassam
un hôpital en briques. A Assinie, les établissements du gouvernement s'élevaient
sur la rive droite de la rivière, en face de ceux que l'on avait installés à la
hâte lors du débarquement. Le commerce, un instant suspendu par les événements
que nous venons de relater, prit l'extension qu'il a toujours conservée depuis.
Telle est, en
résumé, l'histoire de l'occupation moderne des établissements français de la
Côte-d'Or.
(Extrait de « Nos petites colonies », par F. Hue et G. Haurigot, H.
Lecène et H. Oudin éditeurs, Paris-Poitiers 1887).
A suivre…
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