mercredi 11 juin 2014

La chronique de Ferro Bally

Le monde à l’envers 

Les mairies, structures décentralisées qui visent à donner aux collectivités locales des compétences propres (état-civil, urbanisme et logement, écoles et équipements, activités culturelles, santé et aide sociale, police administrative), distinctes de celles de l'État, jouent maintenant en Côte d’Ivoire le sale rôle politique dévolu au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, à travers les autorités préfectorales, structures déconcentrées qui visent à améliorer l'efficacité de l'action de l'État en transférant certaines attributions de l'échelon administratif central aux fonctionnaires locaux, c'est-à-dire aux préfets, aux directeurs départementaux des services de l'État ou à leurs subordonnés.
L’exemple du maire Adama Toungara d’Abidjan-Abobo, qui a déclaré Affi N’Guessan persona non grata dans sa commune, sans aucune réaction de Diakité Sidiki, préfet de la région des Lagunes et préfet d’Abidjan, est en train de faire tache d’huile. La maire d’Odienné, Nassénéba Diané-Touré, a suivi son exemple. Prenant prétexte de l’opposition des jeunes et femmes, elle a pris, le 5 juin, en lieu et place d’Amani Yao Michel, préfet de région et préfet du département, un arrêté pour empêcher Affi N’Guessan de fouler le sol de sa commune où, après autorisation des autorités nationales, il devait rendre visite à Mme Simone Gbagbo qui y est détenue depuis trois ans.
Cette ville d’Odienné est abonnée aux mauvais traitements réservés aux adversaires politiques traités comme des ennemis. Car, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, feu Emile Boga Doudou qui y effectuait une tournée dans le cadre de la réconciliation nationale, était lapidé, le 23 avril 2001, par des jeunes excités qui scandaient «ADO président».
Sur cette lancée, Bamba Lamine, maire de Touba, où Affi N’Guessan est en tournée depuis une semaine, a ignoré le préfet de région et préfet du département, Yao Kouakou Benoît. Il a, lui aussi, pris un arrêté pour annuler le meeting de clôture de ce 7 juin 2014 du président du FPI. Raison du veto : les jeunes et les femmes de la commune, là encore, sont opposés à cette manifestation.
C’est le monde, totalement, à l’envers : ce sont les maires qui représentent désormais l’Etat et ce sont les jeunes dans nos communes qui imposent désormais leur volonté et leur diktat. A moins que cette attitude ne soit encore que la poursuite de la «Justice des vainqueurs», avis aux leaders et hommes politiques de tous bords : une lettre de «quelques quidams», le mot est de Soro Kigbafori Guillaume (président de l’Assemblée nationale) pour fustiger ceux qui s’opposaient à sa visite à Gagnoa en août 2013, adressée aux maires suffit désormais pour autoriser ou interdire toute tournée ou manifestation politique dans nos communes. C’est sans doute la voie de notre émergence ...politique.

Ferro Bally

Source : La Dépêche d'Abidjan 9 Juin 2014

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