« …là où le bât blesse, c’est la
présence d’un représentant du chef de l’Etat
qui, en plus, est appelé, sauf changement, à présider la Commission. »
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Le moins qu’on
puisse dire, c’est que la présidentielle ivoirienne de 2015 se prépare sous de
mauvais auspices. Déjà que la participation du Front populaire ivoirien
(FPI) au scrutin était incertaine… En effet, au sein du parti de l’ex-président
Laurent Gbagbo, deux camps se dégagent : d’un côté il y a les partisans du boycott pour qui la détention de leur
chef dans le centre pénitencier de la Haye, la mauvaise conduite du
processus de réconciliation, la partialité de la justice ivoirienne et même
internationale dans les affaires liées à la crise postélectorale, constituent
autant d’obstacles à toute participation au scrutin à venir ; de l’autre,
il y a ceux qui prônent la reconquête du pouvoir malgré l’absence du leader
historique du FPI. Est de cette tendance, le président du parti, Pascal Affi
N’Guessan, déjà dans la posture de candidat.
L’autre menace qui plane sur cette
élection de 2015, c’est la position du PDCI dont la participation est tout
aussi incertaine. Là aussi, deux tendances s’affrontent : l’une, emmenée
par un jeune franc-tireur du parti, Konan Kouassi Bertin (KKB), bataille pour
une candidature contre l’allié d’hier, Alassane Dramane Ouattara ; une
position qui n’est pas pour déplaire à certains vieux caïmans comme Alphonse
Djedje Madi, qui piaffe d’impatience de s’essayer enfin à la course vers le
palais de Cocody ; l’autre, représentée par des «obligés» du président
actuel, préfère accompagner un généreux bienfaiteur dans sa quête de second
mandat.
Est de ceux-là Henri Konan Bédié,
entretenu comme un coq en pâte par le pouvoir : construction d’un pont à
son nom, voyages dans l’avion du chef de l’Etat et autres libéralités
présidentielles à l’égard du Sphinx de Daoukro.
A tout ce
méli-mélo d’avant-2015 vient s’ajouter cette nouvelle affaire de la Commission
électorale indépendante (CEI).
En effet, cette institution, en charge de
l’organisation des élections, cristallise contre elle de nombreuses critiques
non seulement du FPI mais également d’une partie du PDCI dont des députés ont
même saisi le Conseil constitutionnel pour dénoncer la non-conformité de la
nouvelle loi avec la Constitution. Mais sans surprise, la requête n’a pas
abouti.
Ce qui a autorisé, le lendemain mercredi
18 juin, le chef de l’Etat à promulguer la loi querellé avec quatre
représentants de l’Administration, quatre de la société civile, quatre de
l’opposition, quatre du pouvoir et, tenez-vous bien, un représentant du chef de
l’Etat dans la Commission, composée de 17 membres.
On n’a pas besoin de sortir des hautes
écoles de sciences politiques pour se rendre compte que, par sa composition,
cette CEI n’a d’indépendante que le nom.
Passe encore que le pouvoir, en plus de
ses quatre représentants, ait les alliés naturels que sont les quatre représentants
de l’Administration. Mais là où le bât blesse, c’est la présence d’un
représentant du chef de l’Etat qui, en plus, est appelé, sauf changement, à
présider la Commission.
Sauf erreur ou
omission, même dans de pareilles institutions taillées sur mesure comme on en
connaît dans beaucoup de contrées africaines, on n’a jamais vu le président de
la République être représenté ès-qualité. Cette
incongruité ivoirienne est d’autant plus problématique qu’Alassane Ouattara se
trouve être candidat à l’élection alors que la loi ne prévoit pas de
représentant, à titre personnel, de ses challengers ; d’où la fronde
légitime d’un certain nombre de députés contre cette représentation inéquitable
au sein de la CEI.
Alors si dès l’amont, les prétendants à la
course présidentielle ne sont pas sur la même ligne de départ, il va sans dire
que l’arrivée est connue d’avance. Et la suite aussi : contestation des
résultats avec tout ce que cela comporte comme conséquences pour une Côte
d’Ivoire qui ne s’est pas encore tout à fait remise du conflit postélectoral de 2010. Le président Ouattara
est bien payé pour savoir que ce sont pareilles iniquités qui font le lit des
crises politiques.
Toutes ces
entorses à l’indépendance réelle de la CEI trahissent-elles la peur du
candidat sortant de ne pas décrocher le pompon en 2015 ? Dans le cas
contraire, procèdent-elles de micmacs politiques visant à lui assurer une
victoire à valeur de plébiscite ?
Adama Ouédraogo
Damiss
Titre original :
Composition CEI ivoirienne : De quoi ADO a-t-il peur ?
EN MARAUDE DANS LE WEB
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nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
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que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source : L’Observateur Paalga (BF) 19 Juin 2014
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