Le 19 septembre 2002 s'ouvrent de nouvelles pages de
l'histoire de la Côte d'Ivoire écrites avec le sang des Ivoiriens. Cette
tragédie est naturellement marquée par des lamentations, des pleurs et des cris
de douleurs des Ivoiriens vivant sur le sol national. Ces lamentations, pleurs
et cris de douleurs retentissent dans la diaspora. Plus qu'un retentissement,
c'est la compassion qui gagne les cœurs et les esprits. Par-delà la compassion,
c'est l'indignation, la révolte, mieux la volonté de révolution. Car derrière
les faire-valoir en kalachnikov, les esprits avertis voient la main obscure
d'une France néocoloniale et rapace, fermement opposée à la politique
révolution du président Laurent Gbagbo. Des Ivoiriens vivant en France, à
l'instar de ceux vivant sur le sol national, marquent fermement et bruyamment
leur révolte. De Marcoussis à Kléber, des milliers d'Ivoiriens sont
mobilisés en France pour dire non aux néocolonialistes, pour faire barrage à
l'imposture. Entre temps, le pays en crise entre dans un processus de son
règlement pacifique. Ce processus fait baisser la tension à Abidjan et à Paris,
tous ou presque tous espérant le miracle des négociations et des accords. Mais
les patriotes ivoiriens font face à la désillusion. L'issue de la crise pensée
comme organisation d'élections libres, démocratiques et transparentes n'est
rien d'autre qu'une utopie. La rébellion armée avec ses soutiens que sont les
casques bleus de l'ONUCI et la Force française Licorne décident d'obtenir
par les armes ce qu'ils ont perdu dans les urnes. Imposer Alassane Ouattara par
un coup d'Etat dans une situation de guerre, tel a été l'objectif atteint de la
coalition néocolonialiste et ses soutiens locaux. Mais bien avant ce coup
d'Etat du 11 avril 2011, en Côte d'Ivoire les Ivoiriens se remobilisent, des
leaders de la « galaxie patriotique » font le rappel des troupes, « ces
jeunes gens aux mains nues », prêts au sacrifice suprême, pour faire
respecter le verdict des urnes et la souveraineté de la Côte d'Ivoire. Des
milliers d'Ivoiriens de la diaspora se remobilisent dans les rues parisiennes
et dans les grandes capitales européennes. La fièvre patriotique gagne les
esprits. Aux lendemains du 11 avril 2011 cette fièvre patriotique atteint son
paroxysme. Si la révolte est perceptible à travers toutes les différentes
manifestations des patriotes, la révolution, pour l'heure, ne reste qu'un
désir, une volonté, un rêve. Car faute de moyens concrets de sa réalisation,
elle semble de plus en plus appartenir à la sphère désenchantée de l'Utopie.
Dans l'hexagone, les Ivoiriens font preuve
d'exemplarité à travers leur mobilisation, et leur détermination. Ils fascinent
parfois d'autres Africains, Français et Européens, louant leur courage, leur
détermination. Ce sont les beaux jours de la résistance des Ivoiriens de la
diaspora. Aussi longtemps que l'objectif commun restait la préoccupation des
uns et des autres, cette résistance avait de beaux jours devant elle, des jours
glorieux marqués par sa victoire, fût-elle partielle. Mais la réalité, ces
derniers temps, reste déconcertante. Cette résistance est marquée par
différents maux, qui ont fini par avoir raison d'elle (?). Ces maux sont entre
autres, les querelles d'égo, la jalousie, l'hypocrisie, la malhonnêteté, la
diffamation, la cupidité, les complots et autres coups bas dignes des apprentis
et maîtres sorciers. De flamme porteuse d'espoir qu'elle était, cette
résistance est aujourd'hui réduite à une étincelle. Une étincelle demeurant
problématique. Comment la maintenir et l'entretenir, dans l'espoir qu'elle
s'enflamme à nouveau pour éclairer le chemin qui conduit à la victoire et
consumer ses obstacles ? Car dans la réalité, les rues parisiennes, La Haye et
autres places européennes ne mobilisent plus. Ils sont nombreux, ces femmes,
ces jeunes et ces hommes, qui manifestement ne sont plus prêts à braver le
froid, la neige, la pluie pour défendre la cause patriotique. Les salles
chauffées des soirées dansantes mobilisent désormais plus que la cause
patriotique. La majorité se comporte comme si la cause était désormais gagnée
ou perdue, et que l'heure était venue de tourner la page. Pourtant « le
serpent, comme le disait Laurent Gbagbo, n'est pas encore mort ». Or
ils avaient crié et scandé, à la suite de Laurent Gbagbo, comme reprenant un
refrain ou un slogan révolutionnaire: « On ira jusqu'au bout ! »
Sans avoir vu le bout, sans tenir encore le bon bout, sans être au bout du
tunnel, la majorité des « résistants » est effectivement à
bout. Le temps a-t-il eu raison de la résistance ? Ou faut-il croire que ce qui
est considéré comme résistance n'étaient en réalité qu'une émotion de longue
durée, comme tentent d'en témoigner les signes actuels ? Pour certains,
l'histoire retiendra: « La résistance les a faits, ils ont DEFAIT la
résistance ». Car il existe bien des leaders sortis de l'anonymat
historique par et à l'occasion de cette résistance. Mais combien sont-ils
aujourd'hui à être préoccupés par la résurrection de la flamme de cette
résistance ? Certains ont déjà rédigé leurs mémoires de la résistance,
d'autres, peut-être, en nourrissent le projet. Ils existent des patriotes
qui ont pu fonder amitié, foyer et relation amoureuse par cette résistance.
Mais combien sont-ils aujourd'hui, prêts à se mobiliser pour la cause comme aux
premières heures ? La résistance agonise, si elle meurt, tous auront été ses
assassins! Et au tribunal de l'Histoire, chacun devra sincèrement répondre
à cette question : « Ai-je fait, bien fait pour la résistance ce que je
dois ? ».
Zéka Togui.
Titre original : « Résistance patriotique des Ivoiriens de la
diaspora : 3 ans après, qu'en reste-t-il ? »
en maraude
dans le web
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de
provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre
ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou
l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu
informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des
mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : CIVOX. NET 14
Février 2014
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