samedi 15 février 2014

Trois ans après, que reste-t-il de la résistance patriotique des Ivoiriens de la diaspora ?

Le 19 septembre 2002 s'ouvrent de nouvelles pages de l'histoire de la Côte d'Ivoire écrites avec le sang des Ivoiriens. Cette tragédie est naturellement marquée par des lamentations, des pleurs et des cris de douleurs des Ivoiriens vivant sur le sol national. Ces lamentations, pleurs et cris de douleurs retentissent dans la diaspora. Plus qu'un retentissement, c'est la compassion qui gagne les cœurs et les esprits. Par-delà la compassion, c'est l'indignation, la révolte, mieux la volonté de révolution. Car derrière les faire-valoir en kalachnikov, les esprits avertis voient la main obscure d'une France néocoloniale et rapace, fermement opposée à la politique révolution du président Laurent Gbagbo. Des Ivoiriens vivant en France, à l'instar de ceux vivant sur le sol national, marquent fermement et bruyamment leur révolte. De Marcoussis à Kléber, des milliers d'Ivoiriens  sont mobilisés en France pour dire non aux néocolonialistes, pour faire barrage à l'imposture. Entre temps, le pays en crise entre dans un processus de son règlement pacifique. Ce processus fait baisser la tension à Abidjan et à Paris, tous ou presque tous espérant le miracle des négociations et des accords. Mais les patriotes ivoiriens font face à la désillusion. L'issue de la crise pensée comme organisation d'élections libres, démocratiques et transparentes n'est rien d'autre qu'une utopie. La rébellion armée avec ses soutiens que sont les casques bleus de l'ONUCI et la Force française Licorne  décident d'obtenir par les armes ce qu'ils ont perdu dans les urnes. Imposer Alassane Ouattara par un coup d'Etat dans une situation de guerre, tel a été l'objectif atteint de la coalition néocolonialiste et ses soutiens locaux. Mais bien avant ce coup d'Etat du 11 avril 2011, en Côte d'Ivoire les Ivoiriens se remobilisent, des leaders de la « galaxie patriotique » font le rappel des troupes, « ces jeunes gens aux mains nues », prêts au sacrifice suprême, pour faire respecter le verdict des urnes et la souveraineté de la Côte d'Ivoire. Des milliers d'Ivoiriens de la diaspora se remobilisent dans les rues parisiennes et dans les grandes capitales européennes. La fièvre patriotique gagne les esprits. Aux lendemains du 11 avril 2011 cette fièvre patriotique atteint son paroxysme. Si la révolte est perceptible à travers toutes les différentes manifestations des patriotes, la révolution, pour l'heure, ne reste qu'un désir, une volonté, un rêve. Car faute de moyens concrets de sa réalisation, elle semble de plus en plus appartenir à la sphère désenchantée de l'Utopie.
Dans l'hexagone, les Ivoiriens font preuve d'exemplarité à travers leur mobilisation, et leur détermination. Ils fascinent parfois d'autres Africains, Français et Européens, louant leur courage, leur détermination. Ce sont les beaux jours de la résistance des Ivoiriens de la diaspora. Aussi longtemps que l'objectif commun restait la préoccupation des uns et des autres, cette résistance avait de beaux jours devant elle, des jours glorieux marqués par sa victoire, fût-elle partielle. Mais la réalité, ces derniers temps, reste déconcertante. Cette résistance est marquée par différents maux, qui ont fini par avoir raison d'elle (?). Ces maux sont entre autres, les querelles d'égo, la jalousie, l'hypocrisie, la malhonnêteté, la diffamation, la cupidité, les complots et autres coups bas dignes des apprentis et maîtres sorciers. De flamme porteuse d'espoir qu'elle était, cette résistance est aujourd'hui réduite à une étincelle. Une étincelle demeurant problématique. Comment la maintenir et l'entretenir, dans l'espoir qu'elle s'enflamme à nouveau pour éclairer le  chemin qui conduit à la victoire et consumer ses obstacles ? Car dans la réalité, les rues parisiennes, La Haye et autres places européennes ne mobilisent plus. Ils sont nombreux, ces femmes, ces jeunes et ces hommes, qui manifestement ne sont plus prêts à braver le froid, la neige, la pluie pour défendre la cause patriotique. Les salles chauffées des soirées dansantes mobilisent désormais  plus que la cause patriotique. La majorité se comporte comme si la cause était désormais gagnée ou perdue, et que l'heure était venue de tourner la page. Pourtant « le serpent, comme le disait Laurent Gbagbo, n'est pas encore mort ». Or ils avaient crié et scandé, à la suite de Laurent Gbagbo, comme reprenant un refrain ou un slogan révolutionnaire: « On ira jusqu'au bout ! » Sans avoir vu le bout, sans tenir encore le bon bout, sans être au bout du tunnel, la  majorité des « résistants » est effectivement à bout. Le temps a-t-il eu raison de la résistance ? Ou faut-il croire que ce qui est considéré comme résistance n'étaient en réalité qu'une émotion de longue durée, comme tentent d'en témoigner les signes actuels ? Pour certains, l'histoire retiendra: « La résistance les a faits, ils ont DEFAIT la résistance ». Car il existe bien des leaders sortis de l'anonymat historique par et à l'occasion de cette résistance. Mais combien sont-ils aujourd'hui à être préoccupés par la résurrection de la flamme de cette résistance ? Certains ont déjà rédigé leurs mémoires de la résistance, d'autres, peut-être, en nourrissent le projet.  Ils existent des patriotes qui ont pu fonder amitié, foyer et relation amoureuse par cette résistance. Mais combien sont-ils aujourd'hui, prêts à se mobiliser pour la cause comme aux premières heures ? La résistance agonise, si elle meurt, tous auront été ses assassins! Et au tribunal de l'Histoire, chacun devra sincèrement répondre à cette question : « Ai-je fait, bien fait pour la résistance ce que je dois ? ».

Zéka Togui.
Titre original : « Résistance patriotique des Ivoiriens de la diaspora : 3 ans après, qu'en reste-t-il ? » 

 
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 Source : CIVOX. NET 14 Février 2014

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