La dernière lettre de Michel Manouchian,
héros de la résistance à l’occupant
allemand
Ma Chère Mélinée, ma petite
orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai
plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela
m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais
que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t'écrire ? Tout est confus
en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de
Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du
but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté
et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les
combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de
mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et
contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme
récompense.
Le peuple allemand et tous les
autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera
plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas
rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le
voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et
d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté,
marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et
toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la
guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma
femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront
bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus.
Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai
avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme
qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à
personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du
soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que
je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers
amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire
du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous
ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me
connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton
ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel.
P.S. J'ai quinze mille francs
dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes
et donne le reste à Armène. M. M.
L'AFFICHE ROUGE
(Poème de Louis Aragon)
Vous n'avez réclamé ni gloire ni
les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos morts pour la France
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos morts pour la France
Et les mornes matins en étaient
différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
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