« Ripou » – c’est-à-dire pourri en verlan – s’applique ordinairement à des
fonctionnaires de police, heureusement fictifs le plus souvent, qui se sont laissé
corrompre par des délinquants qu’ils avaient normalement mission de démasquer
et de livrer à la justice ; c’est l’équivalent de « policier corrompu ».
Mais, en fait de corruption, il n’y a pas que cette variété-là ; et,
d’ailleurs, ce n’est peut-être pas la plus à craindre pour les vraies
« valeurs » de la République. Et puis, ce n’est pas nécessairement une
affaire d’intégrité morale… En tout cas, bien plus que la corruption des mœurs
policières, c’est la corruption du discours politique et celle du discours
journalistique qui me paraissent les plus dangereuses à cet égard.
Manuel Valls, le menton volontaire... |
Si Manuel Valls peine tant à convaincre –
ou à vaincre tout court – quand il « défend la République », n’est-ce
pas parce que lui qui enjoint si souvent les autres d’être « au
clair » avec eux-mêmes, ne l’est presque jamais lui-même ? Par
exemple, lorsqu’il s’agit de son entreprise contre l’humoriste Dieudonné. Nous
nous en tiendrons là, mais on pourrait rappeler ses propos sur la coloration
qu’il préférait pour ses administrés d’Evry, ou sur les Roms.
Dans l’interview que nous reproduisons
ci-dessous, celui que Valls nous a présenté comme un fléau de tous les diables,
n’est plus qu’un « symptôme »,
la véritable maladie, selon lui, ce serait Alain Soral, « qui, par son parcours, l'utilisation du Net, les manipulations
auxquelles il se livre, les réseaux qu'il a constitués, unit et fédère, de
façon inédite, le front des extrêmes ».
Plus
loin dans le même texte, vous verrez combien Manuel Valls sait faire dans
l’amalgame, mais aussi combien il est peu conséquent…, ou combien lui fait
défaut le vrai courage politique, celui d’affronter les vrais problèmes au lieu
de s’attaquer aux moulins à vent, tel cet autre Espagnol qui, lui, l’est
resté sans cesser d’être universel :
« Je remarque au passage que le clan
le Pen est très gêné par cette affaire car ses liens avec Soral, Dieudonné et
Chatillon sont incontestables. La démonstration est faite une bonne fois pour
toutes que le FN est une formation d'extrême droite qui n'est pas sortie d'une
idéologie nauséabonde ». Ainsi donc Manuel Valls n’aurait rien de plus
répréhensible à reprocher à Dieudonné que ce qu’il reproche à Soral, à
Chatillon et au Front national ou au « clan Le Pen ». Alors pourquoi
tout ce foin autour de Dieudonné, et de lui seulement ?
Soit dit « au passage » : Patrick Cohen, le journaliste sélectif
qui « n’invitera jamais » « un de ces cerveaux malades »
dans son émission, y a pourtant reçu Marine Le Pen, la présidente de la « formation d'extrême droite qui n'est
pas sortie d'une idéologie nauséabonde » !
A
propos de cette affaire montée de toutes pièces par un Manuel Valls tout dévoué à
la cause d’Israël-Etat des juifs où qu’ils aient choisi de vivre mais pas des
musulmans ou des chrétiens qui y sont nés et y ont toutes leurs tombes,
quelqu’un a parlé de « bouc émissaire ». LEXPRESS.COM en a fourni
indirectement une belle illustration tout récemment, à l’occasion de la
publication d’une interview de Frédéric Haziza. Le journaliste de LCP était interrogé
à propos du procès que lui a intenté un certain Chatillon. Au passage, il
n’a pas manqué de sacrifier au Dieudonné bashing comme d’ailleurs son
interviewer l’y invitait lourdement : « Dieudonné n'est plus un
humoriste, c'est un propagandiste de la haine. Il est à la tête d'une
organisation qui joue sur l'ambiguïté de l'humour. L'inviter à la télé, c'est
se faire le complice d'un multirécidiviste condamné à de
nombreuses reprises pour des délits de
provocation à la haine raciale ou d'antisémitisme ». Il n’en fallait pas plus pour que sur les vingt-deux
(22) internautes qui ont commenté cette interview, 21, oubliant tout à fait
Chatillon, n’y trouvent que prétexte à s’en prendre à… Dieudonné. Mais le plus révélateur,
c’est que ce lynchage fut autorisé par LEXPRESS.COM malgré cet avertissement en
caractères gras manifestement destiné à protéger l’interviewé d’un éventuel retour
de manivelle : « Avertissement de modération : Frédéric Haziza le dit très
bien, les dérives qu'il dénonce passent notamment par Internet – elles ne
passeront pas par L'Express. Nous serons donc tout particulièrement attentifs à
ce qu'elles ne polluent pas les commentaires de cet article. Merci d'en tenir
compte ».
Autrement dit : « Touchez
pas à Frédéric Haziza, mais pour Dieudonné, allez-y sans modération, la chasse
est ouverte » !
Je ne voudrais pas terminer sans évoquer une information bizarre en rapport
avec cette affaire, qu’on peut voir sur le même site : « Deux mois avant l'offensive de Manuel Valls contre Dieudonné, une note de
la cellule de veille de l'Élysée informait François Hollande de l'ampleur du
phénomène.
Fin octobre 2013, la
cellule de veille de l'Elysée déposait sur le bureau de François Hollande une
note sur le phénomène Dieudonné.
C'est une note de
deux feuillets consacrée au phénomène Dieudonné, rédigée par la
cellule de veille de l'Elysée. Elle a été déposée sur le bureau de François
Hollande à la fin d'octobre
2013, deux mois avant l'offensive de Manuel
Valls contre l'humoriste.
Le document souligne
l'audience du comédien controversé et le succès de ses vidéos sur YouTube et
Facebook (les chiffres y sont comparés à ceux des vidéos officielles... de
François Hollande et de Jean-Marc
Ayrault postées sur
Internet).
Puis il est question
du discours "rouge-brun" de Dieudonné : "Il est impossible
d'être un spectateur assidu de Dieudonné sans savoir que l'antisémitisme est
central dans son discours." Sont aussi recensés les signes de ralliement
des fans de Dieudonné – des photos de policiers faisant le geste de la quenelle
sont annexées » (d’après
Marcelo
Wesfreid
- LEXPRESS.COM 04/02/2014).
Pauvre République française, comme il est fastoche de
manipuler ton
C'était sans doute avant que F. Hollande
ne découvre la fameuse "note
Dieudonné" de la "cellule de veille de l’Élysée". |
président ! Une « cellule de veille » dont probablement
lui-même aura désigné les membres et qui, en tout cas ne semble pas être une
institution officielle composée de personnels responsables, déposent sur son
bureau – subrepticement ? – un ramassis de rumeurs illustrées de
photographies sans doute choisies avec le plus grand soin pour lui faire le
plus d’effet, et hop, voilà François Hollande déguisé en Manuel Valls, qui se
rue sabre au clair sur Dieudonné.
Enfin, après deux mois d’hésitation tout de même…
Quelle pitié !
Marcel Amondji
« notre société est tourmentée par les forces sombres de la division »Enfin, après deux mois d’hésitation tout de même…
Quelle pitié !
Marcel Amondji
Manuel Valls, ministre de
l’Intérieur et des Cultes, se confie au JDD
Dix-sept
mille personnes dans la rue dimanche dernier pour un « jour de
colère », 100.000 attendues aujourd'hui à la Manif pour tous et,
entre-temps, une « journée sans école » pour cause d’enseignement sur
l’égalité homme-femme. Que se passe-t-il ?
Il faut voir les choses en face, ne pas masquer la réalité, la France est
à un moment difficile. Nous traversons depuis plusieurs années une crise
économique profonde, avec un chômage de masse, une précarité qui a fracturé une
partie de la société. Il y a une perte de confiance vis-à-vis de la parole publique, une crise
d'identité sur la place de la France dans l'Europe et dans le monde. et donc
sur la place de chaque Français dans la société. La République a déjà connu des
moments difficiles, elle les a surmontés mais elle reste fragile. Autrefois,
elle était contestée
les armes à la main,
aujourd’hui, c'est la dilution des références, des normes, des repères.
Dans ce contexte, marqué par cette crise
de confiance, et où la droite est aussi en crise, des forces sombres, celles
qui divisent, se sont mises à prospérer. La
manifestation de dimanche dernier ou les rumeurs infamantes concernant l’enseignement
à l'école sont des signaux très inquiétants.
Ce
retour de la haine des Juifs, des médias, des politiques, évoque un parfum des
années 1930...
Oui,
tous ces faits sont la preuve de la constitution d'un bloc des contestataires,
d'une fronde des anti : anti-élites, anti-État, anti-impôts, anti-Parlement,
anti-journalistes... Mais aussi et surtout des antisémites, des racistes, des
homophobes... Tout simplement des antirépublicains. Le point commun avec les
années 1930, c'est cet antirépublicanisme et la détestation violente dans les
mots comme dans les actes de nos valeurs et de nos principes. Derrière tout
cela, c'est la France qui est visée dans son idéal. Ces groupuscules qui ont
agi dimanche dernier se sont comportés comme des éléments factieux.
Comment
expliquez-vous que ces groupuscules connaissent une telle audience ?
Nous assistons à une union des extrêmes.
C'est du jamais-vu en France. L'extrême droite traditionnelle, sa haine de la
République, ce n’est pas nouveau. Mais c'est la première fois depuis longtemps
que ces groupes, en utilisant Internet et en surfant sur des colères,
réunissent 17.000 personnes dans la rue. C'est la première fois depuis très
longtemps qu'on hurle la haine du Juif. II faut prendre la mesure de ce qui se
passe. Il y avait un abcès d'une haine rampante. Dieudonné M'bala M'bala
n'était que le symptôme
"Dieudonné M'bala M'bala n'était que le symptôme d'un mal malheureusement plus profond." |
d'un mal malheureusement plus profond. Alain Soral est
celui qui, par son parcours, l'utilisation du Net, les manipulations
auxquelles il se livre, les réseaux qu'il a constitués, unit et fédère, de
façon inédite, le front des extrêmes. Farida Belghoul, une de ses adeptes, est
dans cette dérive qu'on voit notamment prospérer depuis longtemps, dans les
quartiers populaires, entre la tentation du retour identitaire, le ressentiment
contre les
Juifs, la dénonciation de la gauche… Tout ce cocktail dangereux est à prendre au sérieux pour le combattre frontalement.
Juifs, la dénonciation de la gauche… Tout ce cocktail dangereux est à prendre au sérieux pour le combattre frontalement.
Quelle
réponse suggérez-vous ?
C'est d’abord à l'État et à la justice d'agir, mais j'appelle tous
les républicains à réagir. Le droit de manifester est constitutionnel, mais les
slogans racistes, antisémites, homophobes que nous avons entendus sont des délits qui doivent être
poursuivis. Mais je sens qu'il y a autre chose. Nous assistons à la
constitution d'un Tea Party à la française. S'engouffrant dans la crise de
projet et de leadership de la droite, et face au recentrage du Front national,
une droite conservatrice et réactionnaire s'est libérée. Avec l'opposition au
mariage pour
tous, elle a décuplé ses
forces. Elle occupe la rue car
elle considère que
la gauche au pouvoir n'est pas légitime. Face à ce phénomène, la droite républicaine a donc une responsabilité : se démarquer
clairement des mouvements qui n'acceptent pas la démocratie et les choix du Parlement.
Quand à l'Assemblée
nationale un député UMP, cette semaine, remet en cause la légitimité de l'élection du président de la République, il alimente
un phénomène dangereux. Quand l'UMP donne le
sentiment de comprendre la manifestation
de dimanche, de cautionner les rumeurs malveillantes sur l'école ou de soutenir
la manifestation de ce jour, alors que le mariage pour tous a été voté et qu’il
n’y aura ni GPA ni PMA, elle
prend le risque
d'entretenir un climat malsain. Alors, oui, je demande aux républicains de
clarifier leur position. Dans notre démocratie, personne ne peut admettre la
moindre forme de violence politique.
C'était le cas de Dieudonné ?
Quand
j'ai pris l’initiative, avec le soutien du président de la République, de mettre
en cause Dieudonné M'bala M'bala parce que son influence était dangereuse, que
n'ai-je entendu ? Que j'en faisais trop, qu'il ne fallait pas lui faire de
publicité… Aujourd’hui, chacun est d’accord pour dénoncer l'influence d'Alain
Soral et les dégâts causés par cette initiative nauséabonde de Farida Belghoul.
Face à tout cela, il fallait résister. Je remarque au passage que le clan le
Pen est très gêné par cette affaire car ses liens avec Soral, Dieudonné et
Chatillon sont incontestables. La démonstration est faite une bonne fois pour
toutes que le FN est une formation d'extrême droite qui n'est pas sortie d'une
idéologie nauséabonde.
Comment analysez-vous la
mobilisation d'aujourd'hui, où 100.ooo personnes sont encore attendues contre
le mariage peur tous ?
Je dis à ceux qui vont
manifester aujourd'hui : attention, on ne revient pas dans la rue sur les choix
du Parlement et du peuple. C'est vrai pour le mariage pour tous comme pour l'IVG. Il est hors de question de revenir en arrière. Je les appelle
également à la responsabilité et aucune violence ne sera admise à l'égard de
forces de l'ordre, dont je veux saluer le professionnalisme.
Ce gouvernement joue-t-il avec le feu en multipliant les
réformes sociétales ?
Non. Le mariage pour tous était un
engagement du président de la République. Cette réforme a abouti après un long
débat. Il est clos. Il appartient souvent à la gauche de mener des réformes de
société. Mais nous devons veiller, sur d'autres débats, comme celui sur la fin
de vie, à les conduire dans le respect des consciences et avec la volonté
d'apaisement. C'est le souhait profond du président de la République.
Ce
climat va-t-il avoir des conséquences sur les élections du printemps ?
Ce climat est d'abord un problème pour
la droite si elle ne se met pas au
clair. Elle doit se comporter avec esprit de responsabilité. J'en appelé à un
sursaut et à un réveil de tous les républicains et de tous les patriotes et
aussi de la gauche. Nous gouvernons dans un moment très difficile et c'est l'honneur
du président de la République
de tenir le cap. Ne
laissons plus rien passer. Je pense aux sifflets contre le
Président le 11-Novembre. C'était inadmissible. Où était la gauche ? Pourquoi
n'y a-t-il pas eu plus de réactions ? Toute la gauche comme les grandes associations
antiracistes doivent s'engager et répondre aux provocations antirépublicaines.
Vous
craignez une forte abstention aux municipales et aux européennes ?
Nous devons
d'abord lutter contre l'abstention. Rien n'est gagné, rien n'est perdu.
Méfions-nous des sondages ! Les Français feront leur choix tardivement. Nous
avons des maires et des candidats de grande qualité. Soyons mobilisés.
Votre cote de popularité s'effrite.
Payez-vous le manque de résultats de votre action ?
La popularité n'est pas mon sujet ! Ce
qui compte pour moi, c’est que la gauche gouverne dans la durée. Nous menons
une politique efficace en matière de sécurité et d'immigration. Nous obtenons
des résultats. Et nous en obtiendrons davantage.
Vous
payez aussi l'affaire Dieudonné...
Cette semaine nauséabonde avec cette
levée du front des extrêmes m'a malheureusement donné raison. Je ne regrette
rien. Le racisme, l'antisémitisme, la haine de la République, c'est de
l'insécurité ! Cela attise les tensions.
Je suis inquiet par une forme de
désacralisation de la Shoah. Face à cela, il faut une réponse d'une très grande
fermeté. De même, on ne peut pas laisser passer les insultes ignobles à l'égard
de Christiane Taubira, comme ces bananes entassées devant une permanence
socialiste à l'occasion d'un de ses déplacements, à Caen. Notre société est
tourmentée par les forces sombres de la division. Devant cette menace, il
appartient à tous les républicains de faire bloc et de se rebeller contre
l'infâme.
Propos recueillis par Bruno Jeudy et Laurent Valdiguié
Source : Le Journal du Dimanche 2 février 2014
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