jeudi 13 février 2014

Les obsessions « ripoublicaines » de petit-Fouché


« Ripou » – c’est-à-dire pourri  en verlan – s’applique ordinairement à des fonctionnaires de police, heureusement fictifs le plus souvent, qui se sont laissé corrompre par des délinquants qu’ils avaient normalement mission de démasquer et de livrer à la justice ; c’est l’équivalent de « policier corrompu ». Mais, en fait de corruption, il n’y a pas que cette variété-là ; et, d’ailleurs, ce n’est peut-être pas la plus à craindre pour les vraies « valeurs » de la République. Et puis, ce n’est pas nécessairement une affaire d’intégrité morale… En tout cas, bien plus que la corruption des mœurs policières, c’est la corruption du discours politique et celle du discours journalistique qui me paraissent les plus dangereuses à cet égard.
Manuel Valls, le menton volontaire...
Si Manuel Valls peine tant à convaincre – ou à vaincre tout court – quand il « défend la République », n’est-ce pas parce que lui qui enjoint si souvent les autres d’être « au clair » avec eux-mêmes, ne l’est presque jamais lui-même ? Par exemple, lorsqu’il s’agit de son entreprise contre l’humoriste Dieudonné. Nous nous en tiendrons là, mais on pourrait rappeler ses propos sur la coloration qu’il préférait pour ses administrés d’Evry, ou sur les Roms.
Dans l’interview que nous reproduisons ci-dessous, celui que Valls nous a présenté comme un fléau de tous les diables, n’est plus qu’un « symptôme », la véritable maladie, selon lui, ce serait Alain Soral, « qui, par son parcours, l'utilisation du Net, les manipu­lations auxquelles il se livre, les réseaux qu'il a constitués, unit et fédère, de façon inédite, le front des extrêmes ».
Plus loin dans le même texte, vous verrez combien Manuel Valls sait faire dans l’amalgame, mais aussi combien il est peu conséquent…, ou combien lui fait défaut le vrai courage politique, celui d’affronter les vrais problèmes au lieu de s’attaquer aux moulins à vent, tel cet autre Espagnol qui, lui, l’est resté sans cesser d’être universel : « Je remarque au passage que le clan le Pen est très gêné par cette affaire car ses liens avec Soral, Dieudonné et Chatillon sont incontestables. La démonstration est faite une bonne fois pour toutes que le FN est une formation d'extrême droite qui n'est pas sortie d'une idéologie nauséabonde ». Ainsi donc Manuel Valls n’aurait rien de plus répréhensible à reprocher à Dieudonné que ce qu’il reproche à Soral, à Chatillon et au Front national ou au « clan Le Pen ». Alors pourquoi tout ce foin autour de Dieudonné, et de lui seulement ? Soit dit « au passage » : Patrick Cohen, le journaliste sélectif qui « n’invitera jamais » « un de ces cerveaux malades » dans son émission, y a pourtant reçu Marine Le Pen, la présidente de la « formation d'extrême droite qui n'est pas sortie d'une idéologie nauséabonde » ! 
A propos de cette affaire montée de toutes pièces par un Manuel Valls tout dévoué à la cause d’Israël-Etat des juifs où qu’ils aient choisi de vivre mais pas des musulmans ou des chrétiens qui y sont nés et y ont toutes leurs tombes, quelqu’un a parlé de « bouc émissaire ». LEXPRESS.COM en a fourni indirectement une belle illustration tout récemment, à l’occasion de la publication d’une interview de Frédéric Haziza. Le journaliste de LCP était interrogé à propos du procès que lui a intenté un certain Chatillon. Au passage, il n’a pas manqué de sacrifier au Dieudonné bashing comme d’ailleurs son interviewer l’y invitait lourdement : « Dieudonné n'est plus un humoriste, c'est un propagandiste de la haine. Il est à la tête d'une organisation qui joue sur l'ambiguïté de l'humour. L'inviter à la télé, c'est se faire le complice d'un multirécidiviste condamné à de nombreuses reprises pour des délits de provocation à la haine raciale ou d'antisémitisme ». Il n’en fallait pas plus pour que sur les vingt-deux (22) internautes qui ont commenté cette interview, 21, oubliant tout à fait Chatillon, n’y trouvent que prétexte à s’en prendre à… Dieudonné. Mais le plus révélateur, c’est que ce lynchage fut autorisé par LEXPRESS.COM malgré cet avertissement en caractères gras manifestement destiné à protéger l’interviewé d’un éventuel retour de manivelle : « Avertissement de modération : Frédéric Haziza le dit très bien, les dérives qu'il dénonce passent notamment par Internet – elles ne passeront pas par L'Express. Nous serons donc tout particulièrement attentifs à ce qu'elles ne polluent pas les commentaires de cet article. Merci d'en tenir compte ».
Autrement dit : « Touchez pas à Frédéric Haziza, mais pour Dieudonné, allez-y sans modération, la chasse est ouverte » !  
Je ne voudrais pas terminer sans évoquer une information bizarre en rapport avec cette affaire, qu’on peut voir sur le même site : « Deux mois avant l'offensive de Manuel Valls contre Dieudonné, une note de la cellule de veille de l'Élysée informait François Hollande de l'ampleur du phénomène. 
Fin octobre 2013, la cellule de veille de l'Elysée déposait sur le bureau de François Hollande une note sur le phénomène Dieudonné.
C'est une note de deux feuillets consacrée au phénomène Dieudonné, rédigée par la cellule de veille de l'Elysée. Elle a été déposée sur le bureau de François Hollande à la fin d'octobre 2013, deux mois avant l'offensive de Manuel Valls contre l'humoriste.  
Le document souligne l'audience du comédien controversé et le succès de ses vidéos sur YouTube et Facebook (les chiffres y sont comparés à ceux des vidéos officielles... de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault postées sur Internet).  
Puis il est question du discours "rouge-brun" de Dieudonné : "Il est impossible d'être un spectateur assidu de Dieudonné sans savoir que l'antisémitisme est central dans son discours." Sont aussi recensés les signes de ralliement des fans de Dieudonné – des photos de policiers faisant le geste de la quenelle sont annexées » (d’après Marcelo Wesfreid - LEXPRESS.COM 04/02/2014).
Pauvre République française, comme il est fastoche de manipuler ton

C'était sans doute avant que F. Hollande
ne découvre la fameuse "note Dieudonné"
de la "cellule de veille de l’Élysée".
président ! Une « cellule de veille » dont probablement lui-même aura désigné les membres et qui, en tout cas ne semble pas être une institution officielle composée de personnels responsables, déposent sur son bureau – subrepticement ? – un ramassis de rumeurs illustrées de photographies sans doute choisies avec le plus grand soin pour lui faire le plus d’effet, et hop, voilà François Hollande déguisé en Manuel Valls, qui se rue sabre au clair sur Dieudonné.
Enfin, après deux mois d’hésitation tout de même…
Quelle pitié !

Marcel Amondji
 
 « notre société est tourmentée par les forces sombres de la division » 
 
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur et des Cultes, se confie au JDD 
Dix-sept mille personnes dans la rue dimanche dernier pour un « jour de colère », 100.000 attendues aujourd'hui à la Manif pour tous et, entre-temps, une « journée sans école » pour cause d’enseignement sur l’égalité homme-femme. Que se passe-t-il ?
Il faut voir les choses en face, ne pas masquer la réalité, la France est à un moment difficile. Nous traversons depuis plusieurs années une crise économique profonde, avec un chômage de masse, une précarité qui a fracturé une partie de la société. Il y a une perte de confiance vis-à-vis de la parole publique, une crise d'identité sur la place de la France dans l'Europe et dans le monde. et donc sur la place de chaque Français dans la société. La République a déjà connu des moments difficiles, elle les a surmontés mais elle reste fragile. Autrefois, elle était contestée les armes à la main, aujourd’hui, c'est la dilution des références, des normes, des repères.
Dans ce contexte, marqué par cette crise de confiance, et où la droite est aussi en crise, des forces sombres, celles qui divisent, se sont mises à prospérer. La manifestation de dimanche dernier ou les rumeurs infamantes concernant l’enseignement à l'école sont des signaux très inquiétants.
Ce retour de la haine des Juifs, des médias, des politiques, évoque un parfum des années 1930...
Oui, tous ces faits sont la preuve de la constitution d'un bloc des contestataires, d'une fronde des anti : anti-élites, anti-État, anti-impôts, anti-Parlement, anti-journalistes... Mais aussi et surtout des antisémites, des racistes, des homophobes... Tout simplement des antirépublicains. Le point commun avec les années 1930, c'est cet antirépublicanisme et la détestation violente dans les mots comme dans les actes de nos valeurs et de nos principes. Derrière tout cela, c'est la France qui est visée dans son idéal. Ces groupuscules qui ont agi dimanche dernier se sont comportés comme des éléments factieux.
Comment expliquez-vous que ces groupuscules connaissent une telle audience ?
Nous assistons à une union des extrêmes. C'est du jamais-vu en France. L'extrême droite traditionnelle, sa haine de la Ré­publique, ce n’est pas nouveau. Mais c'est la première fois depuis longtemps que ces groupes, en utilisant Internet et en surfant sur des colères, réunissent 17.000 personnes dans la rue. C'est la première fois depuis très longtemps qu'on hurle la haine du Juif. II faut prendre la mesure de ce qui se passe. Il y avait un abcès d'une haine rampante. Dieudonné M'bala M'bala n'était que le symptôme
"Dieudonné M'bala M'bala
 n'était que le symptôme d'un mal
malheureu­sement plus profond." 
d'un mal malheureu­sement plus profond. Alain Soral est celui qui, par son parcours, l'utilisation du Net, les manipu­lations auxquelles il se livre, les réseaux qu'il a constitués, unit et fédère, de façon inédite, le front des extrêmes. Farida Belghoul, une de ses adeptes, est dans cette dérive qu'on voit notamment prospérer depuis longtemps, dans les quartiers populaires, entre la tentation du retour identitaire, le ressentiment contre les
Juifs, la dénonciation de la gauche… Tout ce cocktail dangereux est à prendre au sérieux pour le combattre frontalement.
 
 

Quelle réponse suggérez-vous ?
C'est d’abord à l'État et à la jus­tice d'agir, mais j'appelle tous les républicains à réagir. Le droit de manifester est constitutionnel, mais les slogans racistes, antisé­mites, homophobes que nous avons entendus sont des délits qui doivent être poursuivis. Mais je sens qu'il y a autre chose. Nous assistons à la constitution d'un Tea Party à la française. S'engouffrant dans la crise de projet et de leadership de la droite, et face au recentrage du Front national, une droite conservatrice et réactionnaire s'est libérée. Avec l'opposi­tion au mariage pour tous, elle a décuplé ses forces. Elle occupe la rue car elle considère que la gauche au pouvoir n'est pas lé­gitime. Face à ce phénomène, la droite républicaine a donc une responsabilité : se démarquer clairement des mouvements qui n'acceptent pas la démocratie et les choix du Parlement.
Quand à l'Assemblée natio­nale un député UMP, cette se­maine, remet en cause la légitimité de l'élection du président de la République, il alimente un phénomène dangereux. Quand l'UMP donne le sentiment de comprendre la manifestation de dimanche, de cautionner les rumeurs malveillantes sur l'école ou de soutenir la manifestation de ce jour, alors que le mariage pour tous a été voté et qu’il n’y aura ni GPA ni PMA, elle prend le risque d'entretenir un climat malsain. Alors, oui, je demande aux républicains de clarifier leur position. Dans notre démocratie, personne ne peut admettre la moindre forme de violence politique.
C'était le cas de Dieudonné ?
Quand j'ai pris l’initiative, avec le soutien du président de la République, de mettre en cause Dieudonné M'bala M'bala parce que son influence était dange­reuse, que n'ai-je entendu ? Que j'en faisais trop, qu'il ne fallait pas lui faire de publicité… Aujourd’hui, chacun est d’accord pour dénoncer l'influence d'Alain Soral et les dégâts causés par cette initiative nauséabonde de Farida Belghoul. Face à tout cela, il fallait résister. Je remarque au passage que le clan le Pen est très gêné par cette affaire car ses liens avec Soral, Dieudonné et Chatillon sont incontestables. La démonstration est faite une bonne fois pour toutes que le FN est une formation d'extrême droite qui n'est pas sortie d'une idéologie nauséabonde.
Comment analysez-vous la mobilisation d'aujourd'hui, où 100.ooo personnes sont encore attendues contre le mariage peur tous ?
Je dis à ceux qui vont mani­fester aujourd'hui : attention, on ne revient pas dans la rue sur les choix du Parlement et du peuple. C'est vrai pour le mariage pour tous comme pour l'IVG. Il est hors de question de revenir en arrière. Je les appelle également à la responsabilité et aucune vio­lence ne sera admise à l'égard de forces de l'ordre, dont je veux saluer le professionnalisme.
Ce gouvernement joue-t-il avec le feu en multipliant les réformes sociétales ?
Non. Le mariage pour tous était un engagement du président de la République. Cette réforme a abouti après un long débat. Il est clos. Il appartient souvent à la gauche de mener des réformes de société. Mais nous devons veiller, sur d'autres débats, comme celui sur la fin de vie, à les conduire dans le respect des consciences et avec la volonté d'apaisement. C'est le souhait profond du pré­sident de la République.
Ce climat va-t-il avoir des conséquences sur les élections du printemps ?
Ce climat est d'abord un pro­blème pour la  droite si elle ne se met pas au clair. Elle doit se com­porter avec esprit de responsabilité. J'en appelé à un sursaut et à un réveil de tous les républicains et de tous les patriotes et aussi de la gauche. Nous gouvernons dans un moment très difficile et c'est l'honneur du président de la République de tenir le cap. Ne laissons plus rien passer. Je pense aux sifflets contre le Pré­sident le 11-Novembre. C'était inadmissible. Où était la gauche ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu plus de réactions ? Toute la gauche comme les grandes associations antiracistes doivent s'engager et répondre aux provocations anti­républicaines.
Vous craignez une forte abstention aux municipales et aux européennes ?
Nous devons d'abord lutter contre l'abstention. Rien n'est gagné, rien n'est perdu. Méfions-nous des sondages ! Les Français feront leur choix tardivement. Nous avons des maires et des candidats de grande qualité. Soyons mobilisés.
Votre cote de popularité s'effrite. Payez-vous le manque de résultats de votre action ?
La popularité n'est pas mon sujet ! Ce qui compte pour moi, c’est que la gauche gouverne dans la durée. Nous menons une politique efficace en matière de sécurité et d'immigration. Nous obtenons des résultats. Et nous en obtiendrons davantage.
Vous payez aussi l'affaire Dieudonné...
Cette semaine nauséabonde avec cette levée du front des extrêmes m'a malheureusement donné raison. Je ne regrette rien. Le racisme, l'antisémitisme, la haine de la République, c'est de l'insécurité ! Cela attise les tensions.
Je suis inquiet par une forme de désacralisation de la Shoah. Face à cela, il faut une réponse d'une très grande fermeté. De même, on ne peut pas laisser passer les insultes ignobles à l'égard de Christiane Taubira, comme ces bananes entassées devant une permanence socialiste à l'occasion d'un de ses dépla­cements, à Caen. Notre société est tourmentée par les forces sombres de la division. Devant cette menace, il appartient à tous les républicains de faire bloc et de se rebeller contre l'infâme. 

Propos recueillis par Bruno Jeudy et Laurent Valdiguié

Source : Le Journal du Dimanche 2 février 2014

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire