Le 6 février 1949, suite à une provocation ourdie par un dissident du R.D.A. avec la complicité de l'administration coloniale, presque tous les membres du Comité directeur de la section ivoirienne du mouvement, dont deux conseillers généraux, furent arrêtés et incarcérés à Grand-Bassam, siège de la cour d’assises. Après avoir attendu leur procès pendant près de dix mois, les prisonniers firent la grève de la faim pour obtenir d’être jugés. Par solidarité, la population déclencha la grève des achats de produits manufacturés et refusa de vendre sa production. Dès lors l’administration multiplia les provocations à travers la colonie. « Pour rétablir l’ordre, disaient certains, il faut dix mille morts »… Officiellement il y en eut une cinquantaine ; des dizaines de blessés ; des centaines de prisonniers. Finalement, le premier procès du 6-Février – une parodie de procès plutôt – eut lieu du 2 au 23 mars 1950.
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Ancienne résistante,
Claude Gérard découvrit les méfaits du colonialisme au cours d’une mission à
Madagascar, vers 1948. Dès lors elle s’attacha à la cause des colonisés
au nom du respect et de la liberté de la personne humaine. Elle fonda l’Agence
Interafrique-Presse dans le but de faire connaître les problèmes africains. Dans
cet article paru dans la revue Esprit, nous revivons avec elle, de manière
poignante, les drames de la charnière des années 40 et 50, drames
prémonitoires, annonciateurs de tant d’autres drames à venir…
La Rédaction
Procès monstres à Grand-Bassam
Jean-Baptiste MOCKEY,
l'un des deux conseillers généraux
emprisonnés après le 6-février 1949.
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Que représente le R.D.A. ?
Voir dans le R.D.A. un
parti politique à l'image des partis métropolitains fausserait au départ toute
idée qu'on pourrait s'en faire. Il fut dès sa naissance et continue à être un
vaste mouvement au sens réel du mot. Il n'a pas créé un programme ni inventé une
doctrine, il eut simplement à exprimer les aspirations des masses africaines
plus ou moins formulées jusqu'alors mais profondément ressenties par elles.
L’Afrique souhaitait que la justice fût la même
pour les autochtones et pour les coloniaux :
— que le Blanc cessât d'être celui qui vient
en terre africaine pour gagner rapidement de l'argent en exploitant le Noir au
nom du bon droit du « peuple civilisateur »,
— et qu'au contraire l'Européen apportât son
aide loyale et effective à l'évolution des populations...
Il s'agit là uniquement de l'application de la
Constitution Française. Les 800 délégués venus d'A.O.F. et d'A.E.F. au Congrès
de Bamako définirent le R.D.A. sur cette base. Il n'était nullement question
d'aspirations nationalistes. Le Congrès, non seulement acceptait la formule de
l'Union Française, mais encore disait attendre beaucoup de la France. La raison
d'être du R.D.A. s'exprime donc en deux mots : au « fait colonial », il oppose
« le fait de la Constitution française ».
A cause de cela il s'attira dès le début le
ressentiment des colons qui n'ont jamais admis que les lois métropolitaines
puissent venir limiter leurs abus. Rappelons qu'après la loi de suppression du
travail forcé, un congrès dit « Etats Généraux de la Colonisation » se tint à Douala,
puis à Paris, en vue d'obtenir l'abrogation de cette loi.
Que l'Administration ait
appuyé le colonat dans son action contre le R.D.A. pourrait paraître anormal
puisque ce dernier ne faisait pas autre chose après tout que de lui apporter le
concours des populations en vue d'appliquer les lois nouvelles. Ce serait
oublier que dans les territoires français d'Outre-Mer, on ne peut pas «
administrer » contre les Chambres de Commerce et les trusts de l'import-export
! Ainsi naquirent les affaires d'Indochine de Madagascar, du Maroc, de
Tunisie...
Des parlementaires du
R.D.A. à leur arrivée en France s'apparentèrent aux groupes communistes et
progressistes des Assemblées. Le sens de cet apparentement n'était nullement
idéologique. Le parti communiste appartenait alors à la majorité
gouvernementale, or seul il avait envoyé des observateurs au Congrès de Bamako
et seul il s'attacha à soutenir les revendications des Africains et à les aider
dès leur venue à Paris. Cependant cet apparentement situait le R.D.A. dans le «
camp » communiste. Excellent prétexte pour l'Administration à justifier sa
suppression.
Tous les moyens classiques
furent employés : pressions, emprisonnements, essais de corruption... En Côte
d'Ivoire, l'affaire prit un développement beaucoup plus sérieux. Le R.D.A. y
était très fort. M. Houphouët-Boigny, son Président, promoteur de la loi de
suppression du travail forcé y fut élu en 1946 à la quasi-unanimité. Le R.D.A.
comptait alors 800.000 adhérents dans ce territoire et un million de
sympathisants sur une population de deux millions d'habitants.
Le Gouverneur Péchoux
arrivait à Abidjan courant 48, vraisemblablement avec toutes instructions
précises pour assurer la suppression du R.D.A. selon les souhaits des colons.
Le R.D.A. émanait du Syndicat Agricole Africain (SAA)... Lequel voulait dire
son mot dans la fixation des prix du café et du cacao. C'était une raison
amplement suffisante pour le désigner comme ennemi de la « présence française
». Rappelons certains cours d'alors contre lesquels les Syndicats
s'insurgeaient : le kilo de café acheté 45 francs C.F.A. au producteur et vendu
officiellement en France à 420 francs métropolitains. Le kilo de bananes acheté
3 francs à l'Africain par l'agent de l'import-export et embarqué F.O.B. par ce
dernier à 26 francs. Par ailleurs les sociétés commerciales s'attachaient à
acheter café et cacao avant la fixation des cours ou au besoin à créer des
incidents au moment de la traite pour en empêcher l'application. Le SAA et le
R.D.A. commettaient ce crime impardonnable aux yeux du colonat d'aider les
paysans à défendre leurs produits...
Voici dans le cadre de
l'action entreprise par l'Administration et le colonat en vue de supprimer le
R.D.A., quelques faits directement eu rapport avec les actuelles Assises de
Bassam :
Abidjan
(Treichville) —■ Le 6 février 1949, l'Administration soutint une
provocation ourdie par un dissident du R.D.A., et après avoir laissé tirer des
coups de feu contre les dirigeants de la section ivoirienne du R.D.A, en
profita pour arrêter presque tout son comité directeur dont deux Conseillers
Généraux. Dix mois plus tard les détenus faisaient la grève de la faim pour
obtenir leur jugement. La population par solidarité déclencha la grève des
achats de produits manufacturés et refusa de vendre sa production avant la
fixation des cours. En outre cette démonstration non violente pouvait attirer
l'attention de la métropole sur les excès de bénéfice de l'import-export. Dès
lors les adversaires du R.D.A. multiplièrent les incidents. « Pour éclaircir la
situation, il faut dix mille morts » disait-on. (Déclaration émanant de la
colonisation, enregistrée par la Commission d'Enquête Parlementaire sur les
Incidents de CL, juillet 1950).
Agboville. ■— Une dispute survient au marché entre deux femmes au
sujet de la grève des achats. L'une, dont la famille adversaire du R.D.A. est
soutenue par l'Administration, déclenche une bagarre. Des coups de feu sont
tirés par un opposant au R.D.A. Un groupe de femmes vient arracher de la paille
au toit de la case de celui qui a tiré. L'Administration intervient et fait
immédiatement arrêter tout le bureau de la section R.D.A., alors que
précisément le responsable de cette section avait engagé les femmes à rentrer chez
elles. Puis ou procède à des rafles. Environ 80 personnes se retrouvent en
prison. Quelques-unes ne sachant même pas ce qui s'était passé.
Gouatifla. ■— La gendarmerie vient arrêter le chef de village
parce qu'il est R.D.A. On ne le trouve pas. Alors on arrête à sa place un
tisserand qui travaillait en chantant devant sa case. Il meurt sur la route, le
foie éclaté, tué à coups de pied. Les gendarmes ne sont pas inquiétés.
Bouaflé. ■— Un commerçant africain qui trustait du café pour le
compte des grandes Compagnies Commerciales, lors d'une discussion, tire des
coups de feu sur les deux secrétaires locaux du R.D.A., les accusant d'être les
instigateurs du refus de vente opposé par les producteurs. Le commerçant se
réfugie à l'Administration. La foule va réclamer justice contre lui. Elle est
renvoyée et se porte alors à son habitation dont elle commence la destruction.
La
troupe intervient, poursuit la foule et tire. Trois morts et onze blessés
tombent devant leurs propres cases. Des arrestations massives suivent. En ces
jours se situe la disparition du Sénateur R.D.A. Victor Biaka-Boda, dont on
devait identifier les restes six mois plus tard sans réaction ni du Parlement,
ni de la justice, malgré la plainte de la famille.
VICTOR BIAKA BODA |
Dimbokro. ■— La menace d'arrestation de M. Houphouët-Boigny crée
une forte tension dans toute la région. Sur ces entrefaites, un dirigeant local
du R.D.A. est arrêté spectaculairement avec plusieurs autres militants sous un
prétexte ridicule ne pouvant abuser personne. On lui reproche le « recel » d’un
mètre de percale, à lui qui est gros commerçant, transporteur, délégué connu du
Syndicat Agricole Africain.
Une importante masse de
population stationne sur la place du marché en signe de protestation et dans
l'attente de connaître le motif de ces arrestations. Le Commandant de Cercle
refuse de recevoir une délégation de notables et fait tirer sur la foule (tir
vraisemblablement précédé par celui de quelques civils européens). Les
autorités officielles reconnaissent qu'avec « un peu moins d'énervement » de
leur part cette fusillade pouvait être évitée. Quatorze morts et plus de
cinquante blessés par balle du côté de la foule. Quelques blessés par pierre du
côté de la troupe. On procède à de vastes arrestations.
Kouénoufla, Zuénoula, Séguéla, Afféry, etc. ■— Le déroulement de chacun de ces incidents est
toujours à peu près le même. Voulait-on grâce à ces arrestations obtenir « des
aveux » permettant d'établir la culpabilité des dirigeants R.D.A. ? Une
interprétation judicieuse de tel ou tel propos tenus dans une réunion, fût-elle
ancienne, peut toujours fournir élément à complot. La tactique fut parfaitement
employée à Madagascar contre le M.D.R.M. Or il est de fait que plusieurs
militants du R.D.A. sont morts sous les coups ou à la suite des coups reçus au
moment de leur arrestation. Il apparaît donc qu'aujourd'hui on juge des hommes
qui avant tout sont des victimes. Victimes de leur courageux sentiment de
solidarité envers ceux des leurs qui avaient été arrêtés avant eux... Victimes
parce que lorsque la rafle s'abattit sur la foule, ils furent moins agiles que
d'autres et se laissèrent prendre. Les blessés, eux, furent tous pris. Une
vieille femme de 70 ans mourut en prison au début de l'année. Des femmes enceintes
également ne purent se sauver. Leurs enfants virent le jour dans la prison.
Quatre cents inculpés !
Inculpés de quoi ?... de « rébellion et de complicité de rébellion » ?... alors
qu'aucun Européen ne fut jamais menacé dans un pays où pourtant les colons,
très éloignés les uns des autres, seraient particulièrement vulnérables, alors
qu'aucun manifestant n'a jamais tiré, ni tué, et que tous les morts sont du
côté du R.D.A. ou de la foule sympathisante ?
Inculpation massive, sans
faits personnels, sans qu'on puisse dire qu'un tel ou un tel est plus
responsable qu'un autre. Dossier collectif marqué du caractère scandaleux de
toutes les accusations collectives qui visent à atteindre une opinion, une politique,
une conviction légitime. Comment ne pas rapprocher cela des procès de
l'occupation ?
Mais la pitié que nous
inspire le sort de ces malheureux n'est pas le seul aspect de cette douloureuse
affaire. En voici un autre. Il concerne la psychologie de la foule africaine...
son jugement sur nous. Un correspondant africain écrit :
Les Assises se sont
ouvertes devant une foule majestueuse de plusieurs milliers d'Africains debout
le long de la rue qui entoure la salle d'audiences. Quand parurent les inculpés,
la foule qui était assise se leva en signe de respect. On sentait qu'elle avait
conscience que ceux qui vont comparaître là, devant la justice, étaient les
victimes d'une machination savante, de cette espèce de maladie qui saisit les
Blancs coloniaux lorsqu'ils veulent mettre les Noirs en prison. Ces hommes qui
passent sont une partie de cette foule qui attend... Si la France savait, ce ne
serait pas ceux-là qui seraient devant la justice, ce sont les autres, ceux qui
refusent d'appliquer les lois que la France a votées au bénéfice des Africains.
Cette foule tranquille et
impressionnante par son silence semble avoir acquis l'habitude des procès faits
à des innocents ; elle connaît les mille manières des Blancs, qui lorsqu'elles
sont habilement alignées sur le papier, peuvent tromper la justice. Pour elle,
la justice est un instrument pour condamner et non pour juger. Peut-être
s'apercevra-t-elle pour une fois qu'elle se trompe ? Quelques Africains posent
des questions aux Blancs qui les approchent : « Qu'est-ce qu'on dit en France
de ça ?... » Les pauvres gens, ils croient qu'en France on va s'occuper de
quatre cents nègres innocents, lorsque tous les jours on additionne les morts
d'Indochine et de Corée ?...
Naturellement, si la
France savait. Mais qui se donne la peine de renseigner exactement la France.
Bien sûr si la France savait... Mais cette foule sait-elle que la France ne
sait pas...
Une pluie battante, pluie
des tropiques qui verse en cataracte, tombait
Les Assises continuaient
dedans ; on entendait par moment la voix du représentant du Gouvernement qui
accusait et requérait. La foule sans aucun remous malgré la pluie restait là,
ruisselante, sans un mot. Des femmes, des enfants, des vieillards étaient là
qui attendaient la justice de la France. Il est des visions qui font rêver.
Cinq mille, six, dix mille peut-être et davantage d'hommes et de femmes debout
avaient les yeux fixés sur les murs de la salle d'audience. Il n'y avait pas de
place à l'intérieur, ni d'abri nulle part. Ils étaient indifférents à la pluie.
Que pense cette foule ? Où puise-t-elle cette force ?
A Abidjan autour du siège
du R.D.A., une foule immense, une mer déferle et remplit les rues alentour. Les
avocats de la défense sont presque portés en triomphe. Me Montville, Me
Boissier, Me Clarack sont salués par des hourra...
Des avocats de France sont
attendus et les préparatifs de grandes réceptions sont en cours. Ici on est au cœur
même de l'Afrique.
Les Assises continuent.
Demain viendront les affaires de Dimbokro où treize Africains furent abattus un
jour de janvier et entassés dans une fosse commune sans identification,… Il y a
de quoi rêver...
Et l'on serait tenté de
dire : « Jusqu'à quand rêverons-nous ? »
Jusqu'au jour peut-être où
l'opinion de ...Moscou ...ou de Wall Street, indifférente aux procès qui se
dérouleraient alors dans une France colonisée par l'un ou l'autre des deux
mondes, considérera ces sortes d'information comme sans importance ?
Autre chose enfin reste à
dire en marge de ce Procès. La presse communiste vient à cette occasion de
prendre violemment parti contre les dirigeants du R.D.A. M. Houphouët-Boigny,
l'ami d'hier, est devenu subitement « l'agent du colonialisme à la solde de
l'impérialisme américain ». C'est la première fois depuis le désapparentement
du R.D.A. en octobre 50 que les communistes marquent cette position. Que
s'est-il passé ? Jusqu'alors des avocats parisiens, communistes pour la
plupart, constitués en collectif, assuraient sur la demande et aux frais du
R.D.A. la défense de toutes les affaires importantes d'Afrique Noire. Qu'ils se
soient acquittés de cette tâche avec dévouement n'est nullement contestable. Il
n'est pas non plus contestable qu'ils apportèrent un dévouement non moins égal
à la pénétration de l'idéologie communiste en Afrique Noire et que leurs
voyages, suivis chaque fois de reportages et de meetings, alimentaient
abondamment la propagande communiste dans la métropole. Il n'est point question
de le leur reprocher. Cette attitude pour eux était parfaitement normale. Dans
les circonstances actuelles était-elle dans l'intérêt des prisonniers ?
N'était-ce pas une confusion inutile risquant d'aggraver la répression, puisque
hélas ! nous en sommes en France à un point tel de bêtise et de peur, que la
lutte contre le communisme justifie tout.
Les Africains, eux,
estimèrent sans doute que cette confusion allait à l'encontre de la vérité.
Pourquoi risquer de faire passer pour communistes des hommes qui ne le sont
pas, et comment tolérer que des avocats constitués par un mouvement politique
pour une défense politique d'inculpés se permettent de critiquer les dirigeants
de ce mouvement en tentant de le désunir ? Les Africains essayèrent de le faire
comprendre aux avocats. Ce fut difficile ...très difficile. Les avocats
communistes ont cédé la place à d'autres, mais M. Houphouët-Boigny est mis
maintenant à l'index. Ce serait mal connaître la mentalité africaine que
d'imaginer par ce moyen séparer les militants R.D.A. de leurs représentants. Au
contraire, discréditer à leurs yeux les dirigeants qu'ils ont choisis est plus
grave que de les injurier eux-mêmes. Les Africains estiment « paternaliste »
l'attitude des communistes... encore une « manière de Blanc » diront-ils. Mais
vraisemblablement ils ne répondront pas aux insultes proférées contre leurs
dirigeants. Il est dans leurs « manières de Noirs » de savoir se taire et
...juger.
Le premier verdict rendu
fut celui de l'affaire d'Agboville. Sur 30 inculpés, 25 firent acquittés et les
5 autres, condamnés avec sursis, également libérés. Ces résultats étaient à la
fois une preuve que l'accusation portée contre le R.D.A. et ses militants
n'était pas fondée, et le signe que la justice rendue dans le calme et
l'objectivité ne pouvait que faire triompher la vérité.
Quelques jours après,
alors que se déroulait le second procès — celui de l'affaire de Bouaflé —, nous
apprenions qu'il y eut des incidents de séance. Un avocat parisien de la
défense récemment arrivé fut pris à partie et injurié dans la rue par l'administrateur
Gauthereau, chef de la Subdivision de Bouaflé lors des incidents de 1950 et
arrivant de Paris lui aussi comme témoin à charge contre les Africains. Le
lendemain en séance il insulta grossièrement un autre avocat du barreau de
Dakar. Celui-ci exigea des réparations. Le tribunal n'intervenant pas, la défense
se retira. Le tribunal somma les inculpés de prendre d'autres avocats, ils se
solidarisèrent avec leurs défenseurs et le tribunal mit Gauthereau en demeure
de faire des excuses.
Si l'on considère le
verdict d'Agboville où le jury n'avait certainement tenu compte que des griefs
juridiques faits aux inculpés, ou ne peut manquer de penser que cet incident de
la part d'un administrateur ressemble étrangement à une provocation grotesque
dans le but d'indisposer la justice et de créer une atmosphère de passion.
Le cercle colonialiste
avait atteint son objectif : une condamnation à huit ans de travaux forcés,
deux à cinq ans — ainsi que dix ans d'interdiction de séjour et 12.000 CFA d'amende
pour chacun d'eux, deux à cinq ans de réclusion et de nombreuses peines de
prison, dix acquittés. Rappelons que onze inculpés sont morts en prison, qui
n'ont pas pu être jugés.
Les trois condamnations
aux travaux forcés touchent des dirigeants locaux R.D.A.
Ce verdict va donc dans le
sens du but que s'étaient fixé les responsables des « incidents de Côte
d'Ivoire », à savoir : limiter la force du R.D.A. sinon le détruire... Cependant
le prétexte politique ne tient plus. Le R.D.A. a expliqué clairement et bien
haut la position qui fut toujours sienne, c'est-à-dire défendre les intérêts
africains dans le cadre de la Constitution française. Si le moindre doute
subsistait encore à ce sujet, il suffirait de constater à la fois l'animosité
des communistes à son égard et celle toujours aussi violente, sinon plus, du
clan colonialiste.
En face de ces positions,
quelle va être la politique de la France en Afrique Noire ? Qu'on le veuille ou
non, l'opinion métropolitaine la cherchera au travers des verdicts de Grand
Bassam. Est-ce pour cela que l'on s'obstine à faire le silence sur les Procès
des 400 Noirs ?
Claude Gérard
en
maraude dans le web
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nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en
rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et
aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
Source :
Esprit Décembre 1951.
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