lundi 24 février 2014

« J’INVITE LES IVOIRIENS A VENIR DECOUVRIR LA VERITE SUR LA BATAILLE D’ABOBO. »

INTERVIEW de GERMAIN SEHOUE[1]  

Plus d’un an après la publication de son livre-témoignage : « Le commandant invisible raconte la bataille d’Abidjan », Germain Séhoué, présentera bientôt son ouvrage au public. La cérémonie aura lieu le 1er mars 2014. Dans cette interview, G. Séhoué annonce les temps forts de l’événement, parle de l’ancien membre du Commando invisible qu’il a interrogé et de bien d’autres sujets d’actualité. 

Juin 2013-février 2014, cela fait un an 7 mois que vous avez publié «Le commandant invisible raconte la bataille d’Abidjan», mais jusqu’à ce jour, l’ouvrage n’a pas été présenté au public, aucune cérémonie de dédicace n’a été organisée. Qu’attendez-vous ?

Le livre va être présenté bientôt, précisément le samedi 1er mars 2014. La cérémonie n’avait pas eu lieu parce que, sans avoir été présenté, le livre était fini dans les rayons. Et ça marchait tellement que le libraire n’a pas jugé nécessaire d’organiser une cérémonie de dédicace qui serait coûteuse. Avant l’arrivée de chaque commande, il en vendait déjà plus de la moitié. Nous avions donc reporté cette cérémonie à plus tard, mais après, l’importation du livre a été suspendue.
 
Et pourquoi ?
Je ne saurais vous répondre de façon précise, mais subitement, il se disait que c’était interdit, le libraire évoquait des pressions, disons des menaces voilées, sans entrer dans les détails. Donc comme l’Editeur ne m’a pas personnellement envoyé un lot de livres et qu’un produit n’est présenté, en principe, qu’en sa présence, j’attendais. Mais finalement elle aura lieu et sous le haut patronage du Président Laurent Gbagbo et le parrainage du Président Pascal Affi N’Guessan au QG siège provisoire du FPI à Cocody Attoban.
 
Quelles seront les grandes articulations de ce rendez-vous ?
A moins que l’agenda du Parrain exige une modification du programme, la cérémonie devrait débuter à 9h 30 par la communication du Dr Augustin Guehoun chargé de présenter l’ouvrage. Après, l’on va visionner une vidéo sur l’œuvre. Ensuite, le Pr Dédy Séri va traiter le thème «Le témoignage du Commandant invisible dans les débats de la CPI». Suivront les échanges, les témoignages, le mot du Parrain et la dédicace proprement dite.
 
C’est une des rares fois qu’une œuvre littéraire s’impose dans des tribunaux comme pièce-maîtresse. Votre livre a été brandi au procès du Général Bruno Dogbo Blé à Abidjan, puis à La Haye, à l’audience de confirmation ou d’infirmation des charges contre le Président Gbagbo. Qu’avez-vous ressenti lorsque le livre a été brandi au tribunal d’Abidjan ?
J’étais content pour le Général «Courage». Mais je n’étais pas surpris parce que la lumière de ce procès se trouvait dans ce livre avec précision.
 
Pourtant, le Général Dogbo a été condamné ?
Oui, il a été condamné parce que Ange Kessy, le commissaire du Gouvernement ne pouvait faire autrement. Lorsque le livre a été lu publiquement, Ange Kessy aurait été troublé. Mais je comprends qu’il y ait un agenda de l’exécutif qu’il ne pouvait trahir. Il s’agissait de condamner Dogbo Blé quoi qu’il en fût. Mais le procès se poursuit.
 
On a vu Me Jennifer Naouri lire de larges extraits de votre livre comme du pain béni à l’audience sur le Président Gbagbo à La Haye. Avez-vous suivi ces instants ?
Oui, et je me suis dit : mon Dieu est à l’œuvre. Parce que c’est lui qui a tout organisé. Je n’ai eu aucun mérite. De la collecte de l’information à la publication de mon nom à l’audience hyper-médiatisée, en passant par la rédaction du livre, l’édition et la promotion, c’est lui. C’est à lui la gloire. Moi, je n’ai été qu’un instrument.
 
Et qu’est-ce que cela vous a fait de constater que parmi tous les journalistes Ivoiriens dans le combat, c’est votre nom seul qui a été prononcé à la CPI ?
Je suis quand même le président des journalistes résistants, c’est-à-dire patriotes de Côte d’Ivoire, non ? Cela se mérite, ce n’était pas des  mots en l’air quand les confrères m’appellent «président». En m’établissant «président», Dieu posait un acte prémonitoire. (Rire). Non, pour parler sérieusement, je dirais que cela m’a fait plaisir. C’était un honneur pour moi. Et après réflexion, j’ai coulé des larmes lorsque j’ai réalisé que, quand Dieu commence quelque chose, il l’achève toujours. C’est lui qui a réalisé tout cela pour des raisons qui lui sont propres. Mais ce qui m’a le plus fait plaisir, c’est que le quotidien Le Temps ait été le seul journal brandi au monde entier grâce à ce livre.
 
Mais concrètement, comment avez-vous vécu ce moment-là ?
Ce jour-là, je n’ai pas pu suivre convenablement l’audience. L’électricité étant interrompu dans le secteur de nos bureaux, je suis rentré rapidement à la maison. J’ai commencé à enregistrer les interventions à l’audience. Et j’ai été surpris de voir le juge Mc Donald de l’Accusation brandir mon livre, et s’attaquer à ma personne, cherchant à me dévaloriser, comme si je l’avais offensé. Mais je n’ai pas eu le temps de réfléchir, mon téléphone avec lequel j’enregistrais, s’est mis à crépiter. Les gens m’appelaient de partout pour me demander si je suivais l’audience, et me dire que l’Adjoint de Fatou Bensouda s’en prenait violemment à moi. Je ne sais pas ce que je lui ai fait. Mais sur la question, j’ai eu l’avis de la Défense. Lorsque Mc Donald s’est saisi du livre, les avocats ont eu peur. Ils se sont demandé quelle phrase de ce document qu’ils ont lu et relu, leur a échappé, et que cet homme allait exploiter pour gâter la fête. Mais lorsqu’il s’en est pris plutôt à l’auteur qu’au contenu du livre, alors ils ont poussé un ouf de soulagement, parce que sa colère signifiait qu’ils ont marqué un grand coup sur ce sujet. Moi, j’ai compris qu’il s’agissait là, de la colère d’un homme ou d’une équipe déstabilisée, mais je suis désolé...
 
On peut donc dire que cette œuvre a changé votre vie ? Il se dit que vous êtes devenu riche, n’est-ce pas ?
En écrivant ce livre, mon intention première n’était pas qu’elle change ma vie, mais celle des grandes victimes de la crise ivoirienne, notamment des prisonniers politiques. C’est vrai qu’à ce niveau, c’est Dieu qui a le dernier mot quant à leur libération ; moi, il m’a fait jouer ma partition. Si je suis devenu riche ? Non. On ne peut pas être écrivain et devenir riche lorsqu’on a comme Editeur, L’Harmattan.
 
Mais vous avez affirmé tantôt que le livre marchait, non ?
Si, en Côte d’Ivoire, sous mes yeux, ça marchait fort jusqu’au jour où la commande suivante a été annulée. Même bien avant cela, lorsque le livre était sorti, bien des patriotes qui se retrouvaient à La Haye me rapportaient que mon livre se vendait comme des petits pains là-bas. Mais je préfère me limiter à cela, avec L’Harmattan, l’écrivain ne peut pas bénéficier de son travail.
 
Avez-vous signé un contrat avec Amazone qui vend votre livre sur le Net ?
Non, je n'ai signé aucun contrat avec personne d’autre à part L'Harmattan. Mais Amazone est ainsi, ils vendent tous les livres ou presque.
 
Si vous aviez à choisir entre le Prix Ebony et la consécration par la Cpi comme c’est le cas, que feriez-vous ?
Le Prix Ebony, il est bon de l’avoir. Je n’y ai jamais véritablement postulé. Mais c’est personnel. Il me ferait du bien, à moi, à ma famille et au prestige de ma rédaction. Mais les avocats ne pourraient jamais s’en servir pour essayer de sauver des innocents en prison, comme on le voit aujourd’hui au tribunal d’Abidjan et à la Cpi.
 
Parlons de Sémefia Sékou, Le Commandant invisible, pourquoi ne l’a-t-on pas encore vu à La Haye depuis le début des audiences ?
J’ai transmis ce dossier aux avocats, ils le gèrent. C’est eux, les spécialistes qui savent à quel moment le faire entrer en scène. Moi, sur ce sujet, ma mission est terminée. Je n’ai plus rien à voir dans cette affaire.
 
Revenons à votre cérémonie de dédicace. Les livres seront-ils là ?
Oui. Pas de problème.
 
Et qui est concerné par la cérémonie ?
Tout le monde. Les journalistes, le public, les hommes politiques, les diplomates, les organisations de défense des droits de l’Homme, tout le monde. C’est simplement une fête, que tout le monde vienne. Ceux qui ont déjà leur livre ou non, ceux qui ont les moyens d’en prendre un ou non, il faut venir, à l’occasion, encourager les journalistes, dans leur ensemble, à défendre les libertés.
 
Avez-vous invité votre Cousin, le Grand Cousin ?
J’ai invité toute la République, le Chef de l’Etat, le Premier ministre, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le Président de l’Assemblée nationale, tout le monde, le président Bédié, le Secrétaire général par intérim du RDR, le cousin Hamadou Soumahoro, le Premier ministre Charles Konan Banny, etc. J’ai également invité l’opposition, avec toute sa crème.
 
Et vous pensez que tous ceux-là vont venir ?
Pourquoi pas ? C’est une rencontre de réconciliation, s’ils ne viennent pas, ils vont payer une amende de refus de main tendue. Moi, je ne fais pas d’exclusion. (Rire).  

Propos recueillis par Marlène Sih Kah

Titre original : « Germain Séhoué, auteur de «Le commandant invisible raconte la bataille d’Abidjan» : « j’invite les Ivoiriens à venir découvrir la vérité sur la bataille d’Abobo ». 

 
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Source : Le Temps 21 février 2014
 

[1] - Auteur de « Le commandant invisible raconte la bataille d’Abidjan », L’Harmattan, Paris 2012.  

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