vendredi 31 mai 2013

Interview de Lazare Zaba Zadi, secrétaire général de la fédération Fpi d’Abidjan-Banco (Yopougon et Songon).

« …Et nous demandons à tous nos camarades en exil d’avoir foi en l’avenir. »

Notre Voie: Le pouvoir a tenu à organiser les municipales et régionales. Des élections qui ont été boycottées par votre parti. Que vous inspirent ce scrutin et ses résultats ?

Lazare Zaba Zadi: Il faut dire qu’au regard des résultats officiels, si on prend le cas de Yopougon, qui a eu un taux de participation de 16%, je crois que, sur le plan national, c’est le taux le moins élevé. Ne serait-ce qu’au vu de cela, on peut estimer que le mot d’ordre a été totalement respecté par la population de Yopougon. 16%, c’est même une surestimation de la réalité. Parce que, dans certains bureaux de vote, véritablement, les électeurs ne se sont pas déplacés. Donc nous sommes satisfaits des résultats obtenus.

N.V.: Le Rdr a remporté les législatives à Yopougon. Ce parti vient encore de gagner la mairie. N’avez-vous pas peur que le Fpi perde son bastion au profit du Rdr dans votre fédération ?

L.Z.Z.: Non, je ne suis pas inquiet du tout. J’aurais été inquiet si les militants n’avaient pas respecté les différents mots d’ordre aux législatives d’abord et aux municipales. A partir du moment où les militants ont fait corps avec les mots d’ordre du parti, moi, en tant que premier responsable du parti, je ne peux que me réjouir. Je me réjouis du fait que le parti est vivant et les militants sont mobilisés et sont prêts à répondre aux mots d’ordre du parti. C’est cela le plus important. Ces députés et maires élus à Yopougon savent eux-mêmes que les véritables maîtres de Yopougon, ce sont les militants du Front populaire ivoirien.

N.V.: A peine les élections municipales et régionales prennent-elles fin qu’Alassane Ouattara dit qu’il sera candidat en 2015. Quel est votre commentaire ?

L.Z.Z.: Je pense qu’il faut éviter de faire la politique fiction. Au niveau du Front populaire ivoirien, notre souci, c’est, pour l’heure, de restructurer le parti. C’est vrai que les militants sont là, mais il faut restructurer le parti. Il faut reprendre toutes les activités, il faut créer toutes les conditions d’exercice de la démocratie dans nos différentes structures et sur le territoire ivoirien. Et puis quand le moment des élections va arriver et qu’on aura dégagé notre candidat, avec la machine électorale qu’est le Front populaire ivoirien, quel que soit le candidat qui sera en face de nous, nous ne doutons pas un seul instant que nous allons les remporter.

N.V.: Etes-vous certain de battre Alassane Ouattara qui revendique un taux de croissance à deux chiffres et qui déclare que le pays est en chantier ?

L.Z.Z.: Si ce qu’il avance était vrai, personne n’allait suivre le mot d’ordre du boycott du Fpi. Si cela était vrai, dans les différents scrutins, la population allait se mobiliser pour aller au vote pour choisir les candidats du Rdr. Je voudrais tout juste rappeler que le Rdr n’a en vérité gagné aucune élection. Si on prend les législatives partielles, le Rdr a présenté 6 candidats et s’en est sorti avec zéro. Nous venons, à l’issue des élections municipales, de faire un constat. Sur l’ensemble des candidats, et c’est une première mondiale dans un pays, on se rend à l’évidence qu’un un parti au pouvoir qui va à des élections n’arrive pas à tenir tête à des candidats indépendants qui sont arrivés en tête du scrutin. Cela veut tout simplement dire que les populations n’adhèrent pas à toutes ces choses. La population vit sous le poids de la misère en Côte d’Ivoire. La cherté de la vie n’est pas une vue de l’esprit. Ce n’est pas une affaire de taux de croissance de tel ou tel chiffre. Ce sont des réalités concrètes que chacun vit dans sa chair. Et, à ce niveau de la cherté de la vie, il n’y a pas un parti politique qui tienne. Le Fpi, le Rdr et le Pdci sont tous touchés et c’est la population ivoirienne dans son ensemble qui souffre actuellement. Nous ne nous laissons pas abuser par ces histoires de croissance à deux chiffres. La réalité que vivent les Ivoiriens est totalement contraire à la croissance à deux chiffres dont on nous parle.

N.V.: Yopougon a été sérieusement touché par la crise. Quel préjudice votre parti a-t-il subi au niveau de son patrimoine dans cette commune ?

L.Z.Z.: En ce qui concerne la commune de Yopougon, c’est depuis décembre 2010 que la terreur s’abat sur le Fpi. Le 2 décembre déjà, nous avons subi une première attaque des militants du Rdr. Le 16 décembre, nous avons subi la deuxième attaque au cours de laquelle tout notre matériel informatique a été saccagé, le véhicule de commandement du fédéral a été incendié, tout le mobilier a été emporté. Et, depuis ce temps, notre siège est occupé par les Frci.

N.V.: Voulez-vous insinuer que le siège du Fpi est actuellement occupé par les Frci à Yopougon ?

L.Z.Z.: Oui, c’est ce que je dis. Jusqu’à présent, le siège de la fédération Fpi que je dirige est toujours occupé à Yopougon. Le local qui a servi de Q.G. de campagne du président Laurent Gbagbo à Yopougon est aussi occupé jusqu’à ce jour. Il n’y a pas que ces deux locaux, car le terrain qui est la propriété du Front populaire ivoirien à Yopougon est devenu un camp militaire et abrite une caserne des Frci. Ce sont des réalités que nous continuons de vivre à Yopougon. Donc nous demandons aux autorités de faire en sorte que tous ces biens soient libérés et restitués au Fpi pour que notre parti exerce son droit ; droit qui nous est conféré par la Constitution.

N.V.: On parle aussi d’un terrain appartenant au Fpi qui aurait été vendu à un opérateur. De quoi s’agit-il ?

L.Z.Z.: Il s’agit du terrain appartenant au Fpi sur l’espace Ficgayo. Contre toute attente, ce terrain a été vendu par le maire Bertin Yao Yao à un opérateur économique. Nous avons effectué des démarches auprès du ministère de la Construction pour lui signifier que ce terrain nous appartient. Et les recherches qui ont été menées nous ont donné raison. Mais comme ce maire fonctionnait en dehors de toute règle, il ne s’est pas ressaisi. Mais je préviens ceux qui vont acquérir ce terrain-là, car ils le feront à leurs risques et périls. Parce que le Fpi est un parti politique qui fonctionne selon les règles. Donc s’il y a des gens qui s’entêtent à occuper ce terrain, ils se rendront compte que ce site est une propriété du Fpi.

N.V.: Le Fpi étant dépossédé de son patrimoine, pourrait-on dire que le parti fonctionne dans la clandestinité à Yopougon ?
L.Z.Z.: La clandestinité, c’est trop dire, mais je reconnais que les conditions sont extrêmement difficiles. C’est en cela que je loue le militantisme des camarades du Front populaire. Parce que, malgré cela, chaque responsable de structure essaie de tenir des rencontres. Ils essaient, dans la mesure du possible, de faire vivre le parti. Nos sièges étant occupés, nous sommes obligés de louer des salles. Et, quand on loue une salle et qu’on revient après, le propriétaire nous dit qu’il a reçu des menaces. Et, dans le souci d’animer notre parti, nous allons d’un site à un autre quand des menaces pèsent sur ceux qui nous louent leurs salles. Agir ainsi n’est pas une manière démocratique d’exercer le pouvoir. Il ne faut pas empêcher son adversaire de mener ses activités. Nous déplorons cela et voulons que cela prenne fin, parce qu’au Fpi, nous voulons travailler pour la Côte d’Ivoire.

N.V.: Le président Laurent Gbagbo, votre leader, est détenu à La Haye. Dans quel état d’esprit poursuivez-vous le combat politique ?
L.Z.Z.: Il faut dire qu’à Yopougon, nous sommes très nostalgiques de Gbagbo. Parce que Yopougon est son second village. Donc, quand Gbagbo est à La Haye, ce sont tous les militants de Yopougon qui souffrent. Mais nous avons vu Laurent Gbagbo le 28 février 2013 s’adresser au monde dans un discours mémorable. Cela nous a tous redonné de l’espoir. Au-delà de Yopougon, c’est à tous les Ivoiriens et à tous les Africains qu’il a redonné de l’espoir. Nous sommes avec lui et nous tenons bon, comme il nous l’a recommandé. A travers Gbagbo, je m’adresse aussi à tous les autres prisonniers. Notamment la Première Dame Simone Ehivet Gbagbo, le président Pascal Affi N’Guessan, Sangaré Abou Drahamane. Et nous demandons à tous nos camarades en exil d’avoir foi en l’avenir. Nous comptons sur eux, nous les portons dans nos cœurs et nous pensons que Dieu fera qu’ils reviendront très bientôt parmi nous.

Propos recueillis par Benjamin Koré
Titre original : « Lazare Zaba Zadi, secrétaire fédéral Fpi de Yopougon : "Gbagbo à La Haye, c’est Yopougon qui souffre." »  

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Source : Notre Voie 29 mai 2013

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