6 mai 2012-6 mai 2013,
voilà un an que François Hollande est devenu le 7e Président de la Ve
République. Rompre avec les pratiques de la Françafrique, était l’une de ses promesses
électorales. Qu’en est-il aujourd’hui ? A l’occasion de ce premier
anniversaire, la BBC a posé la question à Mathieu Lopes, politologue, vice-président
de « Survie ».
Un an après, selon vous, qu’est-ce qu’il en est de l’état de la Françafrique depuis l’élection de François Hollande ?
Pour nous, finalement il y a une grande continuité malgré
cette nouvelle promesse de rupture. François Hollande avait promis comme Nicolas
Sarkozy de rompre avec la Françafrique. En observant les faits, on ne peut constater
qu’il n’y a pas énormément de
différence avec ce qui s’est passé précédemment.
Le soutien, la légitimation, la réception des régimes non démocratiques ou à la
légitimité contestée continuent de plus belle. Il a reçu Ali Bongo du Gabon,
Blaise Compaoré du Burkina Faso, Paul Biya du Cameroun, Alassane Ouattara de
Côte d’Ivoire, Idriss Deby du Tchad, Denis Sassou N’Guesso du Congo. Finalement,
c’est ce que faisaient exactement ses prédécesseurs.
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"La Françafrique demeure..." |
Oui, mais justement, est-ce
que le seul fait de recevoir ces chefs d’Etat signifie que c’est la
perpétuation de la Françafrique. Est-ce qu’on ne peut pas mettre ces visites
sur le compte des relations diplomatiques d’Etat à Etat ?
Effectivement, ce pourrait être le cas. Mais quand on regarde
le reste des aspects de la politique française, on constate une pareille
pratique des autres aspects de la Françafrique qui en sont les piliers. Tout
d’abord, le Franc Cfa. Avec le Franc Cfa, la France-Afrique est entretenue et
continue sous Hollande. Nous, nous considérons que c’est un vol de souveraineté
aux pays africains qui devraient pouvoir disposer de leur monnaie d’une manière
indépendante. Aujourd’hui, par exemple, sur ce qui est de la stratégie de
pénétration des marchés africains par les entreprises françaises, nous y
trouvons une continuité. Notamment par le grand concept de diplomatie
économique qui a été mis en avant par Laurent Fabius, nommé ministre des
Affaires étrangères, le 16 mai 2012. Ou les récentes assises sur le
développement qui ont mis à l’honneur le rôle des entreprises françaises dans
la politique de développement des pays africains.
Mais est-ce qu’on peut
faire le reproche à la France de veiller à ce que ses intérêts en Afrique soient
sauvegardés ? Est-ce que ce n’est pas quand même de bonne guerre que tous
les pays le font ?
Effectivement, toutes les grandes puissances, en tout cas
toutes les anciennes puissances coloniales le font. Mais considérons que c’est
quelque chose qui n’est pas très équilibrée. Nous remarquons de facto que des
entreprises françaises ont des monopoles dans certains secteurs. Nous pensons
au transport ou à l’assainissement des eaux. Et puis, il y a aussi l’exploitation
de certaines ressources qui ne se font pas du tout à l’avantage des peuples africains.
A votre avis, malgré
les déclarations de bonnes intentions de François Hollande, qu’est-ce qui fait que
ces pratiques perdurent ?
Dans le gouvernement actuel, il y a un élan très net de
volonté de grandeur de la France qui n’est pas différente des autres. Il y a
aussi une grande sensibilité de mainmise française, dans le cas, par exemple,
de l’intervention au Mali. Ce qui permet à l’armée de défendre dans la démocratie
française, sa place et son budget.
Cela se sent aussi
dans les nouvelles relations que le président français signe avec les nouveaux
dirigeants africains ?
Tout à fait. Ce sont des relations de complaisance, d’amitié et
d’affaires entre les sphères des élites d’affaires africaines et françaises. On
peut cependant noter quelques petites avancées dans la politique africaine de François
Hollande. D’abord la dernière réforme bancaire qui va imposer une certaine transparence
dans les entreprises concernant leurs filiales dans les paradis fiscaux. Il va
y avoir une certaine législation de l’Union européenne qui va imposer au
secteur administratif une certaine transparence sur ce qu’il paye comme impôt. Ce
qui nous permettra d’avoir une meilleure lisibilité sur le pillage par les
multinationales françaises des pays africains. Une avancée notable. Il y a eu un
communiqué du parti socialiste français pour dénoncer le musèlement de
l’opposition au Togo. Ça aussi c’est un point positif mais dans les faits, la Françafrique
demeure. Les dirigeants français expriment cette volonté de rompre avec cette pratique
quand ils sont dans l’opposition. Mais une fois au pouvoir, les données
changent.
Propos
retranscris par Marcel Dezogno
en maraude dans le web
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et
des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
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