Du 13 au 15 Mai 2013, l’actualité ivoirienne a été
marquée par un événement majeur. En effet, à l’initiative du ministère de la
culture et de la Francophonie, il fut organisé un colloque international
d’hommage à la grande chancelière Henriette Dagri-Diabaté. A l’occasion, la
grande chancelière fut présentée sous deux angles. L’on parla de l’historienne
puis de la femme politique. Si les initiateurs du colloque avaient choisi de
n’aborder que la femme dans sa dimension d’historienne, on aurait ôté le
chapeau pour s’incliner devant l’éclatante œuvre scientifique de notre
chancelière. Malheureusement, il fut associé à l’image de celle-ci, le triste
manteau politique qu’elle porte. On se surprend même à se demander si le colloque
n’avait pas été guidé par l’étoffe politique. Il est évident que si notre
chancelière
n’avait pas exercé de mandat politique, elle ne serait pas chancelière, membre influente de la dictature d’Abidjan. En conséquence, il n’aurait pas été possible au ministère de la Culture et de la Francophonie d’initier ce colloque. On dira également que l’initiative aurait pu naitre des années avant car, elle exerça en tant que Ministre de la Culture dans le gouvernement Ouattara (1990-1993), ministre de la Culture et de la Francophonie sous la transition militaire (Janvier-Mai 2000), ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la Justice, sous Laurent Gbagbo (2003-2006) l’opportunité d’un colloque international n’avait-elle pas été détectée durant ces années ? Cette question aide à porter une lumière crue sur l’imposture baptisée colloque international d’hommage… Laissons donc de côté Henriette Diabaté historienne et penchons-nous sur la grosse cicatrice de son parcours, c’est-à-dire, la femme politique. Mais bien avant, marquons notre étonnement face à l’attitude de ces grands intellectuels qui soit n’ont pas subodoré l‘imposture – chose invraisemblable –, soit, bien que le sachant, se sont rendus complices de la manipulation et de la falsification.
n’avait pas exercé de mandat politique, elle ne serait pas chancelière, membre influente de la dictature d’Abidjan. En conséquence, il n’aurait pas été possible au ministère de la Culture et de la Francophonie d’initier ce colloque. On dira également que l’initiative aurait pu naitre des années avant car, elle exerça en tant que Ministre de la Culture dans le gouvernement Ouattara (1990-1993), ministre de la Culture et de la Francophonie sous la transition militaire (Janvier-Mai 2000), ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la Justice, sous Laurent Gbagbo (2003-2006) l’opportunité d’un colloque international n’avait-elle pas été détectée durant ces années ? Cette question aide à porter une lumière crue sur l’imposture baptisée colloque international d’hommage… Laissons donc de côté Henriette Diabaté historienne et penchons-nous sur la grosse cicatrice de son parcours, c’est-à-dire, la femme politique. Mais bien avant, marquons notre étonnement face à l’attitude de ces grands intellectuels qui soit n’ont pas subodoré l‘imposture – chose invraisemblable –, soit, bien que le sachant, se sont rendus complices de la manipulation et de la falsification.
La complicité des intellectuels
En Afrique comme partout ailleurs, l’intellectuel
inspire respect, admiration. Il est une référence pour la société, un
éclaireur. Ses positions, dans bien des cas, font autorité. S’il en est ainsi,
c’est parce qu’il a en lui, un bagage de connaissances dont il se sert pour
apporter la lumière. Du haut de son savoir il a la capacité de distinguer la
bonne graine de l’ivraie. Mais si avec tous ses parchemins, il ne réussit pas à
voir venir vers lui le faux, soit il en est lui-même le concepteur, soit il en
partage l’esprit. A quoi avons-nous assisté lors du colloque ? Une
foultitude d’universitaires que nous pouvons classer en trois groupes. Le 1er
groupe – majoritaire – est constitué des universitaires du Rassemblement des républicains
(RDR), parti d’Henriette Dagri Diabaté. Le second d’universitaires venus des
autres pays d’Afrique, qui maitrisent certainement moins les méandres de la vie
politique ivoirienne et le 3e, un ensemble d’enseignants qui pour
l’essentiel, ont fait les bancs avec la chancelière ou ont été ses étudiants ou
collègues. Si l’on interroge ces groupes, ils répondront sans aucun doute qu’il
s’agit d’honorer une universitaire et que le savoir transcende les positions
politiques. Cependant ce n’est pas une partie de l’universitaire qui est
célébré c’est plutôt l’universitaire dans sa globalité, c’est-à-dire son
parcours. L’initiateur du colloque a eu la brillante idée de mettre dans un
même panier, l’historienne et la femme politique. Il s’agit donc d’une double
mission, poser deux couronnes. L’une pour son titre de professeur titulaire
d’histoire et l’autre pour son haut combat politique (sic) ! Quel est cet
intellectuel qui aurait pris son courage à deux mains, lors des panels, pour
déchirer le laid cocon dans lequel est enfermé le rôle politique de la grande
chancelière ? Aucun. C’est à ce niveau que se situe la complicité des
intellectuels qui ont accepté d’accompagner le faux jusqu’aux portes de chaque
ivoirien. Et ce n’est pas tout. La complicité, c’est aussi la création d’un
prix portant le nom de la grande chancelière. Il s’agit du prix de l’éducation
et de la culture. Ce prix est tout un message et l’on devine déjà toute la
littérature laudatrice qui l’accompagnera. Elle alliera déformation et
malformation. Mais cela n’affranchira pas ce prix de la cicatrice du parcours
de Dame Henriette Dagri-Diabaté. Un prix a une histoire, une philosophie, une
morale et un enseignement à dégager. Le récent prix imposé sous l’œil complice
de ces intellectuels ivoiriens, se détachera-t-il du rôle politique de sa
« marraine » ? Dira-t-il que sa « marraine » a eu un
parcours sans cicatrices ? Bref. On ressent comme une admirable trahison,
la déformation de notre jeune histoire par des intellectuels démissionnaires.
La femme politique qui n’est pas Jeanne d’Arc
Saisir la grande chancelière dans sa dimension
politique, c’est s’attendre à jouer sur deux tableaux. Le 1er
tableau la présente comme la militante du PDCI-RDA et le 2nd, comme
une militante du Rassemblement des républicains (RDR). Intéressons-nous au
deuxième tableau. Pour mieux le comprendre, il importe de suivre la logique des
intervenants. En effet, selon eux, la grande chancelière a, par son engagement
politique, délivré la Côte d’Ivoire. Elle est donc, selon Affoussiata Bamba, « la
Jeanne d’Arc du RDR et même du 21e siècle ». Pour le prof
Penda M’Bow, « on n’a pas à aller chercher Jeanne d’Arc pour parler
d’Henriette Dagri Diabaté… ». Autrement dit, elle est déjà Jeanne d’Arc,
ou elle la supplante. L’image parfaite de la grande chancelière découle plus de
sa fonction d’enseignante que de son rôle politique. En tant qu’enseignante, il
serait hasardeux de la comparer à jeanne d’Arc d’autant que celle-ci n’était – selon
les versions officielles – qu’une petite analphabète. Parler de son courage, de
son intelligence, on pourrait comparer plusieurs femmes ivoiriennes à jeanne
d’Arc, partant d’Henriette Diabaté à Irié Lou Colette en passant par le Prof
Jacqueline Lohoues-Oble (1ère femme agrégée de droit privé en Afrique). Au
regard de ces exemples, on déduit que la comparaison faite ne vise que le
terrain politique. Mais là encore, nous sommes saisis d’effroi. On sait que
Jeanne d’Arc avait reçu la « divine mission » de libérer le royaume
de France de l’envahisseur anglais. Elle réussit, à la tête des troupes, à
libérer Orléans – qui était au bout de la reddition –, à marcher sur Reims et
légitimer le roi Charles VII. Bien qu’ayant été arrêtée, le courage qu’elle
insuffla aux troupes, permit à celles-ci de multiplier les conquêtes, alliant
négociations et victoires. Bref, Jeanne d’Arc a combattu contre l’occupation
anglaise, par patriotisme. Quid de la grande chancelière ?
A la tête de son parti le RDR, elle a transformé ce
parti en l’aile politique de la rébellion armée pro-Ouattara qui a attaqué la
Côte d’Ivoire en septembre 2002. Il s’agit d’une attaque contre les
institutions de la République. Contrairement à Jeanne d’Arc qui se battit pour
tenir la France debout, la grande chancelière et son parti se sont ingéniés à
affaisser la Côte d’Ivoire durant près de 10 années. La sauvegarde des
institutions n’était guère une priorité. Pour être la « Jeanne d’Arc du 21e
siècle », il aurait fallu que notre chancelière se tienne courageusement
devant les troupes du RDR pour dénoncer et combattre auprès des autorités
constitutionnelles. Au contraire, ceux des membres du RDR qui ont dénoncé
l’attitude traitresse de leur parti, ont été ostracisés. Aujourd’hui, le député
Mamadou Ben Soumahoro est en exil, Thierry Légré, ancien président du Cercle
Alassane Dramane Ouattara (CADO) est aussi en exil. Le ministre Jean-Jacques
Béchio, après avoir été sauvagement battu par les hommes de Ouattara, a
séjourné dans ses goulags du nord. Les cadres du MPCI, sont des cadres du RDR :
Affoussiata Bamba, qui considère la chancelière comme la Jeanne d’Arc du 21e
siècle, fut porte-parole du mouvement rebelle avant de devenir député RDR puis ministre
de la Communication et porte-parole adjointe du gouvernement. Quelle coïncidence !
Idem pour Soro Guillaume et tous les ministres et députés du MPCI. Jeanne d’Arc
s’est-elle alliée aux Anglais pour combattre la France ? Comment Jeanne
d’Arc peut-elle être le modèle de la chancelière, quand tout les oppose dans la
forme comme dans le fond ? La grande chancelière n’a mené aucun combat de
libération de la Côte d’Ivoire. Bien au contraire, elle a fait emprisonner la
Côte d’Ivoire dans les fers de la domination française, de la dictature et de
la promotion des contre-valeurs. Quand, par son soutien visible ou invisible,
des rebelles et mercenaires burkinabè mettent en coupe réglée un pays et se
hissent au pouvoir, il est totalement abject de louer « la bravoure »
de notre chancelière. Le colloque a eu le mérite de taire cette cicatrice du
parcours de la chancelière pour ainsi la présenter comme celle dont le courage
est en passe de faire de notre pays, un pays étrangement émergent. Voici une
fausse histoire qui est en train d’être écrite par les vainqueurs de la guerre.
Une histoire contre la mémoire collective. Une laide histoire !
« La femme n’est pas une lame qui déchire la
société…», disait Henriette Dagri Diabaté. Pourtant, la société ivoirienne a
été déchirée grâce à la complicité d’une historienne célébrée par son parti
sous le couvert d’un colloque international. C’est de l’imposture pure et
simple. Si la promotion d’une société des valeurs se marie avec le maquillage
de l’histoire, autant conclure que la Côte d’Ivoire est mal partie.
Alain Bouikalo
Titre original : « Colloque international d'hommage à
Henriette Dagri Diabaté, une vaste imposture ».
Source : CIVOX. NET 24 Mai 2013
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