lundi 19 novembre 2012

La paix ? Y en a marre !

Faute d’un cadre de commémoration solennelle de la Journée de la paix, chacun y va de son inspiration et de son initiative. Avant sa mort, c’était Benjamin Coulibaly qui, en sa qualité de président de l’Association pour la sauvegarde et le maintien de la paix (Asmp), conférait un cachet véritablement national à cette fête.

Dont la noblesse le dispute à son importance capitale pour les hommes dans leur ensemble. Mais singulièrement pour les Ivoiriens dont le premier président, Félix Houphouët-Boigny, décédé le 7 décembre 1993, disait : « La paix, ce n’est pas un vain mot mais un comportement ». Il faisait également remarquer que cette même paix est la seconde religion de la Côte d’Ivoire. Et qu’elle est un préalable à tout développement. Enfin, c’est l’héritage le plus précieux qu’il lègue aux générations futures. Qui devront y veiller soigneusement comme sur la prunelle de leurs yeux. Bref, d’excellents enseignements qu’on avait toujours plaisir à écouter.

Malheureusement, ces écoutes religieuses et les ovations nourries qui accompagnaient les discours du Sage de Yamoussoukro, n’ont pu éviter à la Côte d’Ivoire la déflagration sociale issue des crises à répétition depuis sa mort avec, quelques piques allant jusqu’aux conflits armés. C’est le cas du coup d’Etat du 24 décembre 1999 contre le régime du président Bédié. Heureusement sans effusion de sang. Ce fut, en outre, le cas de la rébellion du 19 septembre 2002. Ce fut, enfin, le cas de la crise postélectorale de décembre 2010 au 11 avril 2011 : 3000 morts officiellement. De nombreux blessés, déplacés et exilés. Sans oublier les dégâts matériels. Ce sont des conséquences énormes dont beaucoup ont du mal à se remettre. Aussi bien physiquement que moralement. Voici ce qui retarde la réconciliation nationale. Surtout quand à cela, s’ajoutent les agissements d’une classe politique foncièrement divisée et manichéiste et d’une presse totalement caporalisée et partisane, qui ne semblent nullement avoir tiré la leçon de toutes ces péripéties citées plus haut. D’où la relative indifférence qui caractérise de plus en plus la célébration de la Journée nationale de la paix.

Hier, en la paroisse Notre Dame de l’Incarnation (Ndi) de la Riviera Palmeraie où la Commission justice et paix de la Conférence épiscopale a organisé une messe commémorative de ladite Journée, les fidèles chrétiens catholiques n’ont pas afflué. L’église, qui avait l’habitude d’afficher complet à chacune de ses trois messes dominicales mais aussi pour toutes les autres célébrations eucharistiques ponctuelles, était à moitié pleine en dépit de la sensibilisation faite quelques jours plus tôt. Pourtant, le plateau de présences était des plus alléchants. Outre le président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr), l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny et ses collaborateurs, la Conférence épiscopale était richement représentée par dix de ses membres: Cardinal Bernard Agré ; l’archevêque de Korhogo, Mgr Marie Daniel Dadiet ; sept évêques dont Mgr Boniface Ziri, célébrant principal de la messe en sa qualité de président de la Conférence épiscopale et deux évêques émérites, Nosseigneurs Pierre Marie Coty de Daloa et Bruno Kouamé d’Abengourou. Comment les populations ivoiriennes, si éprouvées par la guerre, peuvent-elles pousser le paradoxe jusqu’à bouder une fête dédiée à la paix ?

Est-ce à dire qu’elles ne voudraient plus de la paix ? La réponse est simple : elles veulent bel et bien de la paix. Mais disent en avoir marre des discours prônant la paix et la réconciliation alors que sur le terrain, les actes posés sont totalement contraires. Avec St Jean Chrysostome, ces populations semblent dire : « Que les discours se taisent et que les actes parlent (enfin) ». Mais quelle chance leur cri du cœur a-t-il d’être entendu par les leaders politiques et leurs partisans dont les intérêts sont si loin de ceux du peuple au nom de qui ils prétendent, pourtant, agir ?

ABEL DOUALY

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Source : Fraternité Matin 16 Novembre 2012

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