lundi 5 novembre 2012

« Comme une sorte d’administration provisoire… »

L’auteur-compositeur Gédéon, en exil depuis plus d’un an, se prononce sur la Caravane nationale dite « de sensibilisation à la paix et à la réconciliation ». Le musicien de variété parle également de ses tournées dans la sous-région, dans le cadre de la promotion de sa nouvelle œuvre : «Le code». 

Notre Voie : L’actualité culturelle, c’est la caravane nationale de sensibilisation à la paix et à la réconciliation à la quelle finalement tous les artistes exilés ne prennent pas part. Aviez-vous été contacté avant son démarrage ?

Gédéon : Pendant que j'étais au Cameroun, mon manager me disait que certaines personnes ne cessaient de m'appeler pour cette affaire de caravane de réconciliation. Mais comme ma littérature ne correspond pas a ce genre de comédies, je lui ai dit de leur dire simplement que je ne me sens pas concerné. 

N.V. : Et pourtant il s’agissait aussi, apparemment, de faire revenir les exilés que vous êtes…

G. : Dans la forme, vouloir faire revenir ses pairs, n'est pas mauvais en soi. Mais comme vous le savez, toute entreprise a besoin d'un soubassement. Pour une maison, c'est la fondation et pour une voiture, les roues. Si ce soubassement n'existe pas, soit ça ne peut pas tenir, soit ça ne peut pas bouger. Avant de chercher à faire revenir les artistes exilés, ces collègues artistes pro-Ouattara feraient mieux de demander discrètement à leur oncle de consacrer, ne serait-ce que 10% de l'enthousiasme dont il fait preuve pour la terreur, au dialogue. Cela facilitera la réalisation de son initiative. Comme vous le savez bien, des milliers d'Ivoiriens, ceux pour lesquels un artiste donne de la voix, sont encore dans des camps de réfugiés, hors de leur terre-mamelle pour des raisons que le monde entier sait. 

N. V. : Soyez plus explicite !

G. : On n'adore pas un fétiche avec une seule moitié de la cola. La réconciliation se fait à 2, à 3, etc., comme on l'a tous vécu en 2000 où tous les leaders étaient présents. C'est vrai, nous avons besoin de revivre la Côte d'Ivoire d’avant mais je ne pense pas qu'une faim atroce pousserait un être humain à manger ses dents. Je me souviens encore que sous le président Laurent Gbagbo une même caravane dite de réconciliation nationale avait été organisée. A cette occasion, toutes les parties prenantes au conflit en Côte d’Ivoire étaient présentes. Wattao, Sidiki Konaté, Blé Goudé, tous les partis politiques, ainsi que les groupements de jeunesse, toutes tendances politiques confondues, avaient adhéré au projet. Mais contre toute attente, le clash est arrivé. Tout simplement parce qu’une partie des Ivoiriens n’avait pas été sincère dans sa démarche. 

N.V. : Est-ce une sorte de retour à l’envoyeur ?

G. : Ceux qui s’agitent aujourd’hui, les pro-Ouattara, avaient-ils participé à cette caravane ? Ils avaient dit «non» en son temps. Certain d’entre eux, comme A’Salfo, prétendaient que leur statut d’artiste leur imposait la neutralité. Pourtant nous étions informés de ses vas et viens chez le président Laurent Gbagbo. Si, aujourd’hui A’Salfo est très engagé dans cette caravane, peut-être qu’il a, entre temps, perdu son statut d’artiste. Tout ça pour vous dire qu’il faut un minimum de sincérité pour réconcilier les Ivoiriens. La vie n’est pas seulement physique. Combien sont-ils, les Ivoiriens qui se sentent aujourd’hui concernés par cette caravane qui a débuté depuis le 20 octobre dernier ? La caravane se déroule pendant que ceux-là même qui ont été cooptés pour réconcilier les Ivoiriens s’entre-déchirent pour des questions idiotes de cachets. C’est vraiment triste tout ça ! Je vous le dit, s’il y a beaucoup de bagarre dans cette tournée de réconciliation, c’est parce que la caravane nationale de réconciliation n’a pas reçu l’onction du peuple ! 

N.V. : Que faut-il donc pour réconcilier les Ivoiriens ?

G. : La réconciliation ne se fait pas avec la force. Qui veut une réconciliation ne fait pas des arrestations, du rattrapage, des licenciements abusifs, du musellement du peuple et de la presse, son petit déjeuner, déjeuner ou son goûter. Pourrais-tu accepter que celui qui a tué ton père vienne épouser ta mère ? Je pense que pour une réconciliation vraie, il faut libérer tous nos parents abusivement détenus, il faut libérer la parole, il faut cesser de poursuivre les gens pour leurs idéaux et mettre fin aux accusations arbitraires. 

N.V. : Les autorités ivoiriennes disent qu’elles tendent la main aux exilés ? Allez-vous rentrer bientôt ?

G. : Je ne sais pas si cela serait aisé pour moi de parler d'autorités. Pour le commun des mortels, les autorités qui dirigent un pays sont établies par le peuple. Or, vous savez très bien que ceux qui sont là actuellement ont été imposés par la communauté dite internationale. Comme une sorte d’administration provisoire qu'un Etat affecte à la tête d'une société parce qu'il y a un conflit. Et en général, dans un tel cas de figure, l’administrateur règne en maître absolu dans la société puisqu'il n'a de comptes à rendre qu'a celui qui l’a nommé ou installé. Alors, voulez-vous que je m'adresse au vent ? En revanche, au peuple de Côte d'Ivoire, je voudrais qu’il retienne que la foi est une lutte entre le sage et le démon. Du fait que la nature mystérieuse de la vie est le principe fondamental qui mène au bonheur, la lutte entre le bien et le mal est rude et le conflit entre le bonheur et le malheur intense. C’est au moment où vous pensez être au plus profond du malheur qu'une foi sincère et une joie fondamentale commencent à éclore. Alors, pour nos plaisirs de courte durée sur terre, évitons de frapper à la porte de l'enfer. C'est vrai que c'est dur mais ça ne va pas durer. Restons dignes ! 

N.V. : Terminons par vos différentes tournées à travers la sous-région, dans le cadre de la promotion de votre nouvel album de variété, « Le code ». Comment êtes-vous accueilli ?

G. : Ce n'est pas parce que je ne suis pas au pays que fin ma carrière doit prendre. Grâce à vos différentes prières, un nouveau public m'a adopté et ne cesse de m'associer à ses différentes cérémonies culturelles dans la sous-région. Dans cette dynamique, je bénéficie de plusieurs rendez-vous avec des organes de presse de la sous-région. Je vous assure que c'est épuisant. Mais je peux dire que je m’éclate vraiment ! 

Propos recueillis (via Internet) par Schadé Adédé



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Source : Notre Voie 3 novembre 2012

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