L’auteur-compositeur Gédéon, en exil depuis plus
d’un an, se prononce sur la Caravane nationale dite « de sensibilisation à
la paix et à la réconciliation ». Le musicien de variété parle également
de ses tournées dans la sous-région, dans le cadre de la promotion de sa
nouvelle œuvre : «Le code».
Notre Voie :
L’actualité culturelle, c’est la caravane nationale de sensibilisation à la
paix et à la réconciliation à la quelle finalement tous les artistes exilés ne
prennent pas part. Aviez-vous été contacté avant son démarrage ?
Gédéon : Pendant que j'étais au Cameroun, mon
manager me disait que certaines personnes ne cessaient de m'appeler pour cette
affaire de caravane de réconciliation. Mais comme ma littérature ne correspond
pas a ce genre de comédies, je lui ai dit de leur dire simplement que je ne me
sens pas concerné.
N.V. : Et pourtant il s’agissait aussi, apparemment,
de faire revenir les exilés que vous êtes…
G. : Dans la forme, vouloir faire revenir ses pairs,
n'est pas mauvais en soi. Mais comme vous le savez, toute entreprise a besoin
d'un soubassement. Pour une maison, c'est la fondation et pour une voiture, les
roues. Si ce soubassement n'existe pas, soit ça ne peut pas tenir, soit ça ne
peut pas bouger. Avant de chercher à faire revenir les artistes exilés, ces
collègues artistes pro-Ouattara feraient mieux de demander discrètement à leur
oncle de consacrer, ne serait-ce que 10% de l'enthousiasme dont il fait preuve
pour la terreur, au dialogue. Cela facilitera la réalisation de son initiative.
Comme vous le savez bien, des milliers d'Ivoiriens, ceux pour lesquels un
artiste donne de la voix, sont encore dans des camps de réfugiés, hors de leur
terre-mamelle pour des raisons que le monde entier sait.
N. V. : Soyez plus explicite !
G. : On n'adore pas un fétiche avec une seule moitié
de la cola. La réconciliation se fait à 2, à 3, etc., comme on l'a tous vécu en
2000 où tous les leaders étaient présents. C'est vrai, nous avons besoin de
revivre la Côte d'Ivoire d’avant mais je ne pense pas qu'une faim atroce
pousserait un être humain à manger ses dents. Je me souviens encore que sous le
président Laurent Gbagbo une même caravane dite de réconciliation nationale
avait été organisée. A cette occasion, toutes les parties prenantes au conflit
en Côte d’Ivoire étaient présentes. Wattao, Sidiki Konaté, Blé Goudé, tous les
partis politiques, ainsi que les groupements de jeunesse, toutes tendances
politiques confondues, avaient adhéré au projet. Mais contre toute attente, le
clash est arrivé. Tout simplement parce qu’une partie des Ivoiriens n’avait pas
été sincère dans sa démarche.
N.V. : Est-ce une sorte de retour à l’envoyeur ?
G. : Ceux qui s’agitent aujourd’hui, les
pro-Ouattara, avaient-ils participé à cette caravane ? Ils avaient dit «non» en
son temps. Certain d’entre eux, comme A’Salfo, prétendaient que leur statut
d’artiste leur imposait la neutralité. Pourtant nous étions informés de ses vas
et viens chez le président Laurent Gbagbo. Si, aujourd’hui A’Salfo est très
engagé dans cette caravane, peut-être qu’il a, entre temps, perdu son statut
d’artiste. Tout ça pour vous dire qu’il faut un minimum de sincérité pour réconcilier
les Ivoiriens. La vie n’est pas seulement physique. Combien sont-ils, les
Ivoiriens qui se sentent aujourd’hui concernés par cette caravane qui a débuté
depuis le 20 octobre dernier ? La caravane se déroule pendant que ceux-là même
qui ont été cooptés pour réconcilier les Ivoiriens s’entre-déchirent pour des
questions idiotes de cachets. C’est vraiment triste tout ça ! Je vous le dit,
s’il y a beaucoup de bagarre dans cette tournée de réconciliation, c’est parce
que la caravane nationale de réconciliation n’a pas reçu l’onction du peuple !
N.V. : Que faut-il donc pour réconcilier les
Ivoiriens ?
G. : La réconciliation ne se fait pas avec la force.
Qui veut une réconciliation ne fait pas des arrestations, du rattrapage, des
licenciements abusifs, du musellement du peuple et de la presse, son petit
déjeuner, déjeuner ou son goûter. Pourrais-tu accepter que celui qui a tué ton
père vienne épouser ta mère ? Je pense que pour une réconciliation vraie, il
faut libérer tous nos parents abusivement détenus, il faut libérer la parole,
il faut cesser de poursuivre les gens pour leurs idéaux et mettre fin aux
accusations arbitraires.
N.V. : Les autorités ivoiriennes disent qu’elles
tendent la main aux exilés ? Allez-vous rentrer bientôt ?
G. : Je ne sais pas si cela serait aisé pour moi de
parler d'autorités. Pour le commun des mortels, les autorités qui dirigent un
pays sont établies par le peuple. Or, vous savez très bien que ceux qui sont là
actuellement ont été imposés par la communauté dite internationale. Comme une
sorte d’administration provisoire qu'un Etat affecte à la tête d'une société
parce qu'il y a un conflit. Et en général, dans un tel cas de figure,
l’administrateur règne en maître absolu dans la société puisqu'il n'a de
comptes à rendre qu'a celui qui l’a nommé ou installé. Alors, voulez-vous que
je m'adresse au vent ? En revanche, au peuple de Côte d'Ivoire, je voudrais
qu’il retienne que la foi est une lutte entre le sage et le démon. Du fait que
la nature mystérieuse de la vie est le principe fondamental qui mène au
bonheur, la lutte entre le bien et le mal est rude et le conflit entre le
bonheur et le malheur intense. C’est au moment où vous pensez être au plus
profond du malheur qu'une foi sincère et une joie fondamentale commencent à
éclore. Alors, pour nos plaisirs de courte durée sur terre, évitons de frapper
à la porte de l'enfer. C'est vrai que c'est dur mais ça ne va pas durer.
Restons dignes !
N.V. :
Terminons par vos différentes tournées à travers la sous-région, dans le cadre
de la promotion de votre nouvel album de variété, « Le code ». Comment
êtes-vous accueilli ?
G. : Ce n'est pas parce que je ne suis pas au pays
que fin ma carrière doit prendre. Grâce à vos différentes prières, un nouveau
public m'a adopté et ne cesse de m'associer à ses différentes cérémonies
culturelles dans la sous-région. Dans cette dynamique, je bénéficie de
plusieurs rendez-vous avec des organes de presse de la sous-région. Je vous
assure que c'est épuisant. Mais je peux dire que je m’éclate vraiment !
Propos recueillis (via Internet) par Schadé Adédé
EN
MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous
proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et
que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise
ivoirienne».
le-cercle-victor-biaka-boda
Source : Notre
Voie 3 novembre 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire