dimanche 4 novembre 2012

Amadou Haya Sanogo : « Tombouctou sera libérée comme Paris l'a été »

Voici la tribune du capitaine Sanogo parue dans le Monde du 25 octobre 2012, qui a tant irrité l’un des « nouveaux chiens de garde » du pré carré françafricain. Nos lecteurs pourront constater que le jeune chef militaire malien y fait preuve d’une très bonne connaissance de cette époque tragique de l’histoire de France et, s’ils ont lu les inepties que son texte a inspirées à Vincent Hugeux, que c’est lui le mieux placé pour donner des leçons – ce qu’il fait d’ailleurs avec un réel bonheur dans ces lignes – et non cet impudique Dupont-la-Joie ignare bouffi de vanité raciale.
Il y a des gens qui sont Français parce qu’ils sont nés en France et qui, de ce fait, se croient seuls habilités à se réclamer héritiers des héros de 1792, de 1830, de 1848, de la Commune de Paris, de la Résistance à l’invasion nazie. Mais il suffit de les écouter ou de les lire pour s’apercevoir que s’ils avaient vécu à ces différentes époques, leur vraie nature les eût irrésistiblement portés du côté des pires ennemis de ces glorieux géants, tout comme aujourd’hui elle les porte du côté du traître Amadou Toumani Touré, dit ATT, qu'Hugeux et ses semblables adulaient, justement, parce qu’il n’était que cela… A l’inverse, un authentique patriote malien comme le jeune capitaine Amadou Haya Sanogo me paraît tout à fait fondé à se réclamer de ces glorieux produits d’une histoire étrangère aussi bien que de ceux de l’histoire de sa propre patrie évoquées dans les premières lignes de son article.
Marcel Amondji

le capitaine Sanogo le 7 avril 2012 - photo Joe Penney pour Reuter

« La France ne peut être la France sans la grandeur », disait le général de Gaulle. Le Mali, qui a écrit dans le grand livre de l'histoire une des pages les plus glorieuses de l'histoire africaine, ne peut se concevoir sans grandeur et sans honneur. C'est pourquoi l'invasion de notre pays par les hordes barbares est une indignité nationale, comme l'a été pour la France le déferlement des hordes nazies sur son territoire en juin 1940. Aujourd'hui Tombouctou est « outragée », Tombouctou est « brisée » Tombouctou est « martyrisée », mais Tombouctou sera « libérée » comme Paris l'a été.

En juin 1940, le maréchal Pétain a accepté le déshonneur de la capitulation, mais de Gaulle a su dire non. Le président Amadou Toumani Touré a été pour le Mali ce que le maréchal Pétain a été pour la France en 1940 et je n'ai été pour le Mali que ce que de Gaulle a été pour la France.

La débâcle au nord du Mali n'est pas seulement une défaite de l'armée malienne mais celle du chef de l'armée Amadou Toumani Touré qui, pour des raisons de survie politique personnelle, n'a pas voulu donner les moyens à l'armée pour défendre le territoire. Le chef de l'Etat, chef de l'armée, Amadou Toumani Touré, en intelligence avec l'ennemi, a laissé les groupes armés occuper le nord du pays pour ne pas organiser des élections et invoquer l'occupation du nord pour des buts inavoués plutôt que de défendre l'intégrité du territoire national.

C'est là où sa responsabilité est encore plus lourde que celle de Pétain. Pétain a subi une occupation, Amadou Toumani Touré l'a planifiée. Après la débâcle, de Gaulle a appelé à la résistance et réorganisé l'armée, l'a réarmée moralement pour la grande bataille de la reconquête.

"La bataille de France doit avant tout être la bataille des Français", disait de Gaulle. Pour nous aussi, la bataille de Tombouctou, de Kidal et de Gao doit avant tout être la bataille de l'armée malienne. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec la position du président François Hollande, l'armée malienne n'a besoin que de soutien logistique pour libérer le nord du pays.

L'Etat qui s'est effondré est en train d'être reconstruit, l'armée qui a été réarmée moralement est en train d'être rééquipée afin qu'elle soit à la hauteur des circonstances exceptionnelles de sa mission historique. La vie politique n'est pas une priorité pour nous. En mars 2012, nous avons cru devoir prendre nos responsabilités pour agir et aboutir à ce qu'on appelle un coup d'Etat. Il est à notre sens vertueux car nous n'avions que le seul dessein de sauver ce qui restait de la République.

GUERRE CONTRE LE TERRORISME

La sécurité est à la base du contrat social et, moralement, un gouvernement qui a failli au point de perdre les deux tiers du territoire ne pouvait plus rester en place. Par ailleurs, la bataille pour libérer le nord du Mali s'inscrit dans une guerre mondiale contre le terrorisme. Dans les années 1990, la communauté internationale avait fait preuve de cécité politique en laissant le commandant Massoud seul face aux talibans en Afghanistan. Le nord du Mali est comparable à l'Afghanistan des années 1990 quand Al-Qaida venait de s'y installer pour en faire une base mondiale pour le terrorisme.

Pour l'Occident et le monde arabe, aider le Mali à chasser Al-Qaida, c'est s'aider soi-même, car Al-Qaida au Maghreb islamique veut transformer Tombouctou en Kandahar et Gao en Kaboul. Le nord du Mali serait la base arrière d'où partiraient les terroristes pour lancer des attaques à l'étranger. Le processus a déjà commencé, nous notons la présence de plus en plus importante d'Algériens, de Pakistanais, de Soudanais et de ressortissants du Golfe. Nous demandons donc à la communauté internationale d'accorder son appui à l'armée ainsi qu'aux autorités de la transition.

Nous aspirons à un Mali démocratique, respectant ses minorités et les droits de l'homme. Dans le nouveau comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité, créé par une loi et rattaché au président de la République, le seul credo qui vaille est l'émergence d'une armée malienne républicaine, garante d'une démocratie exemplaire au service de la paix et de l'intégrité territoriale du Mali.

Par Amadou Haya Sanogo, président du comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité (Mali)


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Source : Le Monde 25 octobre 2012

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