2013, à Paris, la mission "diplomatique" du FPI fait étape chez l'ambassadeur Charles Gomis, devant un buffet bien garni. |
Après nous avoir expliqué que
nous ne devrions plus serrer la main à nos proches, le gouvernement vient de
lever la suspension qu’il avait imposée à tous les navires venant des pays où
l’ébola sévit, sans la moindre explication. Qu’est-ce qui a changé ? Ou alors,
accepter à nouveau de recevoir ces navires, mis en quarantaine pendant quelques
jours, est finalement moins dangereux que serrer la main de son voisin de
quartier ou de son collègue de bureau ! Et tout ça, au nom de l’argent roi ?
Je suis, pour ma part, perplexe
sur la manière dont ce gouvernement conçoit ses responsabilités, sur ce je
m’en-foutisme ambiant auquel bon nombre de nos compatriotes se sont facilement
habitués ou qui accommode certains, dont les desseins n’en sont toujours pas
pour autant clairement avoués à mon grand désespoir…
Pour le reste, je sais que
certaines personnes m’attendent sur la crise qui secoue le FPI et qui n’est
probablement pas finie en raison des enjeux fortement personnalisés par les
fantasmes de retour au pouvoir qui envahissent certains. Il y en a qui
voudraient que je réponde à ceux qui me taxent d’être anti-Affi sans la moindre
démonstration du reste ou, pour d’autres, que je renforce la position de ceux
qui me veulent dans une telle posture. Pris d’ailleurs sous cet angle, je
présume que mon propos va certainement décevoir plus d’un. Parce que, de mon
point de vue, le débat sur la stratégie capable de sortir le Président Gbagbo
de La Haye n’est plus tout à fait nouveau, ou, à tout le moins, seulement
entretenu dans des salons cossus. Qu’en conséquence, il est loisible au plus
humble des militants du FPI ou au plus petit des citoyens ivoiriens intéressés
par la question de savoir qui représente les meilleurs gages de sortie de
Laurent Gbagbo de la CPI.
Ce que les bombes franco-onusiennes ont fait du symbole de notre souveraineté. |
Ouvrier
des rêves qui le dépassent,
le
militant est souvent le premier
à
le payer de sa liberté ou de sa vie.
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Ce sur quoi je m’interroge plutôt,
c’est l’apparent consensus naissant sur la manière d’accéder désormais au
pouvoir en Afrique. Je ne veux pas me ridiculiser en feignant de découvrir que
ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire et qui fut d’une rare violence est tout à
fait nouveau pour les Africains, et que la communauté internationale devrait
avoir honte de piétiner des valeurs pour lesquelles nous les idéalisons chez
nous. En revanche, la rapidité avec laquelle de nombreuses élites, y compris
celles qui ont longuement appelé à se mobiliser contre l’impérialisme
occidental, se sont persuadé que le pouvoir en Afrique dépendait exclusivement
de l’homme blanc me laisse sans voix. Pas essentiellement parce que je les
destinais à des choses plus élevées, mais parce que je me dis tout de même que
ces personnes auraient au moins honte de l’image qu’elles offrent.
Or, de mon point de vue, c’est ce
qui hante le FPI. Les convulsions multiples et interminables sur la page Gbagbo
que certains veulent tourner n’est, à cet égard, qu’une conséquence de cette
nouvelle découverte. Beaucoup croient en effet que la seule façon de prospérer
à nouveau est d’instrumentaliser à la fois notre défaite comme une erreur
stratégique tout en légitimant la force brutale qui a vaincu nos résistances.
Ce serait donc pour avoir osé défier l’homme blanc que nous nous sommes
retrouvés là, obligés de faire la manche. Ce qui n’est pas faux d’un strict
point de vue factuel. Mais une fois cela dit, en quoi ces violences
disqualifient-elles nos rêves d’auto-détermination, surtout lorsqu’ils
constituent nos seules chances de vie meilleure ? Car en politique, il n’y a
pas que le rêve ou les fantasmes des élites qui comptent ! Il y a aussi
l’espoir de changement du militant qu’il faut prendre en compte. Ouvrier des
rêves qui le dépassent souvent, le militant est souvent le premier à payer de
sa vie et l’on l’a encore vu dans cette crise postélectorale immonde.
Pour mieux illustrer cette partie
de mon propos, je me permets d’évoquer les échanges, houleux parfois, que j’ai,
à différentes occasions, eu avec un membre de la direction du FPI. Il ne
comprenait pas mon hostilité (supposée) envers le président Pascal Affi
N’guessan. Alors, dès qu’il finissait d’en vanter les mérites, ce camarade
m’expliquait ce que les détracteurs du président du parti demandaient comme
service en sous-main. Soit pour que ceux qu’ils soupçonnaient d’accointances
avec le pouvoir les aidassent à négocier quelques privilèges avec le régime,
soit pour obtenir des rentes viagères obtenues sous Gbagbo mais bloquées par la
ouattarandie. Alors, ses yeux s’illuminaient, croyant avoir réussi à vaincre
mes réticences. Car, quoi que je dise ou fasse, pour certaines personnes, je
suis incapable de porter mon propre discours ou ma propre logique. Alors je me
figeais, blessé et étonné que certains au FPI se sentent plus légitimes à vivre
dignement que la majorité des militants et d’humbles dont la discipline les
porte essentiellement.
Tous ceux qui gisent là croyaient suivre de vrais chefs ; des chefs aussi capables qu'eux-mêmes d'accepter les plus grands sacrifices. |
Je trouve, en effet, scandaleux
que le ministre Alain Dogou, qui a été le premier à appeler les jeunes à se
constituer en bouclier humain autour de la résidence de Laurent Gbagbo,
clairement menacé par les bombardements franco-onusiens, ait accepté d’entrer à
la CEI sans se poser la moindre question. Sans se demander en particulier ce
que sont devenus ces jeunes gens, et si montrer tant d’insouciance envers leurs
douleurs servait son image.
A propos d’image, je me demande
également quel genre d’explications l’on trouve au FPI pour cohabiter à la CEI
avec Youssouf Bakayoko, l’homme qui ne s’est pas gêné de retrouver Alassane
Ouattara dans son QG pour le proclamer élu président de la République, avant de
mettre le cap sur Paris d’où il a vécu en toute sécurité les bombardements
franco-onusiens. A moins que, finalement, le consensus dont il est question ne
soit celui des affamés.
Joseph
Titi, éditorialiste
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique,
nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou
que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source :
Aujourd’hui 18 août 2014
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