Lorsque Nicolas Sarkozy
occupait le poste de ministre de l'Intérieur, il avait une stratégie bien
rodée, celle de créer chaque jour un événement pour être au cœur des médias et
donner l'impression d'être à la Une des préoccupations des Français. Ce choix de
gestion l'a beaucoup aidé plus tard pour rendre son accession à l'Elysée aussi
évidente que naturelle. Aujourd'hui aucun observateur n'hésitera à établir un
parallèle entre Nicolas Sarkozy et Manuel Valls. L'actuel ministre de
l'Intérieur donne cette vague impression, depuis qu'il a pris les commandes de
la place Beauvau, d'avoir entamé une logique de construction de personnage et
de légende.
De Leonarda
à Dieudonné,
ou les
risibles croisades de Manuel Valls en « chevalier blanc ».
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L'affaire
Dieudonné est tombée à point nommé pour donner à cette démarche le halo de
rupture dramatique qu'il lui fallait. Il est vrai que sur tout un autre
registre, l'affaire Leonarda, du nom de cette jeune Rom expulsée avec sa
famille au Kosovo et à qui François Hollande avait proposé un ticket de séjour
individuel, avait fonctionné aussi comme un révélateur de caractère et un
marqueur d'ambitions. Pour Valls, Leonarda, c'était la tolérance zéro en
matière de séjour illégal. Dieudonné, c'est la lutte impitoyable contre les « semeurs
de haines » et le « créateur de tensions communautaire ».
Il faut dire que personne ne contestait la lourde critique que le ministre adressait à l'humoriste devenu au fil du temps selon son expression « un petit entrepreneur de la haine ». Ceux qui s'aventuraient à exprimer une réserve sur le fond demandaient à ce qu'il n'y ait plus une hiérarchie de douleurs, de frustrations et des racismes et qui serait selon eux la meilleure manière de vider la posture de Dieudonné de sa substance et de son attractivité.
Il faut dire que personne ne contestait la lourde critique que le ministre adressait à l'humoriste devenu au fil du temps selon son expression « un petit entrepreneur de la haine ». Ceux qui s'aventuraient à exprimer une réserve sur le fond demandaient à ce qu'il n'y ait plus une hiérarchie de douleurs, de frustrations et des racismes et qui serait selon eux la meilleure manière de vider la posture de Dieudonné de sa substance et de son attractivité.
Mais Manuel
Valls a créé des clivages au sein même de sa famille politique lorsqu'il a
décidé de recourir à la technique de l'interdiction par anticipation des
spectacles de Dieudonné à travers des circulaires édités par son ministère et
validés par le gouvernement. De nombreuses voix, notamment de gauche se sont
élevées pour dénoncer la sombre séquence dans laquelle une telle démarche
introduisait la France, « pays des lumières, des droits de l'homme et des
libertés ». Un tel choix n'est-il pas susceptible d'ouvrir un grand
boulevard à tous les liberticides rassemblés souvent en groupe de pression qui
courent le pavé français ?
L'époustouflante
séquence judiciaire que connaît cette affaire entre une justice administrative
qui autorise et un conseil d'Etat qui interdit ajoute de la confusion à cette
démarche. Il est vrai que Manuel Valls a remporté cette première manche en
affirmant que la République a gagné. Mais hélas, il n'est pas certain que le
perdant dans cette affaire soit celui qu'on croit. Dieudonné, qui avait jusqu'à
l'explosion de cette affaire une audience de niche relativement confidentielle,
est en train d'acquérir une popularité internationale qu'il peut mettre à
profit pour développer "sa petite entreprise". Sans parler du risque
déjà prouvé de le transformer en icône et en symbole de malaise et de
frustrations.
En montant
au créneau avec cette détermination, Manuel Valls avait pris un grand risque,
celui de se voir désavouer par une partie de la majorité dont certains sont
motivés par le désir de stopper son ascension et par une opposition de droite à
l'affût de la moindre dissonance pour stigmatiser la gouvernance de François
Hollande. Il est vrai que le conseil d'Etat est venu clôturer momentanément ce
bras de fer entre Valls et Dieudonné en faveur du ministre de l'Intérieur, et
par conséquent rajouter une strate supplémentaire à cette construction de
parcours et de légende qui se déploie en arrière-plan de cette bataille.
La gestion
de cette affaire Dieudonné par Manuel Valls et le gouvernement de Jean Marc
Ayrault a de fortes chances de se payer Cash dans l'opinion. Les séquences
électorales à venir qu'elles soient municipales ou européennes seront à n'en
pas douter des caisses de résonances de cette démarche. Ou l'opinion accrédite
Valls de cet engagement à lutter sans merci contre les semeurs de haines et
donc lui garantit un piédestal et une précieuse rampe de lancement vers
d'autres cieux encore plus brillants, ou elle le sanctionne d'avoir voulu jouer
à l’apprenti sorcier avec un des principes fondateurs de la démocratie
française qu'invoquent les avocats de Dieudonné : le sacré principe de la
liberté d'expression et de création.
D’après
Mustapha Tossa
Titre original : « Quand Manuel
Valls marche sur un fil de rasoir ! »
Source : AtlasInfo.fr 10
Janvier 2014
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