mardi 7 janvier 2014

Notre hommage à Jean Métellus


 
 
Jean Metellus, médecin, linguiste et poète haïtien, est mort le 4 janvier 2014. Il était né le 30 avril 1937 à Jacmel (Haïti). Après des études secondaires au Lycée Pinchinat de Jacmel, il enseigne d’abord les mathématiques au Lycée Célie-Lamour de sa ville natale entre 1957 et 1959, l’année où, fuyant la dictature de François Duvalier, dit Papa Doc, il émigre en France. Il y poursuit ses études à la Faculté des Sciences de Paris, puis à la Faculté de Médecine de Paris. Docteur en Médecine en 1970 et Docteur en Linguistique en 1975, il conjugue harmonieusement ses deux spécialisations dans son quotidien médical et littéraire qui lui ont valu la reconnaissance de sociétés savantes.
Marié à Anne-Marie Cercelet-Métellus, normalienne originaire de Metz, et père de trois enfants, Jean Métellus était médecin des Hôpitaux de Paris et exerçait au Centre Hospitalier Émile Roux en tant que neurologue spécialiste des troubles de la parole. Il était aussi professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris.
Conjuguant avec bonheur sa profession de neuro-linguiste et ses multiples activités littéraires de romancier, poète, dramaturge et essayiste, Jean Métellus était lauréat de l'Académie de Médecine en 1973, 1976, 1984 et de trois prix littéraires qui lui ont été décernés en 1982, 1984 et 1991.
 
D’après L’Humanité du 6 Janvier 2014
 
 

 
La deuxième mort de Charlemagne Péralte

(Un aticle de J. Métellus) 

C'est ainsi que Leslie Manigat, ancien président constitutionnel d'Haïti de février à juin 1988, professeur des universités, qualifie le reniement du prêtre Jean-Bertrand Aristide.

"Le cadavre de Charlemagne
fut crucifié et accroché à une porte…"
Charlemagne Péralte, le héros de la résistance haïtienne à l'occupation américaine de 1915 à 1934, reste inoubliable dans la mémoire des Haïtiens. Par son action et sa détermination, il a contraint les marines à une lutte difficile et meurtrière contre la guérilla rurale en Haïti. Nous n'avons pas besoin de rappeler ici que les troupes américaines en débarquant en Haïti se sont tout simplement emparées des 500.000 dollars de la banque haïtienne qui constituaient les réserves du pays et que ces troupes ont tué près de 20.000 Haïtiens durant leur séjour pour pacifier le pays ; nous nous contenterons de souligner que Jean-Bertrand Aristide a centré sa campagne électorale de 1990 sur le nom de ce héros, symbole de la fierté et de la dignité de l'Haïtien, à tel point qu'il signait ses lettres, proclamations et appels « Charlemagne Péraltement ». Cette expression était d'autant plus bienvenue que l'occupant américain ne lésina pas sur les moyens d'immortaliser malgré lui ce rebelle : le cadavre de Charlemagne fut crucifié et accroché à une porte par ses bourreaux le 1er novembre 1919.
Après le coup d'État du général Cedras, qui le contraignit à quitter le pays, Jean-Bertrand Aristide a sollicité et contribué à imposer un embargo dramatique à ses compatriotes, paralysant le commerce et acculant nombre d'Haïtiens à une mort lente.
Ramené dans le pays par plus de 20.000 marines le lundi 19 septembre 1994, appelé désormais « le lundi noir des patriotes », réinstallé dans le fauteuil présidentiel le 15 octobre suivant, Jean-Bertrand Aristide, qui prétendait transformer la misère en pauvreté digne, a bel et bien participé à la seconde mort de Charlemagne Péralte. Il raya désormais ce nom de son vocabulaire et n'évoqua plus jamais cette grande figure de notre histoire.
Nous voilà donc en présence d'un homme sans conviction, prêt à tous les compromis pour jouir du pouvoir et parader. Il n'a reculé devant aucune humiliation pour faire d'Haïti le Congo des Amériques, selon l'expression de l'ambassadeur de Colombie.
Cet homme a transformé son pays en plaque tournante de la drogue, profitant personnellement de la manne financière qu'apporte ce trafic. Critiqué par les étudiants, par les journalistes, par toutes les couches de la société, il n'a pas hésité à faire entrer ses « chimères » à l'université, provoquant des morts et des blessés.
Sous son gouvernement, le pays s'est enfoncé dans la misère économique. L'euphémisme de PMA pour désigner les pays les plus pauvres convient mal à la fierté de ceux qui sont conscients d'être les descendants des habitants de la perle des Antilles.
Prenant exemple sur le courage de Charlemagne Péralte, les Haïtiens doivent faire preuve d'un sursaut de patriotisme. Nous devons nous relever en corrigeant la déchéance géophysique de la déforestation, du déboisement catastrophique, de l'érosion galopante, de l'aggravation de la sécheresse, de l'asséchement des rivières, des avancées de la salinité dans les sols de plaine, des progrès de la désertification. Il faut éviter la débâcle économique, penser à l'alimentation de tous, à la possibilité de produire encore du bon café, de la canne à sucre et des denrées pour l'intérieur et l'exportation. Nous devons penser à alphabétiser véritablement le peuple et à relever le niveau de l'enseignement. 

Jean Métellus 


Source : L’Humanité 4 Mars 2004

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