Vojislav Seselj, leader
nationaliste serbe ayant obtenu 36 % des voix à l'élection présidentielle de
2002 et s'étant rendu de lui-même à La Haye le 24 février 2003, est en
détention préventive à la maison carcérale de Scheveningen depuis... dix ans.
C'est la détention préventive la plus longue du monde. Même sous Staline, Louis
XI ou Nabuchodonosor, les accusés avaient droit à un procès plus rapide. Je ne
vois, dans l'histoire du monde carcéral, que le Masque de fer pour être resté
enfermé sans jugement plus longtemps (trente-quatre ans). Les Romains
montrèrent autrefois le bon exemple en ne laissant pas traîner la procédure
avec Jésus de Nazareth. Lors de notre merveilleuse révolution de 1789, les
contre-révolutionnaires à particule ne subirent pas, comme aujourd'hui Seselj,
la torture d'une décennie d'attente. Le procès de Nuremberg eut lieu en 1945,
non en 1955, et pourtant les hauts dignitaires nazis avaient commis plus de
crimes que Seselj. Quand même.
Le président Laurent Gbagbo,
prisonnier de la soi-disant "communauté internationale", lui aussi en attente de jugement depuis plus de deux ans. |
Entre 2003 et 2007, l'acte
d'accusation à l'encontre de l'homme politique serbe sera modifié à plusieurs
reprises, sur la base d'articles de loi inconnus dans le droit international.
On reproche à Vojislav Seselj une incitation à la haine dont, hélas ! beaucoup
de ses propos guerriers, entre la fin du siècle dernier et le début de
celui-ci, témoignent. Il est aussi accusé d'« entreprise criminelle
concertée ». Selon Wolfgang Schomburg, juriste allemand ayant siégé comme
juge à La Haye de 2001 à 2008, une telle accusation n'existait pas en matière
de droit international : elle a été inventée par le TPI. Schomburg déclare que « l'entreprise
criminelle concertée » a été conçue pour "punir les gens qui pensent
de la même manière" au sein d'un peuple.
En août 2005, après deux ans
de détention et alors que son propre procès vient à peine de commencer, Seselj
témoigne à celui de Slobodan Milosevic, en faveur de ce dernier. En guise de
représailles la Cour lui retire, dès novembre 2006, le droit de se défendre
seul dans sa langue. On le lui rend le 8 décembre, après une grève de la faim
de l'accusé de dix-huit jours et les protestations du ministre russe des
Affaires étrangères. Le procès de Seselj reprend en 2007 – sa préventive dure
alors depuis quatre ans – avec l'audition de quatre-vingts témoins, qui mettent
l'accusation en difficulté. Nouvelle interruption. De 2009 à 2011, le leader
nationaliste est l'objet de trois procédures pour manque de respect à la Cour.
Il se voit infliger des peines de prison de treize mois pour chacun de ces
délits, alors que la peine moyenne encourue pour outrage est de trois mois.
Malade et affaibli, Vojislav
Seselj a fêté, le 24 février, ses dix ans de détention préventive. La
préventive à perpétuité : nouveau concept de la justice démocratique ? Je sais
que les salaires sont excellents au TPI, versés par l'Union européenne,
pourtant fort en difficulté sur le plan financier, avec une régularité et une
bonhomie enchanteresses, mais les juges de La Haye, les assesseurs, greffiers,
procureurs et autres procureurs généraux, sans oublier les avocats des victimes
comme ceux des accusés, devraient accélérer le mouvement judiciaire, car un
scandale leur pend au nez.
Patrick
Besson
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et
qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale,
pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire
et des Ivoiriens ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise
ivoirienne ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire