Vont-ils le crucifier ? |
Avec la grâce d’un
rhinocéros, une France aussi bavarde que vertueuse, à droite et à gauche, s’est
donc mis en branle contre un comique franco-camerounais. Suite à des propos
nauséabonds tenus non dans un média de masse mais dans un théâtre et
enregistrés subrepticement par un journaliste présent dans la salle, voilà le
ministre de l’Intérieur, celui qui peine à tenir ses banlieues où a été
comptabilisé un millier de véhicules incendiés le soir de la saint-Sylvestre (un millier de véhicules est
l’équivalent d’une chenille d’acier et plastique en flamme, d’une longueur de
quatre kilomètres. Le genre de pétard qui se voit depuis la lune), et la
ministre de la Justice, celle qui gère des prisons qui sont des dépotoirs,
comme le dénonce inlassablement la Cour européenne de justice, joignant leurs forces pour abattre la
bête immonde.
Déjà, l’un et l’autre préviennent que la tâche s’annonce
difficile, car le comique visé est retors ! Et, un malheur n’arrivant jamais
seul, l’armée française, actuellement immobilisée en Afrique subsaharienne, ne
pourra se joindre à l’opération. Avec tanks et Rafales, la mission "The
Killing of Dieudonné" aurait eu en effet gagné en efficacité.
Le gouvernement n'a aucune stratégie
Comment se peut-il que cette élite de premiers de la classe ne se rende
pas compte du ridicule dans laquelle elle patauge depuis quinze jours et de
l’abîme où l’entraîne Dieudonné ?
Un rigolo, radicalisé dans l’antisémitisme – mais qui a été le
seul comique, à ma connaissance, à faire un sketch brutal contre les islamistes
psychopathes suicidés sur les tours jumelles à New York le 11 septembre 2001,
quand des comédiens français se répandaient sur les plateaux de télévision
ânonnant qu’il s’agissait d’un complot fomenté par la CIA –, n’est pas
seulement en train de ridiculiser les ministères régaliens de la cinquième
puissance mondiale, dont les chefs gigotent comme des poulets décapités, mais
est surtout en train de fédérer autour de lui tout ce que le pays compte de
mécontents. Et ils sont nombreux les bougres, confrontés à l’incapacité du
gouvernement à mener des réformes courageuses, et d’une droite balkanisée
persuadée que le ridicule ne tue plus.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que le chef de l’État, non
content de s’être couvert de plumes et de goudron quand il s’adressait à
Leonarda – on a vu la réplique
que lui a servie la lycéenne –, dit à son tour publiquement l’aversion qu’il
éprouve pour le comique en question, et
prêche pour sa mise au silence.
Cette péripétie montre que ceux qui sont aux commandes du pays,
tout comme ceux qui prétendent les remplacer, n’ont pas de stratégie. Ça, on
l’avait relevé. Ni repères, notamment le plus important : le sens de la
dignité.
Les journalistes doivent taire leurs positions politiques
Enfin, si Dieudonné a franchi les limites de l’acceptable, on
apprécierait aussi que certains journalistes taisent leurs positions politiques
sur des antennes publiques qui ne leur appartiennent pas. Sans doute
s’imaginent-ils être la nouvelle génération de résistants contre la "bête
immonde", résistants non plus au Vercors mais à la Maison de la
radio.
Qu’ils sachent que leur engagement "citoyen" n’est la
plupart du temps qu’épais conformisme.
François Garçon (leplus.nouvelobs.com) |
François Garçon, Enseignant-chercheur
Tire original : « Hollande, Valls, Taubira et les médias :
quand Dieudonné tire tout le monde vers l'abîme »
Source :
nouvelobs.com le 06-01-2014
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