TRIBUNE –
Par Dominique de Villepin, ancien Premier ministre. A paraître demain dans le
JDD.
Le Mali,
pays ami, s’effondre. Les djihadistes avancent vers le sud, l’urgence est là.
Mais ne
cédons pas au réflexe de la guerre pour la guerre. L’unanimisme des
va-t-en-guerre, la précipitation apparente, le déjà-vu des arguments de la «
guerre contre le terrorisme » m’inquiètent. Ce n’est pas la France. Tirons les
leçons de la décennie des guerres perdues, en Afghanistan, en Irak, en Libye.
Jamais ces
guerres n’ont bâti un Etat solide et démocratique. Au contraire, elles
favorisent les séparatismes, les Etats faillis, la loi d’airain des milices
armées.
Jamais ces
guerres n’ont permis de venir à bout de terroristes essaimant dans la région.
Au contraire, elles légitiment les plus radicaux.
Jamais ces
guerres n’ont permis la paix régionale. Au contraire, l’intervention
occidentale permet à chacun de se défausser de ses responsabilités.
Pire encore,
ces guerres sont un engrenage. Chacune crée les conditions de la suivante.
Elles sont les batailles d’une seule et même guerre qui fait tache d’huile, de
l’Irak vers la Libye et la Syrie, de la Libye vers le Mali en inondant le Sahara
d’armes de contrebande. Il faut en finir.
Au Mali,
aucune des conditions de la réussite n’est réunie.
Nous nous
battrons à l’aveuglette, faute de but de guerre. Arrêter la progression des
djihadistes vers le sud, reconquérir le nord du pays, éradiquer les bases
d’AQMI sont autant de guerres différentes.
Nous nous
battrons seuls, faute de partenaire malien solide. Eviction du président en
mars et du premier ministre en décembre, effondrement d’une armée malienne
divisée, défaillance générale de l’Etat, sur qui nous appuierons-nous?
Nous nous
battrons dans le vide, faute d’appui régional solide. La Communauté des Etats
de l’Afrique Occidentale reste en arrière de la main et l’Algérie a marqué ses
réticences.
Un processus
politique est seul capable d’amener la paix au Mali.
Il faut une
dynamique nationale pour reconstruire l’Etat malien. Misons sur l’union
nationale, les pressions sur la junte militaire et un processus de garanties
démocratiques et de l’Etat de droit à travers des politiques de coopération fortes.
Il faut
aussi une dynamique régionale, en mobilisant l’acteur central qu’est l’Algérie
et la CEDEAO en faveur d’un plan de stabilisation du Sahel.
Il faut
enfin une dynamique politique pour négocier en isolant les islamistes en
ralliant les touaregs à une solution raisonnable.
Comment le
virus néoconservateur a-t-il pu gagner ainsi tous les esprits? Non, la guerre
ce n’est pas la France. Il est temps d’en finir avec une décennie de guerres
perdues. Il y a dix ans, presque jour pour jour, nous étions réunis à l’ONU
pour intensifier la lutte contre le terrorisme. Deux mois plus tard commençait
l’intervention en Irak. Je n’ai depuis jamais cessé de m’engager pour la
résolution politique des crises et contre le cercle vicieux de la force.
Aujourd’hui notre pays peut ouvrir la voie pour sortir de l’impasse guerrière,
si elle invente un nouveau modèle d’engagement, fondé sur les réalités de
l’histoire, sur les aspirations des peuples et le respect des identités. Telle
est la responsabilité de la France devant l’histoire.
Dominique de
Villepin
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compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source :
Connectionivoirienne.net 14 janvier
2013
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