De passage à Paris, où il
entame une tournée pour la sortie de son album « Talé », avec un concert prévu
le 6 février à l’Olympia, le chanteur malien Salif Keita parle de la situation
politique dans son pays. Interview.
Comment avez-vous accueilli l’intervention militaire
française ?
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Salif Kéita |
Comment se fait-il qu’il n’y ait, selon vous, plus
d’Etat ?
- Je crois qu’à quelque chose malheur est bon, cette
crise nous a permis de découvrir à quel point notre démocratie était un
mensonge et combien la classe politique était corrompue. C’est le problème
fondamental. On a compris que ceux qui nous dirigent n’aiment pas le Mali,
qu’ils sont mus seulement par leurs propres intérêts. Le pouvoir en place a
créé les conditions pour que les islamistes et les trafiquants s’installent
dans notre pays. Ils les ont laissés faire. On sait maintenant qu’il y avait
des connexions entre Bamako et les islamistes et narcotrafiquants, des
complicités. Nous savons désormais ce que valent tous ces hommes politiques.
C’est pour cette raison qu’on ne peut pas accepter qu’ils reviennent au
pouvoir. S’ils restent aux commandes, le Mali reprendra un mauvais départ.
C’est pour cela que le président de transition, Dioncounda Traoré pose
problème.
Que voulez-vous dire par « il pose problème » ?
- C’est vrai que Dioncounda Traoré, en tant que
président de l’Assemblée, devait légitimement devenir le président de la
transition. C’est la Constitution qui le dit. Mais il fait partie de cette
classe politique qui s’est discréditée aux yeux des Maliens. Il est le
président de la principale force politique du pays, l’ADEMA, qui fonctionne par
clientélisme, qui fonctionne comme une mafia, qui a participé à plonger le pays
dans le chaos parce que ses membres ne poursuivent que leurs propres intérêts.
Cette classe-là a perdu la confiance du peuple.
Avez-vous cru un jour dans la démocratie malienne ?
- J’y ai cru. Mais depuis l’indépendance, ceux qui ont
gouverné ce pays nous ont menti. Ils ont reflété un Etat qui en vérité
n’existait pas. Comment un pays peut-il être envahi aussi facilement ? C’est ce
qui nous a fait mal. La démocratie en elle-même est une bonne chose, mais, dans
le cas du Mali, elle a été utilisée comme un moyen d’exploitation du peuple.
Les Maliens sont analphabètes à 80%. Les gens qui votent pour des chemises, des
T-shirts, pour 1000 francs ne savent rien de l’immoralité de la classe
politique.
Vous comptez donc parmi les partisans du capitaine
Sanogo qui a fait le coup d’Etat du 22 mars ?
- Le coup d’Etat en soi n’est pas une bonne chose,
mais la situation était telle qu’il était nécessaire. Mais Sanogo n’aurait pas
dû laisser les hommes politiques responsables du naufrage de ce pays revenir
sur la scène. C’est la Cédéao (l’organisation régionale de l’Afrique de
l’Ouest, NDLR) qui le lui a imposé. Il n’aurait pas dû non plus continuer à
avoir un rôle politique en coulisse. Il aurait dû prendre modèle sur le Niger :
après son coup d’Etat, l’armée a tenu ses promesses en organisant des
élections. J’étais d’accord avec le coup d’Etat, mais pas avec son maintien au
pouvoir.
Que faudra-t-il faire pour résoudre la question du
Nord ?
- Il ne faut pas discuter avec les Touaregs. Les
Touaregs sont minoritaires, ils comptent pour à peine 5% de la population du
Nord. Il y a énormément d’argent qui a été versé au Nord pour créer des
infrastructures, ils bénéficient de quotas dans l’armée, la fonction publique.
Mais ils ne veulent pas être gouvernés par le pouvoir central qui est noir.
C’est pour cela qu’ils veulent un Etat indépendant : c’est le fond du problème.
Mais il faudra bien trouver une solution et donc
discuter…
- S’ils sont Maliens, qu’ils le restent, qu’ils vivent
et soient traités comme les autres Maliens. Il est hors de question de
privilégier une minorité, qui a en plus réduit en esclavage les Noirs.
Pensez-vous qu’il faudra poser la question du statut
de l’islam au Mali ?
- Le Mali est profondément un Etat laïc. Comme la
plupart des Maliens, je suis musulman. Mais on aime bien nos féticheurs, nos
chrétiens avec qui on a grandi en harmonie. Le Malien est un laïc.
Vous aviez essayé sans succès en 2007 de devenir
député. Aujourd’hui, envisagez-vous de nouveau de jouer un rôle politique ?
- Je ne suis pas un politicien. Je fais ce que je sais
faire : avec d’autres artistes on a ainsi organisé un concert à Bamako pour le
Nord et on a reversé l’argent pour aider les réfugiés. Je crois que le simple
fait d’aimer mon pays, de dénoncer et de dire au reste du monde ce qui s’y
passe peut être utile. Les atrocités que le Nord a subies, les humiliations,
les amputations, les viols, les destructions des mausolées des Saints, c’est
impossible de rester silencieux face à ça. Ces islamistes ont détruit la seule
source de revenu du Mali, le tourisme. Ils ont achevé de nous mettre à terre.
A qui donnerez-vous votre confiance lorsque les
élections seront organisées ?
- Il y a beaucoup de gens honnêtes qui
n’ont pas voulu se joindre à cette classe politique qui nous a tant nui. Il y a
par exemple IBK (Ibrahim Boubacar Keita, figure politique majeure au Mali,
NDLR), il est resté en dehors de tout ça, il s’était fait voler sa victoire
en 2007 (IBK avait alors contesté le résultat de l’élection qui avait
reconduit le président Amadou Toumani Touré, NDLR), il est très populaire.
Mais avant de faire des élections, il faudra que le pays soit sécurisé
en maraude dans le web
Sous
cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et
des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la
« crise ivoirienne ».
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Source : Maliweb.net 27 jan 2013
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