dimanche 27 janvier 2013

LE TREPIED DU RECIDIVISTE

Monsieur Youssouf Bakayoko, président de la commission électorale a coupé le ruban inaugural de la campagne électorale, vendredi en invitant les candidats à l’élection législative partielle à une campagne modèle ! Cela prêterait à sourire si ce n’était pas tragique de se souvenir des promesses passées d’élections transparentes et honnêtes et de se repasser mentalement le film des fraudes, exactions, crimes, puis le coup d’Etat mis en œuvre, parce que les menaces d’intimidation n’étaient pas suffisantes pour décourager le président Gbagbo !
Y. BAKAYOKO
A l’époque, nous étions alors en présence d’acteurs honnêtes pour les uns et corrompus pour les autres; mais entre temps le camp des gens civilisés n’est plus, mort, exilé où embastillé, et aujourd’hui, le camp des rebelles tente de se refaire une virginité en invitant à des élections législatives partielles, préparées par « une campagne civilisée », permettant « une supervision et une certification par les Nations Unies ». Les électeurs, les Ivoiriens et tous les naturalisés de la dernière heure remplaçant gaiement tous les disparus et les exilés vont se mobiliser massivement pour cautionner leurs bourreaux ! La consultation sera « apaisée et transparente », conformément « aux canons de la légitimité démocratique de nos élus », ces élus qui sont sortis victorieux des urnes avec des scores incroyablement bas, on parlait de 11 pour cent… et même moins de voix.
Effectivement « les canons de la légitimité démocratique » des nouveaux élus ont tonné, et l’Agence France presse ainsi que les médias ont cessé de compter les morts survenus après les fameux 3000 morts de la crise postélectorale, répertoriés dans toutes les dépêches et servis régulièrement, catéchisme asséné à coup de matraquage, laissant paraître que tous ces morts l’étaient par la faute d’un Laurent Gbagbo s’accrochant désespérément à un pouvoir qu’il avait perdu, alors que les urnes avaient parlé en faveur de son adversaire Alassane Ouattara ! Oui les canons, la grosse artillerie ont retenti des jours et des nuits durant, parce qu’une France et une communauté internationale ont préféré le vacarme et les lumières du bombardement du palais présidentiel occupé par un Président légalement investi par un Conseil constitutionnel reconnu et souverain. Oui les critères, les canons n’ont certainement pas été ceux de la démocratie et surtout ceux de la liberté, la liberté d’un peuple de disposer de sa souveraineté. Et les milliers de morts qui ont suivi n’ont pas été recensés, Duékoué, Nahibly, et j’en passe…Mais voilà ils ne votent pas, ils ne voteront plus, ils ne sont plus importants pour un régime qui les a assassinés !
Comment croire aujourd’hui ces mêmes acteurs en campagne, comment prendre au sérieux un Youssouf Bakayoko dans un rôle identique, qui au lieu de se mettre au service de son pays, avait proclamé des résultats biaisés depuis l’hôtel du Golf, et ce en dehors du temps, à lui imparti ?
Sa définition du triptyque de la démocratie ? « Une campagne électorale apaisée, un processus électoral respecté, un verdict accepté avec des élus reconnus »
En histoire de l'art, le triptyque est un ensemble décoratif composé d’un panneau central et deux volets mobiles qui généralement se rabattent sur le volet central pour le recouvrir. Si je reprend fidèlement l’image du spécialiste de l’art Youssouf Bakayoko, assurément un habitué des musées et des Eglises françaises dépositaires de nombreux triptyques, je dirais que « la campagne électorale apaisée » et « le verdict accepté avec des élus reconnus » constituent les panneaux latéraux du triptyque, encadrant le thème central, « un processus électoral respecté », et bien sûr les panneaux latéraux se rabattent sur « le processus électoral respecté » qui disparaît de notre vue ! Bonne image donc, mais je suppose qu’il voulait évoquer le trépied, tabouret à trois pieds, support de la démocratie ivoirienne, que l’on connaît bien, toujours instable, peu confortable, dont on risque à tout moment d’être éjecté, et aux pieds fragiles et trop écartés…
La dernière campagne électorale présidentielle est celle qui a coûté le plus cher, parce que vraiment elle se voulait – du côté de la Majorité Présidentielle –, honnête et transparente. Cela ne l’a pas empêchée de se transformer en une guerre parce que les dés étaient pipés d’avance et que ne devait sortir des urnes que Ouattara, l’économiste du FMI qui offrirait son pays d’adoption à tous les charognards blancs pour quelques applaudissements et une célébrité éphémère, celle d’un certain Empereur de Kong, dont le royaume est si petit que même son frère aîné, le maire de Kong n’a pu y avoir sa dernière demeure, mais a dû être enterré au cimetière municipal de Williamsville…
Campagne électorale express donc, pour saluer les généreux bailleurs de fonds et investisseurs potentiels allemands que l’on essaie de recruter après les français trop rétifs. Oui, il faut donner l’impression que la démocratie vit son rythme de croisière, que tout va bien, que tout se déroule selon « les canons de la légitimité démocratique de nos élus ». Les derniers évènements rocambolesques au Ghana, les enlèvements et tentatives d’enlèvement de personnalités de haut rang, les procès en cours, tout cela nous plonge dans « la promotion de la paix par le dialogue », le discours est saisissant ! Grâce à ces élections, le processus de démocratisation est en cours en Côte d’Ivoire ! Mais voilà, les caisses vides de l’Etat, malgré les emprunts faramineux, ont fait grimper le prix de toutes les denrées alimentaires, l’électricité, le gaz, les carburants n’ont pas été de reste, et ont connu aussi une hausse…
Alors que ces élections n’étaient pas une priorité du moment, face aux revendications salariales des fonctionnaires qui vont se mettre en grève et paralyser totalement le pays, notre économiste va gaspiller un peu plus l’argent dont il ne dispose pas, en préparant des élections qui ne mobiliseront que ses adeptes, et donner l’impression d’une normalité revenue : tous les réfugiées attendus fermement, – direction la case Prison du Monopoly géant qu’est la Côte d’Ivoire, où tout est à vendre et à acheter –, n’auront même pas le temps de rentrer, d’avoir leur carte d’électeur, et de voter ! Qu’à cela ne tienne, les électeurs en Côte d’Ivoire Nouvelle pourront voter plusieurs fois, face à des FRCI analphabètes qui ne distinguent pas une ordonnance médicale d’un laisser passer ou d’une carte d’électeur. Et on comprend mieux que Ouattara ne les envoie pas au Mali – si toutefois il daigne écouter ses chers frères et sœurs pour une fois – qu’après ces élections, car il a besoin d’eux pour mener cette « campagne civilisée », pour « une consultation apaisée et transparente » !

Shlomit Abel

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Source : La Dépêche d'Abidjan 27 Janvier 2013

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