Un symbole du pouvoir chez certains peuples de la Côte d'Ivoire |
A
quel titre ceux qui s’appellent – et qu’on appelle – les Ivoiriens sont-ils les
sujets et les acteurs de la politique en Côte d’Ivoire, le pays dont ils se
réclament les citoyens ? Serait-ce seulement en tant que simples
squatters, sans droit de propriété ? Ou serait-ce en tant qu’exécuteurs
testamentaires ou héritiers des anciens colonisateurs ? En un mot, les
Ivoiriens sont-ils une nation ? Autrement dit sont-ils, en tant que ses
habitants naturels, les souverains du pays qu’ils habitent ?
La
première fois que la question fut posée à des Ivoiriens, c’était dans les
années 1970, lors d’une enquête commandée à l’Institut d’ethno-sociologie de
l’Université d’Abidjan par le ministère du Plan. L’un des enquêtés, un
jeune ouvrier de niveau secondaire, y répondit ceci : « Oui, la Côte d’Ivoire
est une nation parce que nous avons les mêmes lois, la même histoire. » Pour certains de ceux qui
répondirent par la négative, « la
Côte d’Ivoire pourrait être une nation si le gouvernement entreprenait une
vaste campagne d’éducation des citoyens ; s’il faisait un effort pour que
le développement économique élimine les disparités régionales ; si les
Ivoiriens se trouvaient favorisés par rapport aux étrangers » ; car
« Il y a trop d’étrangers qui ont
des postes de commandement ; ils ont tout le pouvoir [et] il faudrait
aussi qu’il existe une langue nationale ou, au moins que trois ou quatre
dialectes soient retenus pour représenter les langues ivoiriennes. »[1]
Même pour ceux-là – et ils avaient au moins ceci en commun avec celui qui
croyait que les Ivoiriens étaient une nation –, il existe tout de même une
relation évidente entre le fait d’être ou de se dire Ivoirien, et
l’appartenance naturelle à un
territoire qui s’appelle la Côte d’Ivoire.
Si c’était à Houphouët que la
même question avait été posée, il aurait certainement répondu que non
seulement la nation ivoirienne n’existait pas, mais qu’elle n’existerait pas
avant longtemps ; que les Ivoiriens n’étaient qu’un ramassis de tribus
incurablement hostiles les unes aux autres, incapables de s’entendre pour
former une vraie communauté politique et, par conséquent, qu’ils étaient voués
à être éternellement dominés.
Cette fois encore, nous
partirons de sa fameuse sentence sur l’Etat et la nation, prise ici dans sa
toute dernière version : « Nous avons
hérité de la France, disait-il
en effet lors d’une de ses dernières conférences de presse, non pas d’une nation – la nation se
construit, c’est une œuvre de grande haleine –. Nous avons hérité d’un
Etat ; la Côte d’Ivoire a 68 tribus, qui ne se comprennent pas dans leurs
dialectes, qui ont des coutumes différentes, c’est grâce au français que nous
nous comprenons les uns les autres. »[2] Il est intéressant de rapprocher cette profession de foi d’un
propos presque contemporain
de Jacques Foccart : « On assiste en Côte d’Ivoire à une répartition de la richesse (…)
dont les Ivoiriens ont profité. Et cet enrichissement a contribué à la
réalisation du projet d’Houphouët de créer une nation. (…) En Côte d’Ivoire on
est Ivoirien (…) la Côte d’Ivoire est le pays africain où la nation est le plus
réelle, le plus tangible ».[3]
Cette affirmation totalement contraire au credo d’Houphouët – et tout aussi
erronée que lui –, montre bien le caractère fantaisiste de telles assertions. Sauf
que, dans le cas d’Houphouët, il semble que parfois il a réellement confondu
les notions d’Etat, de pays, et de nation. Ainsi, dans le passage
suivant, extrait de son discours du 7 septembre 1958, il emploi le mot « nation » alors que,
manifestement, ce dont il voulait parler, c’était l’Etat au sens de pays ; car c’est l’Etat entendu en ce sens
qui possède des frontières, non la nation : « Quand il revint en Côte d’Ivoire pour la campagne du
« oui » au référendum d’autodétermination, nous apprend Aristide
Zolberg, Houphouët-Boigny exhorta encore
une fois ses compatriotes à rejeter le nationalisme : "C’est en homme
libre qui estime qu’au moment même où les grandes puissances se refusent à
l’isolement, au moment où, par exemple, et il est bon de le rappeler, Français
et Allemands, par-dessus un grand fossé de sang, de sueur et de larmes, veulent
jeter un pont pour qu’ensemble et réconciliés, ils puissent avec les autres
Européens assurer, dans un ensemble politique et économique plus vaste, le
meilleur devenir de leurs nationaux, que j’ai déclaré que ce serait sortir de
l’histoire, aller à contre-courant, si, en Afrique notamment, nous devions
limiter notre évolution dans le cadre étroit d’une nation" ».[4]
Foccart et son masque ivoirien |
Ce n’était pas la seule ni la
première fois qu’Houphouët s’exprimait ainsi. Depuis 1960, et jusqu’à sa mort en 1993, il n’y a pas eu une
année où il ne tint pas à faire savoir que pour lui il n’existait rien qu’on
pût appeler la nation ivoirienne. Et chaque fois c’était quand les Ivoiriens
s’interrogeaient sur leur statut dans un pays où le nombre d’étrangers en
situation irrégulière s’accroissait d’année en année de façon exponentielle sous
l’œil indifférent des pouvoirs publics.
Pourtant, celui qui refusait obstinément
de croire à l’existence d’une nation ivoirienne ne s’en laissait pas moins
appeler le père de la nation par ses
courtisans qui, eux, ne semblaient pas douter qu’eux-mêmes et tous les autres Ivoiriens
étaient bel et bien cette nation dont il niait l’existence. Dire que la nation
ivoirienne n’existait pas encore et qu’elle restait à construire, à la rigueur
ce n’était pas vraiment grave, même si c’était évidemment absurde. Mais qu’Houphouët
persistât dans cette dénégation alors que ses courtisans unanimes l’appelaient le
père de la nation, c’est une attitude qui aurait dû leur mettre la puce à
l’oreille. Pourquoi une telle obstination de leur héros à ne pas vouloir
reconnaître une chose qui semblait tellement leur tenir à cœur et dont ils lui
attribuaient la paternité autant comme une manière de le glorifier que comme
une manifestation de leur impatient désir d’être reconnus comme les seuls
véritables citoyens de la Côte d’Ivoire ?
On aura
résolu l’énigme quand on aura compris que dans la fameuse sentence, les mots
les plus importants ne sont ni « Etat » ni « nation », mais « hérité
de la colonisation ». Derrière cette expression d’apparence anodine,
c’est toute une apologie du fantochisme. Un fantochisme cyniquement
assumé. Car ce qu’Houphouët voulait que nous comprenions, c’était que sa
légitimité procédait seulement du fait colonial, et qu’il n’avait par
conséquent aucune obligation, aucun devoir vis-à-vis de la Côte d’Ivoire ou
vis-à-vis de ses habitants naturels autres
que ceux dont se prévalaient déjà les colonisateurs dont il avait recueilli
l’héritage.
De
son point de vue, rien de plus logique au demeurant. Si on admet que, le 7 août
1960, il n’existait rien qu’on pût nommer la nation ivoirienne, l’indépendance de la Côte d’Ivoire proclamée ce
jour-là n’était qu’une pure fiction, puisqu’elle n’impliquait pas un rapport
naturel, nécessaire et immédiat, entre ce nouveau pays indépendant et un peuple
défini. Pas plus en tout cas que son existence antérieure comme colonie de la
France. Et l’indépendance n’ayant pas modifié le statut de la Côte d’Ivoire,
ses habitants naturels ne possédaient toujours pas de droits ni d’intérêts
exclusifs que lui, le chef de l’Etat hérité
de la colonisation, fût tenu de respecter, de protéger et de développer en
s’appuyant prioritairement et principalement sur leurs propres forces et sur
leurs propres ressources politiques, morales, intellectuelles. Et il était
normal que, dans sa fonction de chef de l’Etat, il s’envisageât non pas comme le
mandataire et le dirigeant d’un peuple indépendant et souverain, mais comme le
fidèle continuateur des gouverneurs français.
La
question de savoir si les Ivoiriens sont ou ne sont pas une nation n’est pas
une question banale, car c’est de la réponse qui lui fut donnée par
Houphouët, que découlèrent la nature, l’orientation et les méthodes de son
régime. Or, paradoxalement, sur cette question Houphouët a fait école jusque
parmi ceux qui se donnaient pour des adversaires résolus de son régime.
Ainsi de Laurent Gbagbo.
Dans le texte imprimé de son discours du 8 octobre 2002, il reprend
à son compte presque mot pour mot la douteuse sentence sur
« l’Etat » et « la nation » : « Souvenez-vous, nous avons des Etats, nous n’avons pas encore des
nations totalement construites ».[5]
Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas, dans le même discours, de s’écrier à
l’adresse des rebelles du MPCI : « Je
vous en conjure, au nom de la nation ivoirienne, au nom de l’Etat, etc. »
Il récidivera, en mars 2008, lors d’une entrevue avec la presse
francophone : « Dans nos pays,
ce ne sont pas des conflits pays contre pays, Etat contre Etat, mais des
conflits internes à cause du fait que les nations ne sont pas assez solidement
formées. »[6] Manifestement
L. Gbagbo non plus n’avait pas l’air de très bien savoir ce qui fondait sa
légitimité, ni au nom de qui il présidait la République de Côte d’Ivoire. A se
demander ce qui, en fait d’orientation ou d’objectifs politiques, ou même de
méthodes de gouvernement, le différenciait tellement d’Houphouët pour justifier
à ses propres yeux comme à ceux de ses partisans ses titres d’opposant historique et de « refondateur » ?
Même chose pour l’éminent
juriste Francis Wodié à qui l’on doit la seule œuvre théorique d’une certaine
ambition produite par un Ivoirien sur le système politique houphouétiste depuis qu’il est entré en crise.[7] Lui non plus n’a
pu éviter ce piège. Car, on va le
voir, il s’agit bien d’un piège. Dans son ouvrage, au fil d’un développement
passablement confus intitulé « La construction
de la nation », F. Wodié a manifestement quelques difficultés à
choisir franchement entre la fantaisiste notion houphouétienne de la
nation-qui-se-construit et le concept universel de la nation comme « groupe humain constituant une
communauté politique, établie sur un territoire défini (…), et personnifié par
une autorité souveraine ».[8] Après
avoir pratiquement repris à son compte le credo d’Houphouët en la
matière (« En Afrique, et donc
en Côte d’Ivoire, l’Etat précède la Nation. L’Etat existe (préexiste), la
Nation est à construire. Il appartient à l’Etat de construire la Nation qui,
dans ce mouvement, est, ici, personnifiée par le "père de la
Nation". » [Page 66]), il semble soudain comme pris de
scrupules (« Comment
pourrions-nous, juriste, donner l’Etat comme l’incarnation ou la
personnification de la Nation (peuple), sans que celle-ci lui soit au moins
concomitante ou consubstantielle ? » [Page 67]). Mais,
décidément, il n’est pas si facile de trancher cette question (« En Afrique, comme ailleurs, l’Etat ne
peut exister sans un embryon de Nation qui lui donne une substance. Le travail
de décolonisation est aussi celui de l’accouchement de la Nation. (…). L’Etat
est un moule, la Nation doit être la matière à laquelle il donne une forme.
(…). La Nation se vide ou se remplit de la politique qui est conduite par
l’Etat (le pouvoir) et qui lui donne de la consistance ou lui en retire. »
[Page 67]).
Il
est clair que F. Wodié ne partage pas du tout le point de vue d’Houphouët et de
ses disciples, mais il s’est en quelque sorte piégé lui-même en voulant raisonner
à partir de l’énoncé houphouétien sans avoir suffisamment pris garde aux
arrière-pensées nauséabondes qui la sous-tendent. Son embarras, manifeste dans
ces pages est un signe indirect du malaise qui règne aujourd’hui parmi les
Ivoiriens sur la question de savoir ce qu’ils sont, si et dans quelle mesure
leur pays est encore vraiment le leur, et s’il est réellement indépendant et
souverain.
Les seules
réponse possibles à ces questions, évidemment chaque politicien ivoirien les
connaît, et en même temps tous ont bien garde de les formuler autrement qu’à
mots couverts ou codés, tel l’« ivoirité » par exemple, un
mot camouflage, simple biais pour corriger sans en avoir l’air les dangereux
déséquilibres démographiques dus à la politique migratoire hyperlaxiste
d’Houphouët, mais qui ne trompa pas la vigilance de Big Brother, et que celui-ci
n’eut aucune peine à retourner contre ses inventeurs un certain 24 décembre. Comme
quoi, en politique comme à la guerre, il vaut mieux s’assurer des points
d’appui solides sur le terrain, ou dans l’opinion, que de tout miser sur la
ruse…
L’apparente
confusion qui enveloppe le sens des mots nation
et Etat, et par voie de conséquence
les notions d’indépendance et de souveraineté nationale, ne devrait pas
nous cacher l’essentiel, à savoir que, si l’on en parle tant, même en les
confondant, c’est parce que à la fois on ressent très fort la nécessité d’un inventaire
exhaustif de l’héritage d’Houphouët, afin si possible d’y séparer le bon grain
de l’ivraie, et on craint d’offusquer ceux qui, à Paris notamment, considèrent
toute critique d’Houphouët comme le prélude d’un attentat contre leurs intérêts
nationaux.
Cependant, la Côte d’ivoire n’est certainement pas vouée à rester éternellement
la chasse gardée d’un autre pays, fût-il celui qui l’a créée en vue d’en faire
une colonie d’exploitation. Le jour viendra forcément où il faudra bien que
nous posions la question de notre dépendance persistante vis-à-vis de la France
dans ses termes véritables, si nous voulons vraiment nous donner les meilleures
chances de lui trouver une solution définitive.
Certes, il est vrai que de la colonisation nous n’avons pas hérité
d’une nation ! Aussi bien le principal souci des colonisateurs/décolonisateurs
français n’était-il pas de consacrer nos droits sur notre terre ancestrale,
bien au contraire ! : « Dans la
période néocoloniale comme dans la période coloniale, les anciens pays
colonisateurs et en particulier [la France], se sont beaucoup plus préoccupés
de poursuivre l’écrasement ou, à défaut d’y parvenir, la marginalisation, des
véritables sujets collectifs africains, plutôt que de négocier avec eux. »[9]
Et, si la nation ivoirienne existe tout de même – car elle existe bel et bien
–, c’est bien malgré eux. Pour la même raison, il n’est pas plus juste de dire
que nous en avons hérité d’un Etat, à moins de vouloir confondre les mots Etat et territoire. C’est, à la rigueur, d’un territoire que nous avons
hérité et non pas d’un Etat. Et encore serait-il plus exact de dire que nous en
avons hérité des frontières ; car le territoire, lui, était déjà notre
apanage. Il est vrai que le transfert de la souveraineté de ce territoire – ou
de ces frontières – aux Ivoiriens le 7 août 1960 ne fut qu’un simulacre, mais,
si la nation ivoirienne n’existait pas avant cette date, au nom de quoi, ou de
qui, a-t-on proclamé l’indépendance de la Côte d’Ivoire ce jour-là ?
Si les mots ont un sens, dire que la nation est à construire,
c’est seulement postuler que la conscience d’être une nation, c’est-à-dire
d’être collectivement l’unique souverain légitime dans un pays donné, n’existe
pas encore chez la plupart de ses habitants naturels, mais non que la nation
n’existe pas. Construire la nation, ce serait donc, à la rigueur, contribuer à
leur faire prendre conscience qu’ils sont la nation, le souverain. C’est
d’ailleurs ce que Houphouët a sans doute voulu dire quand, un autre jour, il
proféra cette lapalissade : « Sans
nation, l’Etat est fragile ». Sans « nation » ? Il
aurait dû dire : sans un peuple conscient de ses droits et connaissant ses
devoirs, et surtout capable de jouir des uns et de s’acquitter des autres,
l’Etat est fragile. Que penser de la cohérence d’un chef d’Etat qui savait
cela, et qui s’acharna dès le premier jour de l’indépendance à diluer la nation
ivoirienne en y intégrant Pierre et Paul au mépris des lois, et au risque de
faire douter les citoyens naturels
que la Côte d’Ivoire était, d’abord, leur patrie ?
La nation, ce n’est
pas autre chose que la société civile
– ou que la société politique, si on
préfère le dire en grec plutôt qu’en latin –, en tant qu’elle est capable au
sens commun comme au sens juridique, et d’agir en son nom propre et de se faire
connaître et reconnaître comme telle. L’existence de la nation ne dépend pas du
bon vouloir de ceux qui la constituent ni, a fortiori, du bon vouloir d’un seul
d’entre eux si prestigieux soit-il, mais de l’histoire dont ils sont ensemble
les acteurs et les sujets, et même si hic
et nunc tous n’en ont pas une conscience claire. En tout cas, la nation
n’est pas une chose qui se construit ; elle est ou elle n’est pas, mais
elle est nécessairement partout où des hommes et des femmes vivant la même
histoire sur le même territoire, se revendiquent solidaires et agissent en
conséquence. Certes, avant 1893 et la création, par les colonisateurs français,
d’un territoire de ce nom, il n’existait pas une nation ivoirienne sur
l’emplacement de l’actuelle Côte d’ivoire ; et il n’a pas suffi de cette
création pour que, du jour au lendemain, une nation ivoirienne existât.
Mais, un demi-siècle plus tard, en 1945, c’est bien la nation ivoirienne qui a
envoyé Houphouët siéger comme son représentant à l’Assemblée constituante.
Certes,
pour une nation, ce n’est pas le tout d’exister. Il lui faut être reconnue et
respectée, ce qu’elle ne peut être qu’autant qu’elle est capable de protéger
par ses propres moyens ses intérêts moraux, physiques et matériels à
l’intérieur comme à l’extérieur de son territoire. En d’autres termes, pour
exister pleinement, une nation doit être capable de créer chez elle et autour
d’elle les conditions nécessaires pour être respectée par les autres nations.
C’est le rôle et la fonction de l’autorité souveraine qu’elle se donne quand
elle en a le pouvoir, et qui s’appelle l’Etat.
Qu’est-ce en effet
que l’Etat ? C’est l’ensemble des moyens qu’une nation souveraine se
donne, soit pour augmenter sa capacité, soit pour se protéger, soit pour
organiser ses relations avec les autres nations. En un mot, c’est l’instrument
de sa souveraineté. Un instrument qui ne saurait jouer efficacement son rôle
qu’en s’appuyant, prioritairement et résolument, sur les forces physiques et
spirituelles propres de la nation qu’elle représente. Raison pour laquelle la
notion houphouétienne d’un Etat hérité de la colonisation est doublement
absurde. Premièrement, elle est contradictoire avec l’idée d’indépendance et de
souveraineté nationale. Deuxièmement, elle est contradictoire avec la réalité
tout court. Car il n’y avait pas un Etat propre à la colonie de Côte d’ivoire,
et qui aurait pu être légué à la Côte d’Ivoire indépendante, mais un Etat
français dont la souveraineté s’exerçait sur la Côte d’Ivoire comme sur les
autres colonies de la France aux quatre coins de la planète, depuis un
ministère sis à Paris. Mais un tel Etat eût-il
existé que cette histoire d’en hériter n’en serait pas moins une pure ineptie. Dire
d’une nation qui devient libre après une servitude plus ou moins longue que
l’Etat dont elle se dote est un héritage de ses anciens dominateurs, c’est dire
que cette nation devient son propre oppresseur.
Mais, à bien
réfléchir à tout ce que les Ivoiriens ont subi depuis la soi-disant
décolonisation, ne serait-ce pas là, l’explication de tous leurs
malheurs ?
Marcel Amondji
[1] -
Ministère du Plan/Université nationale de Côte d’Ivoire. Institut
d’ethno-sociologie : Besoins
culturels des Ivoiriens en milieu urbain. Enquêtes ponctuelles. Abidjan,
mars 1975 ; pp. 212 et 215.
[2] -
Fraternité Hebdo du 15/03/1990. P.
10.
[3] - Foccart parle.
Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome
2, Fayard/Jeune Afrique 1997 ; pp. 102-103.
[4] - D’après A.
Zolberg, One-Party Government in the
Ivory Coast, Princeton University Press 1964 ; p. 233-234.
[5] -
Notre Voie 09 octobre 2002.
[6] -
D’après l’AFP 14 mars 2008.
[7] - Institutions politiques et droit
constitutionnel en Côte d’Ivoire, Presses universitaires de Côte
d’Ivoire (PUCI), Abidjan 1996.
[8] -
Le Petit Robert.
[9] -
J.-P. Rey, « Le retour du
sujet », in Cahiers du GEMDEV
N° 19, fév. 1993; p. 79.
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