Louise Mushikiwabo |
La France
doit « regarder la vérité en face » concernant son rôle dans le
génocide de 1994 au Rwanda, a estimé dimanche la ministre rwandaise des
Affaires étrangères, ajoutant que Kigali ne pouvait s'entendre avec Paris au
détriment de l'histoire.
Louise Mushikiwabo a estimé « injustifiée »
la décision française d'annuler sa participation lundi aux cérémonies marquant
le 20e anniversaire du génocide. Paris a pris cette décision en
réponse aux propos du président rwandais Paul Kagame qui a accusé dans une
interview la France d'avoir joué un "rôle direct dans la préparation du
génocide" et d'avoir participé "à son exécution même".
"Pour que nos deux pays commencent
réellement à s'entendre, nous allons devoir regarder la vérité en face, la
vérité est difficile, il est compréhensible qu'il soit très difficile
d'accepter la vérité d'être proche de quelqu'un associé au génocide", a
déclaré Mme Mushikiwabo qui s'exprimait à Kigali lors d'un forum international
au Parlement.
"Il est impossible pour nos deux
pays d'avancer, si la condition est que le Rwanda doive oublier son histoire
pour s'entendre avec la France (...) Nous ne pouvons avancer au détriment de la
vérité historique du génocide", a-t-elle poursuivi.
Mme Mushikiwabo a ensuite estimé devant
la presse que les propos de M. Kagame dans l'hebdomaire Jeune Afrique paru
dimanche, n'étaient "ni nouveaux, ni surprenants". "Ce que je
dis c'est que la réaction (française) à un commentaire qui a été fait plusieurs
fois auparavant par le président (...) est une réaction excessive",
a-t-elle expliqué aux journalistes.
"C'est malheureux parce que
l'histoire est l'histoire", a poursuivi la ministre, estimant que "le
peuple français en général ne devrait pas être tenu dans l'ignorance de ce que
certains responsables français ont fait" au Rwanda.
La décision de Paris d'annuler sa
participation aux commémorations officielles des 20 ans du génocide au Rwanda
marque un nouveau coup d'arrêt à la normalisation des relations entre les deux
pays, empoisonnées par le soupçon malgré la réconciliation officielle de 2010.
La France était en 1994 une alliée du
régime extrémiste hutu à l'origine du génocide qui a fait environ 800.000 morts,
essentiellement dans la minorité tutsi, entre avril et juillet, et le rôle des
autorités françaises de l'époque reste controversé.
Dans cette interview à Jeune Afrique,
parue la veille du lancement des commémorations officielles, M. Kagame accuse
notamment des soldats français d'avoir été non seulement "complices"
mais aussi "acteurs" des massacres.
A Paris, Romain Nadal, porte-parole du
ministère des Affaires étrangères a déclaré dimanche que la France était
"surprise" par les accusations du président Kagame qui sont en
"contradiction avec le processus de réconciliation et de dialogue
engagé" entre les deux pays.
"Mais nous tenons à dire
aujourd'hui que la France s'associe au deuil des familles des victimes et
qu'elle s'incline devant la mémoire de toutes les victimes de ce génocide. Nous
continuerons à l'avenir à faire le travail de mémoire pour perpétuer le
souvenir de ce génocide", a-t-il ajouté.
Source :
AFP 06/04/2014
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