Dans la nuit du 8 au 9 avril 2011, l’armée française
intensifiait ses frappes contre la résidence officielle du président Gbagbo.
Retour sur une offensive meurtrière dont la nation ivoirienne porte encore les
traces indélébiles.
La résidence officielle du président de la
République de Côte d’Ivoire
éventrée et incendiée par les bombes
franco-onusiennes.
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« J’ai été
arrêté dans les décombres de la résidence officielle du chef de l’État qui a
été bombardée du 31 mars au 11 avril. Le jour de l’assaut final, une
cinquantaine de chars français ont encerclé la résidence. C’est l’armée
française qui a fait le travail ».
Ces propos ont été tenus par le président Laurent Gbagbo lors
de l’audience de sa première comparution devant la Cour pénale internationale
(CPI), le 5 décembre 2011. Juste quelques jours après sa déportation à la
prison de Scheveningen, à La Haye, par Alassane Ouattara.
A quelques jours de la date du 11 avril, trois ans après, les
Ivoiriens sont envahis par les souvenirs à la fois douloureux et émouvants du
bombardement de l’armée française sur la résidence officielle du président de la
république de Côte d’Ivoire. Las d’attendre la chute de Gbagbo malgré le
soutien militaire énorme qu’il apporte à l’armée de son ami Ouattara, appuyés
par l’Onuci, le président français Nicolas Sarkozy engage officiellement ses
troupes dans la bataille. Des hélicoptères de l’armée française bombardent jour
et nuit la résidence où se trouvent le président Gbagbo, sa famille et ses
proches. Dans un communiqué publié le samedi 9 avril 2009, le porte-parole du
gouvernement Aké N’Gbo, l’ex-ministre Ahoua Don Mello dénonçait l’activisme de
l’armée française. « A Abidjan, tous les
sites stratégiques de l’Etat ont été pilonnés par les hélicoptères et les chars
de l’onuci et de Licorne : Camp d’Akouédo et d’Agban, Ecole de Gendarmerie, la RTI,
le Palais Présidentiel, la résidence officielle du chef de l’Etat. Les Forces de
Défense et de Sécurité ont fait preuve d’héroïsme en mettant en déroute le trio
Onuci-Licorne-rebelles sur les champs de bataille. Après l’échec du trio, la force
Licorne fait main basse sur l’aéroport et déroule une nouvelle phase de son
engagement en faisant débarquer, dans la nuit du 2 au 3 avril, 7 Transalls de
l’armée française transportant un régiment de plus de 700 bérets verts de la
légion étrangère française avec de nouveaux chars, des caisses de munitions et
d’armes. Le prétexte servi au monde est la récupération des ressortissants français
vivant à Abidjan et à l’intérieur du pays. » Au cours de cette nuit de feu,
les forces françaises Licorne ont largué des dizaines de bombes sur la résidence
du Chef de l’Etat, la Radio et la Télévision ivoiriennes, sous le prétexte de
la destruction des armes lourdes. Toute la nuit, les hélicoptères ont
transporté et positionné des troupes rebelles en des endroits stratégiques,
situés à proximité des sites à attaquer.
Les jours passent sans que le président Gbagbo dont la tête
était mise à prix ne cède comme l’espéraient Sarkozy, Ouattara et leurs alliés.
Sur le plan social, c’est la catastrophe. La situation devient
pénible, les conditions de vie de plus en plus difficiles pour les populations
enfermées chez elles. Sans possibilité de s’approvisionner en vivres. Les
malades meurent dans les hôpitaux, sans soins ni médicaments, à cause de la
décision de la fermeture des ports ivoiriens et de l’interdiction d’importation
des médicaments prise par Alassane Ouattara alors reclus au Golf hôtel d’où il
pilotait les attaques contre les institutions de l’Etat. Les populations sont
livrées aux pillards constitués des forces pro-Ouattara et des prisonniers qui
ont été libérés tout le long de leur parcours, du nord du pays à la capitale économique,
Abidjan. C’est dans ce contexte que, dans la nuit du 8 au 9 avril 2011, « le ballet aérien des hélicoptères des
forces Licorne, le transport et le positionnement des troupes rebelles, le largage
de bombes, sur la résidence du Chef de l’Etat ont repris de plus bel ». Jusqu’au
11 avril, où le président Gbagbo, son épouse, son fils et ses proches qui
étaient avec lui ont été arrêtés par l’armée française, plus rien n’arrêtera la
machine à tuer de Sarkozy. Pas même les nombreux résistants aux mains nues, des
centaines de jeunes, hommes et femmes, qui campaient devant la résidence de la
présidence Gbagbo, qui ont été bombardés par les hélicoptères de la Licorne.
Par Emmanuel Akani
Titre original : « Bombardement
de la résidence de Gbagbo - Il y a 3 ans, l’armée française "faisait le
boulot" ».
Source : Le Nouveau Courrier 09 Avril 2014
d
TÉMOIGNAGE
Exécutés parce que
c’étaient des étudiants
« Etudiants », donc forcément
« membres de la FESCI » et « pro-Gbagbo »
|
Témoigner au nom
du devoir du mémoire. Trois ans exactement après les faits, un citoyen
ivoirien, qui habitait dans le quartier de la Riviera 3, dans le voisinage de
l'hôtel du Golf (siège provisoire de la « présidence » d'Alassane
Ouattara durant la guerre postélectorale), a fait parvenir à la rédaction du
Nouveau Courrier des images inédites des atrocités de l'époque, et nous a fait
part de son récit. Un récit édifiant sur la réalité de la violence
indescriptible qui s'était abattue, début avril 2011, sur une capitale
économique ivoirienne soumise aux pillages et aux exécutions sommaires de tous
ceux qui avaient la malchance d'avoir « l'air » de pro-Gbagbo et de
tomber sur les plus zélés des FRCI ainsi que de leurs mercenaires étrangers.
Les photos que notre témoin a prises sont dures, mais nous sommes dans l'obligation de les publier, face aux dénégateurs patentés des évidences. Elles montrent cinq jeunes hommes vêtus de jeans et de tee-shirts. Un seul d'entre eux est rasé de près (en effet, la « boule à zéro » était, en ce temps-là, le signe que la personne qui la « portait » avait été volontaire pour se faire enrôler dans l'armée et méritait la mort juste pour cela). Deux d'entre eux portaient sur eux des documents signalant leur statut : « étudiant ».
« Etudiants », donc forcément « membres de la FESCI » et « pro-Gbagbo », dans la mesure
où les bureaux de vote situés au sein du campus universitaire ont accordé près de 70% de suffrages au cofondateur du FPI. Ces deux jeunes hommes s'appelaient, on peut le lire sur leurs « pièces », Stéphane Alexandre Dion et Omer Koudougnon. Le premier était né à Daloa et le second à Abidjan/Adjamé. Dion était étudiant à l'Institut national supérieur d'art et d'action culturelle (INSAAC). On ne sait pas dans quelle filière était inscrit Koudougnon, dans la mesure où il était porteur d'une attestation d'identité, indiquant qu'il habitait à « Cocody Campus ».
« J'habitais durant cette période dans le périmètre du camp de l'ONUCI à la Riviera 3. La zone qui allait de mon domicile jusqu'à l'hôtel du Golf, via Mpouto, était contrôlée par les FRCI. C'est en allant chercher à manger que nous avons vu ces corps au carrefour Jacques Prévert dans la journée du 9 avril. Les riverains ont expliqué que ces jeunes gens, raflés dans plusieurs endroits à Abidjan, ont été débarqués d'un camion FRCI et tués à l'endroit où les corps ont été trouvés. Je peux affirmer que les seuls militaires qui paradaient sur la grande voie de la Riviera 3 étaient des FRCI. Leur barrage se situait même à environ 100 mètres du crime », indique au Nouveau Courrier l'auteur de ces images.
Qu'est-il advenu des dépouilles de ces infortunés ? « Leurs corps ont été brûlés quelques jours après ». Il espère notamment que « les parents du jeune avec la carte d'étudiant sauront un jour grâce au Nouveau Courrier comment leur fils est mort ». Il poursuit : « Je me pose encore la question de savoir qui a établi le nombre de 3000 morts durant la crise post-électorale. Car les morts comme ceux de la Riviera 3, il doit y en avoir beaucoup ».
Cette histoire qui, en réalité, est une histoire parmi tant d'autres, nous permet de nous rendre compte que trois ans après les faits, aucun dispositif transparent n'a été mis en place, notamment par la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), pour enquêter sur l'identité précise de chacun des infortunés qui ont perdu la vie durant ces jours de feu et de sang. La Commission d'enquête (?) mise en place par le régime s'est contentée de livrer des chiffres destinés à faire admettre l'idée selon laquelle le « camp Gbagbo » a plus tué que le « camp Ouattara ». Sans rendre publics des noms. Sans se soucier de ceux qui continuent d'espérer, malgré tout, que leur enfant, raflé dans la rue ou à leur domicile, est vivant quelque part.
Par Philippe Brou
Titre original : « De nouvelles images témoignent des crimes impunis des FRCI. "Ils ont été exécutés parce qu'ils étaient des étudiants" ».
EN MARAUDE DANS LE WEB
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cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui
ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : Le Nouveau Courrier 09 Avril 2014
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