Un article d’Emile
Lahoud, ancien président de la République libanaise.
La « souveraineté nationale »
n’est pas une vaine expression servant à disserter sur les textes de toutes
sortes de chartes et de constitutions. Elle est synonyme du concept de l’État,
lequel se fonde sur un territoire, un peuple, une doctrine nationale ou un système
politique.
La souveraineté suppose la
« force », parce qu’aucun État n’est souverain s’il ne justifie des
raisons de cette souveraineté sur son propre territoire, tout autant que face
aux autres États. Autrement dit, nul État n’est à même d’imposer le respect de
son indépendance, de sa libre décision, de l’intégrité de sa terre et de son
peuple, s’il ne dispose de la force capable de dissuader toute agression
d’où qu’elle vienne et de quelque nature qu’elle soit.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le concept de Souveraineté
nationale s’est confondu en quelque sorte avec la « Légitimité
internationale », du fait de la création de l’Organisation des Nations
Unies et de sa Charte constitutive qui réaffirme la souveraineté de chaque État
et son droit à se défendre en cas d’agression, comme elle réaffirme le droit à
l’autodétermination en vertu duquel chaque peuple se détermine librement au
sein d’une patrie correspondant à un « État reconnu ».
Partant de là,
qu’en est-il de la souveraineté libanaise ?
L’histoire moderne du Liban – c’est-à-dire
depuis sa libération du mandat français – indique que le concept de
souveraineté a périodiquement varié sans jamais prendre racine sur les deux
piliers de la force et de la doctrine nationale, tant et si bien que certains
en sont arrivés à déclarer que « la force du Liban résidait dans sa
faiblesse » ; ce qui signifie que, pour ces gens-là, la souveraineté
n’est que jeu de mots, distanciation, ou apparence n’ayant rien à voir avec la
dignité d’une nation.
Cette approche ne tient plus depuis que
le Liban est tombé dans le feu allumé et nourri par le conflit israélo-arabe,
notre ennemi usurpateur ayant interprété notre souveraineté de cette même
façon. Il s’est autorisé à s’approprier notre terre ainsi que nos richesses
naturelles. Il a frappé notre peuple pacifique en détruisant nos
infrastructures lors de « promenades militaires » censées assurer le
confort à ses troupes.
Mais le peuple s’est réveillé du sommeil
dicté par les théoriciens de la prétendue « faiblesse protectrice »
pour suivre les voies de la Résistance et de son Droit
naturel à se défendre lui-même, à défendre sa terre, et à défendre sa
souveraineté. Un droit confirmé par les conventions internationales et
régionales, y compris par la « Charte arabe des droits de l’homme ».[1]
Ce peuple a soutenu sa valeureuse armée
dont la doctrine s’est édifiée sur la base du « Connais ton
ennemi » ; à savoir, l’entité ennemie usurpatrice et le terrorisme.
C’est ensemble qu’ils ont repoussé l’agresseur, et c’est ensemble qu’ils sont
sortis victorieux lors d’une formidable épopée libératrice offrant à la nation
arabe, toute entière, une première victoire historique dans son
conflit avec l’entité usurpatrice : la libération, par la force, d’une
terre arabe précieuse au Sud-Liban et dans sa Bekaa occidentale en 2000,
suivie d’une victoire écrasante contre
l’agression israélienne en 2006.
Ces actions nationales et fondamentales,
d’une grande qualité, ne peuvent permettre que quiconque nous ramène en
arrière, ni permettre de nous priver de la saveur de nos droits nationaux
récupérés à bout de bras par les héros de l’Armée et de la Résistance.
Tel est ce peuple tenace auquel les
responsables, chargés de la gestion de ses affaires, devraient témoigner
beaucoup d’admiration et de fierté au lieu d’user d’une phraséologie
métaphorique issue de concepts erronés de la souveraineté nationale, qu’ils
prétendent défendre. Étranges, les méthodes de ces gens qui professent une
politique apaisante convenant aux juges de paix mais répugnantes pour les
peuples victorieux de leurs ennemis !
La force ne signifie pas la loi de la
jungle. Elle est l’un des éléments de la dignité et de l’invulnérabilité de
l’État, si nous réussissons tous ensemble à la maintenir et à nous abstenir de
la disqualifier par une argumentation bancale et douteuse.
Il est très dangereux de détourner ou de
dissimuler le vrai concept de notre souveraineté nationale, d’autant plus que
ce concept a prouvé sur le terrain qu’il était le plus approprié, le plus sûr,
et le plus efficace, pour repousser l’agression et permettre à notre peuple d’aller
plus loin, la tête haute.
La soumission est synonyme
d’humiliation. Celui qui a refusé l’ignominie et qui a pratiqué la dignité, nul
ne pourra le ramener aux époques de l’humiliation nationale. Et si le destin
d’un peuple est de résister et de se fortifier par lui-même, c’est bien parce
que la soumission qu’il endure le concerne en premier.
Aujourd’hui, c’est la Syrie qui donne un
sens supplémentaire à la notion de souveraineté en résistant face à une guerre
universelle menée contre l’État syrien, aussi bien à l’intérieur de ses
frontières que dans les forums internationaux et régionaux.
Mais c’est le terrain qui dicte sa loi
dans ce pays frère et le plus proche de nous. Son peuple s’est rassemblé autour
de ses dirigeants fermement décidés à gagner la victoire, et autour de sa
vaillante armée qui écrit avec le sang de ses martyrs et de ses blessés une
épopée mémorable, qui entrera dans la légende pour raconter la défense de sa
terre et de sa souveraineté.
La trahison des tenants de
l’Ottomanisation, par le terrorisme, ont remporté un succès temporaire
contre la ville de Kessab et ses habitants.[2] Nombre d’entre eux
sont d’authentiques Syriens pacifiques d’origine arménienne, une
communauté qui a connu les massacres dont ils ont été
capables à une époque que nous pensions révolue.
Mais Kessab résistera contre cette
nouvelle agression ottomane et ses terroristes férus d’assassinats et de
destruction. Elle témoignera du concept de la souveraineté nationale ancré dans
chacun des citoyens de ce peuple luttant contre l’injustice et l’agression.
Puisse Dieu aider les âmes faibles, pour
qu’elles réussissent à se débarrasser du fléau de la peur et s’habituer à
l’ombre qui ne cache pas la lumière du soleil.
Titre original : « Liban : la souveraineté
nationale entre le vrai et le faux ! »
(Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal)
Notes :
[1] La Charte arabe des
droits de l’homme
[2] Des activistes turcs
condamnent les attaques en cours à Kessab
Source : Al-Binaa [Quotidien
libanais] 25/03/2014
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