« Le coup d'Etat le plus bête du monde » a connu son
épilogue avec l'arrestation du général Gilbert Diendéré, alias Golf. Ombre
fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré durant 27 ans, celui-ci avait su
garder son sang-froid en tout temps...
Sauf que cette fois-ci, piqué par on ne sait quelle mouche
suicidaire, il a perdu son self-control en cédant à la tentation du putsch.
Commencé comme une prise d'otage, ce coup de force n'est au final que le
couronnement d'un bras de fer entre deux hommes issus du même moule, celui du
RSP, l'ex-fameux Régiment de sécurité présidentielle. A la différence de
Diendéré qui comptait sur la force de frappe du RSP pour faire entendre ses
arguments, Yacouba Issac Zida, Premier ministre « originaire » de Kosyam,
a vite compris que l'arme de la société civile est plus en phase avec notre
époque. Donc Zida 1, Golf zéro.
Faut-il en conclure que le match est achevé ? Le RSP est dissous et Golf est en
prison. Mais après ? Après, il y aura le procès devant le tribunal militaire.
« Et c'est là que Django sera souffert », comme dirait l'autre. Le
procès attendu s'annonce effectivement explosif en révélations sauf si,
entre-temps, un gentleman agreement est conclu en douce. Dans le Faso
post-insurrectionnel, aucun arrangement ne saurait éteindre la vérité. On peut
compter sur le « ventre blanc » de M'ba Michel pour ça.
Golf et Zida « se savent » comme deux crocodiles d'un
même marigot. Est-ce pour cela que, malgré l'arrestation de Diendéré, le Premier
ministre se garde de fanfaronner ? Répondant aux questions des journalistes sur
les suites judiciaires du putsch, on a senti Zida mal à l'aise, la bouche sèche
devant les micros, disant en substance que ce qui importe dans le procès à
venir, plus que la sentence, ce sera les enseignements à tirer. Une
« tiédeur » qui contraste avec les propos révolutionnaires qu'on lui
a connus à son arrivée aux affaires. Pourquoi un homme d'Etat retrouvant son
fauteuil après un coup d'Etat se montre-t-il plus philosophe que victorieux ?
Peut-être parce qu'il redoute la suite. Car qui dit procès dit déballages.
N'ayant plus rien à perdre (à part sa veste trop grande), Diendéré ne va
certainement pas garder sa langue dans sa poche.
Mais que peut redouter Zida ? Que l'on apprenne les dessous du
deal entre le président fuyard Compaoré, le général Diendéré, le colonel-major
Kiéré et lui-même lieutenant-colonel Zida, lequel deal l'a porté au-devant de
la scène politique ? Il n'est un secret pour personne que sans le RSP et sans
l'aval de Golf, Zida ne serait pas là où il se trouve en ce moment. Qu'est-ce
qui n'a pas marché après le 31 octobre pour que Zida sente la nécessité de
s'affranchir de son mentor Golf au point d'en faire un frère ennemi ? Du temps
où Zida était le numéro 2 du RSP, le Blaiso et Golf lui auraient confié
beaucoup de missions « juteuses », depuis les mouvements d'armes en
provenance de la Libye de Kadhafi jusqu'à la gestion militaire de la crise
militaire en Côte d'Ivoire. Y a-t-il des choses que l'opinion publique ne
devrait pas savoir ? De quelles preuves disposeraient les anciens locataires du
camp Naaba-Koom pour dénoncer la gestion financière de la Transition à fort
relent d'enrichissement illicite ? Qu'est-ce qui troublerait donc le sommeil
d'Isaac Zida le bienheureux ?
D'aucuns attribuent le surprenant communiqué du gouvernement –
affirmant que les deux généraux putschistes, Golf et Bassolé, auraient appelé
leurs amis djihadistes à la rescousse – à la volonté du Premier ministre
d'avoir cherché à durcir les positions loyalistes et celles de la France et des
USA pour justifier une frappe radicale sur le RSP. Si Diendéré y avait laissé
sa peau, beaucoup de secrets auraient été enterrés avec lui. Dans cette même
logique, on comprendrait pourquoi, une fois le camp Naaba-Koom neutralisé, le général
Diendéré réfugié à la Nonciature apostolique, ne s'est rendu aux autorités de
la Transition qu'en présence du Prélat représentant le Vatican, de l'archevêque
de Ouagadougou, de Jean-Baptiste Ouédraogo, ancien président, et du virulent
ambassadeur ricain au Burkina. Comme ça, aucun risque après qu'on annonce son «
décès des suites d'une courte maladie ».
Les semaines
et mois à venir nous en apprendront certainement davantage et permettront aux
fiers Burkinabè de tourner définitivement la page de cette période où l'armée
était aux commandes de l'Etat et dictait sa loi martiale sous des habits
civils.
Joe
Titre original : « Golf et Zida, les frères ennemis »
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l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
Journal du Jeudi du 8 au 14 octobre 2015
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