jeudi 22 octobre 2015

Donc Zida 1, Golf 0

« Le coup d'Etat le plus bête du monde » a connu son épilogue avec l'arrestation du général Gilbert Diendéré, alias Golf. Ombre fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré durant 27 ans, celui-ci avait su garder son sang-froid en tout temps...
Sauf que cette fois-ci, piqué par on ne sait quelle mouche suicidaire, il a perdu son self-control en cédant à la tentation du putsch. Commencé comme une prise d'otage, ce coup de force n'est au final que le couronnement d'un bras de fer entre deux hommes issus du même moule, celui du RSP, l'ex-fameux Régiment de sécurité présidentielle. A la différence de Diendéré qui comptait sur la force de frappe du RSP pour faire entendre ses arguments, Yacouba Issac Zida, Premier ministre « originaire » de Kosyam, a vite compris que l'arme de la société civile est plus en phase avec notre époque. Donc Zida 1, Golf zéro. Faut-il en conclure que le match est achevé ? Le RSP est dissous et Golf est en prison. Mais après ? Après, il y aura le procès devant le tribunal militaire. « Et c'est là que Django sera souffert », comme dirait l'autre. Le procès attendu s'annonce effectivement explosif en révélations sauf si, entre-temps, un gentleman agreement est conclu en douce. Dans le Faso post-insurrectionnel, aucun arrangement ne saurait éteindre la vérité. On peut compter sur le « ventre blanc » de M'ba Michel pour ça. 
Golf et Zida « se savent » comme deux crocodiles d'un même marigot. Est-ce pour cela que, malgré l'arrestation de Diendéré, le Premier ministre se garde de fanfaronner ? Répondant aux questions des journalistes sur les suites judiciaires du putsch, on a senti Zida mal à l'aise, la bouche sèche devant les micros, disant en substance que ce qui importe dans le procès à venir, plus que la sentence, ce sera les enseignements à tirer. Une « tiédeur » qui contraste avec les propos révolutionnaires qu'on lui a connus à son arrivée aux affaires. Pourquoi un homme d'Etat retrouvant son fauteuil après un coup d'Etat se montre-t-il plus philosophe que victorieux ? Peut-être parce qu'il redoute la suite. Car qui dit procès dit déballages. N'ayant plus rien à perdre (à part sa veste trop grande), Diendéré ne va certainement pas garder sa langue dans sa poche.
Mais que peut redouter Zida ? Que l'on apprenne les dessous du deal entre le président fuyard Compaoré, le général Diendéré, le colonel-major Kiéré et lui-même lieutenant-colonel Zida, lequel deal l'a porté au-devant de la scène politique ? Il n'est un secret pour personne que sans le RSP et sans l'aval de Golf, Zida ne serait pas là où il se trouve en ce moment. Qu'est-ce qui n'a pas marché après le 31 octobre pour que Zida sente la nécessité de s'affranchir de son mentor Golf au point d'en faire un frère ennemi ? Du temps où Zida était le numéro 2 du RSP, le Blaiso et Golf lui auraient confié beaucoup de missions « juteuses », depuis les mouvements d'armes en provenance de la Libye de Kadhafi jusqu'à la gestion militaire de la crise militaire en Côte d'Ivoire. Y a-t-il des choses que l'opinion publique ne devrait pas savoir ? De quelles preuves disposeraient les anciens locataires du camp Naaba-Koom pour dénoncer la gestion financière de la Transition à fort relent d'enrichissement illicite ? Qu'est-ce qui troublerait donc le sommeil d'Isaac Zida le bienheureux ?
D'aucuns attribuent le surprenant communiqué du gouvernement – affirmant que les deux généraux putschistes, Golf et Bassolé, auraient appelé leurs amis djihadistes à la rescousse – à la volonté du Premier ministre d'avoir cherché à durcir les positions loyalistes et celles de la France et des USA pour justifier une frappe radicale sur le RSP. Si Diendéré y avait laissé sa peau, beaucoup de secrets auraient été enterrés avec lui. Dans cette même logique, on comprendrait pourquoi, une fois le camp Naaba-Koom neutralisé, le général Diendéré réfugié à la Nonciature apostolique, ne s'est rendu aux autorités de la Transition qu'en présence du Prélat représentant le Vatican, de l'archevêque de Ouagadougou, de Jean-Baptiste Ouédraogo, ancien président, et du virulent ambassadeur ricain au Burkina. Comme ça, aucun risque après qu'on annonce son « décès des suites d'une courte maladie ».
Les semaines et mois à venir nous en apprendront certainement davantage et permettront aux fiers Burkinabè de tourner définitivement la page de cette période où l'armée était aux commandes de l'Etat et dictait sa loi martiale sous des habits civils.

Joe

Titre original : « Golf et Zida, les frères ennemis »

 


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Source : Journal du Jeudi du 8 au 14 octobre 2015

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