Le suspens n'a
pas été long. La machine néocoloniale nommée Cour pénale internationale (CPI)
n'a pas réussi son coup : la République d'Afrique du Sud et, plus globalement,
tout le continent africain n'ont pas cédé !
Petit rappel. Ladite CPI, devenue la
cour de jugement pour les Africains, tout comme son « frère » le fameux
Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie l'est lui pour les Serbes, avait émis un
mandat d'arrêt contre le président soudanais, Omar el-Béchir, accusé de crimes
de guerre (mandat émis depuis mars 2009). Des accusations fortement douteuses.
Connaissant parfaitement la politisation de cette cour, une politisation qui a
été reconnue à maintes reprises, ne serait-ce que par les experts russes et
chinois. Et surtout connaissant parfaitement les pseudo-accusations ayant visé
un autre leader africain, le président ivoirien Laurent Gbagbo, dont le
procureur en charge de ce dossier n'a pas pu présenter jusqu'à maintenant ne
serait-ce qu'un élément valable de sa culpabilité. De même qu'à l'encontre de
l'ex-ministre de la Jeunesse de Côte d'Ivoire, Charles Blé Goudé. Le tout en
épargnant entièrement le camp des pro-occidentaux, dont pourtant les crimes
massifs (ne serait-ce qu'à Duékoué) ont été reconnus, y compris par des
organismes non-gouvernementaux occidentaux.
Le Soudan ne reconnait pas la CPI et le président
Omar el-Béchir a plusieurs fois lancé des défis audit organisme en voyageant
librement et en participant à divers grands forums aussi bien sur le continent
africain qu'ailleurs. Jusqu'ici tout allait assez bien. Mais les derniers
jours, la République d'Afrique du Sud accueillait un sommet de l'Union
africaine. A noter qu'en juillet 2009, après le lancement du mandat d'arrêt de
la CPI à l'encontre d'el-Béchir, les Etats de l'Union africaine ont voté une
résolution indiquant qu'ils n'exécuteront pas le mandat d'arrêt de la CPI émis
contre le président soudanais.
Mais on connait les Occidentaux, ou
plutôt leurs « élites ». Ils ne s'arrêteront devant rien. D'autant plus lorsque
la mentalité coloniale est ancrée si profondément dans les têtes de ces dites
élites. Ils ont lancé donc une demande à la justice sud-africaine d'arrêter
Omar el-Béchir en terre sud-africaine compte tenu du fait que l'Afrique du Sud
est signataire du Statut de Rome et reconnait donc (pour le moment) la CPI.
Immédiatement, un juge sud-africain d'origine allemande, Hans-Joachim
Fabricius, vraisemblablement un nostalgique de la sinistre période d'apartheid
(dont l'un des ancêtres selon certaines sources était un haut cadre politique
de l'Allemagne nazie), émet une interdiction au président soudanais de quitter
le territoire sud-africain.
Le suspens peut commencer. Les
Occidentaux pensaient déjà crier victoire en pensant que le gouvernement
sud-africain allait appliquer à la lettre leurs exigences. Plus encore,
certains représentants occidentaux et leurs valets locaux ont eu le culot de
lancer des phrases du genre « je crois
que la fidélité de l'Afrique du Sud à l'Union africaine ne peut pas faire le
poids face à ses obligations envers la CPI ». C'est vrai, on avait
oublié. Les machins néocoloniaux, ça vaut « bien plus » qu'une organisation
réunissant les Etats de tout un grand continent, en la qualité de l'UA.
Mais le suspens n'a pas duré. Le
gouvernement sud-africain n'a pas appliqué les prérogatives néocoloniales de la
CPI. Omar el-Béchir est rentré au Soudan où il a été accueilli par une foule en
liesse. Bravo donc aux Sud-Africains, membres à part entière de l'alliance des
BRICS, de ne pas avoir cédé aux tentatives d'une extrême minorité de notre
planète, vivant encore dans leurs rêves unipolaires, ainsi qu'aux traitres
locaux – héritiers de l'apartheid.
A ce titre, on a pu
particulièrement apprécier la réaction du parti historique de Nelson Mandela,
le principal parti politique du pays, le Congrès National Africain (ANC),
via sa porte-parole Khusela Sangoni, ayant fustigé les tentatives de faire
arrêter le leader soudanais en leur sol. «
Le gouvernement sud-africain, lorsqu'il a invité son excellence Omar el-Béchir
et les autres participants à venir au sommet de l'UA, a dans le même temps
adopté une mesure légale pour accorder l'immunité à tous les participants.
Cette notice a fait l'objet d'une publication, et personne ne l'a contestée,
donc nous trouvons très étrange qu'une organisation décide maintenant de saisir
la justice pour obtenir que Béchir soit arrêté en Afrique du Sud, et nous avons
encouragé le gouvernement sud-africain à faire en sorte que cette démarche n’aboutisse
pas ».
Il fut très intéressant également de
connaître la réaction du chef du département juridique de l'Union africaine, le
professeur Vincent O. Nmehielle, qui considère que l'Afrique du Sud a
entièrement raison du point de vue juridique.
Voici ce qu'il a répondu à RFI : « Le sommet n'est pas une réunion organisée
par le gouvernement sud-africain. Dans le règlement de l'Union africaine, et
conformément à l'accord signé entre l'Afrique du Sud et l'UA, l'Afrique du Sud
ne peut pas violer l'accord faisant de lui un pays hôte. Et donc el-Béchir
n'est pas ici pour visiter l'Afrique du Sud, il visite un site sous contrôle de
l'Union africaine, aussi longtemps que se tient le sommet. Et donc, les lois de
l'Afrique du Sud ne s'appliquent pas dans ce cadre ». Selon lui, « cet accord est aussi un traité
international entre l'Afrique du Sud et l'Union africaine pour lui permettre de
tenir ce sommet. Si l'Afrique du Sud ne peut pas garantir le libre passage de
tous les participants à ce sommet, il ne peut pas être pays d'accueil. Il n'y a
eu dans cette affaire aucune violation d'aucune sorte. Si l'Afrique du Sud
avait écouté ce que n'importe qui avait à dire, ce serait une violation de cet
accord qui lui permet d'être l'hôte de ce sommet ».
Très drôle aujourd'hui de voir tout le
mainstream occidental, anglophone comme francophone, crier au scandale, tout en
donnant la parole à d'anciens cadres de l'administration du régime raciste de
la période apartheid, qui expriment également leur « révolte ». Sans
commentaires.
Quant à l'Afrique, elle vient
effectivement de remporter une mini-bataille, mais fort symbolique. Surtout à
l'heure où la plupart des pays africains, membres de l'UA, ont exprimé le désir
de quitter la fameuse et trop controversée CPI (merci, en passant, à la
présidence du Zimbabwe à l'UA). La guerre, elle, est bien loin d'être gagnée et
les efforts ne doivent aucunement être relâchés. Tout ne fait véritablement que
commencer. Mais, cette petite victoire de l'Afrique du Sud (et donc des BRICS),
ainsi que de tous les Africains en général, prouve que lorsque l'Afrique
veut – elle peut beaucoup de choses. A suivre !
Source : Sputnik France 16
juin 2015
Cet article m'avait échappé. On ne peut que se réjouir de l'attitude ferme de l'Afrique du sud dans cette affaire. L'arrestation du président soudanais dans le pays qui l'a officiellement invité aurait été un précédent bien inquiétant pour tous les Africains.
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