"Les femmes du canton Folon remercient Fanta Gbê pour ses actions généreuses en faveur des femmes et des enfants." (Le Conseil régional) |
Mme Dominique
Ouattara lutte contre le travail des enfants : c'est bien, mais depuis que
Laurent Gbagbo a été « remplacé », le travail des enfants aurait dû
diminuer en Côte d'Ivoire, puisque l'une des accusations du clan Ouattara à
l'égard de son prédécesseur, c'était d'avoir, paraît-il, fermé les yeux sur ce
scandale des temps modernes. Fort heureusement, Madame Ouattara s'est levée,
dénonçant le travail des enfants dans les plantations de café-cacao, à l'époque
ténébreuse qui précéda son ère de lumière. Et pourtant quand on fouille un peu
le net pour déterrer les fameux « diamants du sang », ce sont plutôt
les noms liés à la rébellion qui émergent : Soro et ses com'zone et, dans
l'ombre, la future « Première Dame » elle-même...
Or aujourd'hui,
au printemps 2015, ces enfants qui travaillent sont partout, et pas seulement
dans les mines du Nord : ils hantent les rues des villes, y dorment même
parfois, exposés à toutes les dérives de la délinquance illustrées par ces
fameux gangs de « microbes » qui font régulièrement la une à Abidjan.
Pourtant, la blanche Dame aux mille sourires et à la poitrine d'ordinaire si
accueillante pour serrer contre elle toute la misère du monde n'est pas au
rendez-vous. A quoi lui sert donc le budget colossal de 300 milliards mis à sa
disposition – à elle, la richissime femme d'affaires ! – dans le cadre de la
lutte contre le travail des enfants, et leur déscolarisation ?
Il est vrai qu'entre
ses nombreux voyages en France, ses sorties gâteries pour ses « chères
sœurs Dioula », l'accompagnement des tournées de son « cher époux,
votre papa », pour proposer aux femmes, en bonne « petite sœur du
FMI » – comme l'appelle Gregory Protche –, sa juteuse formule de
soi-disant microcrédit ; les visites solennelles aux grandes familles alliées
de la « Famiglia » touchées par le deuil, sur l'air de « que la
terre leur soit légère », comment lui resterait-il du temps pour
s'enquérir du sort des prisonniers, de celui de Simone Gbagbo, cette première
dame qu'elle s'honorait de fréquenter avant que les voyous au pouvoir en France
ne lui donnent sa place, les photos souvenir en témoignent.
Il faut excuser
madame Ouattara : elle n'a pas le temps, bien qu'elle ait paraît-il renoncé à
ses charges de femmes d'affaires pour se consacrer à ses fonctions officielles.
Toujours entre deux avions, peut-être encore davantage que son époux,
perpétuellement entourée d'une foule de gardes du corps et d'accompagnateurs,
comment pourrait-elle se laisser distraire par le spectacle de rue donné par
ces enfants à la dérive, condamnés à travailler pour aider leurs familles à
survivre. L'obséquieux fan-club entourant la fondatrice de Children of Africa contribue sans aucun doute à lui boucher la vue,
empêchant notre mère Thérésa nationale de regarder au-delà du cercle de
silhouettes serviles qui se bousculent à son service ; imaginez le dévouement
de ministres-carpettes comme l'institutrice Anne Ouloto, reconvertie en
bulldozériste avant de se retrouver accompagnatrice de « Première
Dame » ; la sportive Kandia Camara, renonçant au basket pour se pencher
sur les petites têtes frisées d'écoliers abandonnés par de méchants
instituteurs en grève, insuffisamment créatifs pour nourrir leurs familles sans
percevoir de salaire ! Le Dr Raymonde Goudou Coffie, plus apte à porter le
cabas de dame Ouattara lors de ses déplacements, qu'à prendre des mesures
concrètes pour améliorer la qualité des soins et la prise en charge des
familles démunies ; rajoutez à cela l'infatigable chancelière, l'épingle à la
main, toujours prête à médailler quelques poitrines de valeureux Ivoiriens,
fiers d'arborer leurs belles décorations devant un panier vide : celui de la
ménagère.
Dons de Dominique Ouattara-Nouvian (DON) la
bien nommée
|
Nous comprenons
aisément que « Première Dame » n'ait guère le temps d'aller sur le
terrain pour voir tous ces enfants en rupture d'école, marchands à la sauvette,
contraints de porter des charges trop lourdes pour leur âge, soumis à des
efforts hypothéquant leur futur développement. Elle qui ne se déplace qu'en
véhicule climatisé, escortée d'une foule de larbins aux petits soins, n'a pas
même la possibilité de faire appel à ces milliers de vendeuses d'eau glacée, de
marchands de pain, de boys-portefaix.
Mais
rassurez-vous, ces derniers n'ont pas été totalement oubliés : ils ont très
certainement été répertoriés quelque part au sein du fameux million de nouveaux
emplois d'ores et déjà créés dans la fertile imagination d’Alassane Ouattara,
au titre de « travailleurs indépendants » ; et ils seront encore plus
nombreux dans les semaines et les mois à venir, à apporter sur le terrain, dans
la rue, la preuve de l'accomplissement des promesses d'Ado-Solutions devenu
Ado-Emergence.
Malheureusement,
notre dame blonde ne les connais pas, ne les voit pas ; hors du champ des
caméras, les enfants, ne font pas partie de son domaine de prédilection ;
jamais je n'ai lu qu'elle avait envoyé des émissaires – ou s'était rendue –
dans un camp de réfugiés, pour s'enquérir des conditions de vie de ces enfants
en exil, de leur scolarité en dents de scie. Au Togo, il n'y a pas de « Première
Dame » ; c'est peut-être la raison de l'indifférence de notre blonde
mère Thérésa, qui ne voit pas la nécessité de se rendre dans le camp d'Avezopo,
où 1200 réfugiés ont besoin d'aide, de soins, d'écoles, et craignent de faire
les frais des débordements liés aux élections du 25 avril prochain.
Quand des
quartiers entiers sont liquidés par les bulldozers, notre chantre de l'amour
maternel ne se préoccupe nullement du sort des déguerpis, de la scolarité de
leurs enfants ; des écoles viennent d'être rasées, mais aucune solution de
rechange n'a été proposée pour réintégrer les enfants et leurs professeurs, et
manifester un peu de respect envers les parents qui jusqu'ici abritaient leurs
familles dans des logements de fortune, mais s'efforçaient de régler les frais
de scolarité de leurs enfants, veillant ainsi à ce qu'ils aient un avenir
meilleur !...
Loin de se
soucier de questions aussi marginales que celles de la survie des populations, « Première
Dame » semble par contre s'intéresser de près à l'avenir prometteur de ces
terrains redevenus « vierges », en raison de leur fort potentiel
lucratif. « Première Dame » aurait déjà pensé à de bons plans de
rentabilisation, en y bâtissant, – grâce à ses sociétés immobilières et autres
sociétés-écran, de vastes complexes immobiliers ; tout cela avec l'aide de son
copain Mohamed VI, ce « bienfaiteur » de la Côte d'Ivoire à qui
Ouattara vient de dédier le nouveau tronçon de voie express Abobo-Anyama.
Nous avons déjà
évoqué ces gangs d'enfants microbes qui n'en finissent plus de défrayer la
chronique. Eux aussi se rappellent au bon souvenir de « Première Dame »
: en effet les 14-17 ans qui ont marché sur Abidjan depuis Bouaké avec les
rebelles, et prêté main forte à ces derniers, ont été oubliés dans le partage
du butin ; quatre ans plus tard, leurs rangs s'étant enrichis de jeunes
recrues, ils continuent leur métier de détrousseurs, sous la vigilante autorité
d'ex-rebelles non réorientés, de policiers et de militaires qui arrondissent
leurs fins de mois en jouant les souteneurs.
« Première
Dame » est donc la mieux placée pour connaître les tenants et aboutissants
de cette situation. Nous ne pouvons que l’encourager à mettre les bouchées
doubles afin d'aider ses – « chers » ? – enfants rebelles non encore « rattrapés »
à sortir de leur délinquance ; et, dans le même mouvement, exhorter son cher
époux, le papa de la nation, à régler au plus vite – quitte à rogner un peu sur
les petites économies du couple milliardaire – les arriérés d'honoraires dus à
ceux qui lui ont permis d'usurper le siège qu'il occupe depuis mai 2011, et ce
avant d'invoquer leur soutien pour octobre 2015.
Femmes du
ministère de l'Éducation nationale
et de
l'Enseignement technique (MENET) manifestant
leur
reconnaissance à Mme DON.
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Les bons comptes
faisant les bons amis, un bon père et une bonne mère trouvent toujours le temps
de redresser la barre : les quelques mois qui nous séparent des élections
suffiront donc amplement à ces parents modèles pour remettre ces chers petits
et leurs aînés dans le droit chemin, pour le plus grand bonheur de tous.
Et, qui sait, le
prix Nobel de la paix tellement espéré par notre Mama Africa ivoirienne
pourrait enfin venir couronner le fruit de tant de sourires transformés en
rictus, de tant de travail persévérant dans l'ombre des mines et des cachots,
de tant de sacrifices consentis au prix de la vie des autres...
Shlomit Abel
EN MARAUDE DANS LE WEB
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l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : IvoireBusiness
25 Avril 2015.
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