Le
mardi 9 juin 2015, interrogé par le tribunal militaire, le commandant Abéhi
Jean-Noël, de la
Gendarmerie nationale, poursuivi pour désertion de l’armée, a
tenu des propos à mon endroit, qui méritent d’être rectifiés. Depuis que ces
propos ont été rendus publics, j’ai reçu de nombreux coups de fil de personnes
qui disent être déçues par les propos tenus par cet officier qui a gagné
l’estime et la sympathie d’un grand nombre de nos compatriotes, par son combat
héroïque pour défendre la patrie et la loi, conformément à son serment de
gendarme. Ces personnes me pressaient de réagir immédiatement aux propos tenus
par le prévenu. J’ai voulu attendre la fin du procès, pour éviter d’en ajouter
à la peine de cet officier, qui visiblement est dans une situation de détresse.
En effet, nos compatriotes ne doivent jamais oublier que de nombreux soldats,
officiers ou hommes du rang, se sont battus avec abnégation, parfois dans des
conditions extrêmes, contre une coalition d’ennemis pour rester conformes aux
exigences du code d’honneur qui régit leur métier. Beaucoup en sont morts, de
nombreux restent soit mutilés, soit des invalides à vie. Un nombre non
négligeable a décidé de rompre avec l’armée pour ne pas à avoir à compromettre
leur honneur. Ils sont soit en exil, vivant dans des conditions d’extrême
précarité, soit en Côte d’Ivoire, mais en rupture de ban avec leur corps de
métier. Leur sacrifice est énorme. Ce sont eux qui sont traqués, menacés de
mort pour avoir fait exactement ce que ceux qui les traquent aujourd’hui
attendent qu’ils fassent pour eux. Nous leur devons un devoir de gratitude et
de solidarité, et notre admiration pour eux ne doit jamais s’altérer du seul
fait que, traversant des moments de faiblesse inhérents à la condition humaine,
ils adoptent parfois certains comportements que nous n’apprécions pas. Ce
devoir de solidarité est plus renforcé à mon endroit. En effet, les instituions
de la République et les lois que ces soldats ont défendues au prix de tant de
sacrifices sont incarnées par le président Laurent Gbagbo, lui-même poursuivi
pour avoir agi conformément aux lois et aux décisions des institutions de son
pays. Et je suis son Porte-parole. Personnellement, j’ai une grande
admiration pour le métier des armes. Le soldat incarne à mes yeux les plus
grandes valeurs qu’un homme puisse cultiver : l’honneur, la dignité et la
responsabilité. J’ai eu le privilège de côtoyer pendant mon enfance des soldats
ivoiriens qui ont bâti toute leur vie sur ces valeurs, même après avoir quitté
l’armée. Je pense à feu le Général Thomas d’Aquin. Je continue de regarder le
soldat en général, et le soldat ivoirien en particulier, avec la même
admiration. Rien ne pourra en déprécier mon jugement. C’est pourquoi j’accorde
d’ores et déjà mon pardon au commandant Abéhi ; je le rassure de ma
solidarité dans ces moments très difficiles pour lui et sa famille, et à
travers lui, à toutes les personnes qui souffrent de cette situation
d’injustice. Mais je ne peux m’empêcher de relever que les propos qu’il a tenus
à mon sujet sont totalement faux. J’en restitue ci-dessous l’intégralité :
J. Katinan Koné |
«
(…) Lorsque je suis arrivé au Ghana, la première personne que j’ai pu joindre
est Konan Boniface pour lui donner l’information de ma présence dans ce pays.
Il m’a dit de ne parler à aucune autorité politique. J’étais dans mon coin. Un
jour j’essaie d’appeler Konan Boniface. Il était fermé et je suis passé par des
d’autres personnes pour avoir de ses nouvelles. Un jour le Colonel Gouanou me
contacte pour une réunion avec les autorités politiques. On a discuté avec le
ministre Koné Katinan et un autre ministre dont je ne me rappelle pas le nom.
Il y avait aussi le Colonel Gouanou et le colonel Dadi. Il y avait des
solutions diplomatiques et militaires pour notre retour. A la seconde réunion,
on nous a demandé de faire le point du matériel que chacun pouvait apporter.
C’est à ce niveau que j’ai dit non, car je n’avais pas de moyens ni d’hommes à
mettre à leur disposition. Je n’étais pas d’accord avec l’esprit de la chose.
C’était sur la base tribalique. On devait commencer à nettoyer à l’Ouest tous
les Baoulés et Burkinabè. J’ai marqué mon désaccord. »
Le
lendemain, mercredi 10 juin 2015, certains médias ont fait la couverture de
leur parution avec des résumés très tendancieux de ces propos qui sont en eux-mêmes,
à tout point de vue, mensongers. C’est pourquoi, non seulement je démens
fermement les propos tenus par le commandant Jean-Noël Abéhi, mais au-delà, je
dénonce l’exploitation malicieuse qui en est faite contre moi par certains
médias. Je n’ai jamais participé à une quelconque réunion avec le prévenu pour
discuter des conditions de retour des militaires au pays. N’étant ni militaire,
ni même chargé des questions militaires dans le gouvernement (Gbagbo), je ne
vois pas en quoi je devais discuter des modalités de leur retour. J’étais
absent du territoire ghanéen lorsque, courant juillet 2011, j’avais appris que
le gouvernement ivoirien avait entamé des négociations avec les militaires
exilés au Ghana à l’effet d’obtenir de ces derniers leur retour au pays.
J’étais encore en voyage quand le premier groupe de ces militaires, dont
Boniface Konan, est retourné au pays. Je n’ai participé à aucune des réunions
préparatoires qui ont précédé leur retour. Je n’ai participé non plus à aucune
réunion portant sur ce sujet après leur départ. Les cachets de services
d’immigration du Ghana et du pays dans lequel je séjournais confirment mon
absence à cette période. C’est donc faux que de m’associer à ces réunions. Je
suis tout de même perplexe que le prévenu ait cité mon nom à ce stade de la
procédure alors qu’aucune de ses déclarations préliminaires, recueillies par
les autorités ivoiriennes et rendues publiques par ces dernières, ne mentionne
mon nom.
Ma
perplexité se renforce par le fait que des deux ministres réputés présents à
cette réunion, il n’y a que moi seul dont le prévenu se souvient du nom. Il est
tout de même curieux que ni le Juge, ni le Procureur qui poursuit le prévenu,
n’ont daigné demander des précisions quant à la date et au lieu de cette
fameuse rencontre ; surtout que le prévenu fait cas de deux réunions, sans
préciser à laquelle j’ai eu à échanger avec lui. Ils n’ont pas jugé non plus
nécessaire d’insister pour que le nom du second ministre présent, qui reste un
témoin important pour le prévenu, soit révélé. Tout se passe comme si
l’essentiel dans cette affaire était de m’y impliquer d’une façon d’une autre.
Cela pourrait bien expliquer l’exploitation malicieuse qui en a été faite par
certains medias.
Par
ailleurs, je voudrais solliciter de tous ceux qui veulent construire des
histoires sur mon dos, de m’accorder le bénéfice de la présomption de la
raison minimale qui est reconnue à chaque être humain. En effet, dans le cas
d’espèce, sauf à supposer que l’exil a altéré toutes mes facultés humaines, il
me semble que le minimum de la raison humaine m’aurait conseillé de ne pas
demander à un Baoulé, à qui j’entends confier une opération subversive, de
commencer celle-ci par le massacre de ses propres parents. Enfin, je ne peux
m’empêcher de lier ces fausses accusations portées contre moi aux dernières
alertes qui m’ont été adressées il y a quelques jours. Ces alertes faisaient
état de ce qu’un commando a été dépêché au Ghana pour procéder au moins à mon
enlèvement, au plus à mon assassinat. La récurrence de ces alertes m’a poussé à
informer les autorités ghanéennes sur cette autre menace contre mon intégrité
physique. Ne s’agit-il pas, par ces allégations, qui tranchent totalement avec
les premières déclarations du prévenu, de justifier a priori l’opération
d’enlèvement planifiée contre moi. Après « Katinan
braqueur de banques », « Katinan
meurtrier » (j’aurais tué deux personnes dont une de 83 ans, soudeur
de son état), voici le « Katinan
génocidaire des Baoulés et des Burkinabè » ! Je continue de
m’interroger sur les raisons de ce harcèlement politico-judiciaire contre moi.
Il est temps qu’il prenne fin, parce qu’il n’arrivera jamais à bout de ma
conviction profonde selon laquelle le gouvernement ivoirien est dans l’erreur,
depuis son avènement au pouvoir, dans la gestion de la crise politique
ivoirienne. J’ai déjà interpellé à maintes reprises le gouvernement ivoirien
sur l’inefficacité des méthodes qu’il utilise pour ressouder la nation
ivoirienne après tant d’années de drame en stigmatisant des personnes. La
politique de ségrégation judiciaire et économique qu’il applique ne fait que
renforcer la cassure sociale, déjà abyssale. Sa volonté de vouloir extirper
certaines personnes du corps social du pays, parce que ces dernières expriment
une opposition ouverte à sa gouvernance ne fait que ralentir la recherche de la
cohésion nationale. Ma position sur cette gouvernance ségrégationniste du
gouvernement ivoirien est claire et constante. Celle-ci prépare des lendemains
sombres pour le pays. Le dire ne fait pas de moi l’ennemi de la République à
abattre. La solution n’est pas dans mon anéantissement. Le gouvernement doit
prévenir cette situation au lieu de stigmatiser ceux qui attirent son attention
sur elle. J’ai toujours proposé au gouvernement de trouver un mécanisme
juridique et institutionnel pour soigner de façon globale et définitive les
cœurs meurtris, afin de préparer les esprits à une véritable réconciliation.
Les cœurs meurtris ne sont pas seulement d’un seul côté. Il n’est donc pas
judicieux de soulager un seul côté, en chargeant l’autre de tous les péchés.
Ils sont nombreux les Ivoiriens civils et militaires, qui ont peur de
s’inscrire dans le processus de retour à la normalité que le gouvernement
prétend mettre en œuvre. La duplicité du gouvernement, qui annonce une chose et
qui en applique exactement le contraire, n’inspire pas confiance. En effet,
comment rassurer ces centaines de milliers d’Ivoiriens qui voudraient mettre
fin à leur exil, lorsque ceux qui sont retournés se sont retrouvés pour un bon
nombre en prison parce qu’ils marquent leur opposition aux choix du
gouvernement. Je dénonce cette duplicité du gouvernement. Et aucune
stigmatisation ne pourra m’en empêcher. Parce que je revendique le même droit
que tous les Ivoiriens de vivre dans une société pacifiée, vidée de toutes les
rancœurs ; et c’est le devoir du gouvernement de satisfaire l’attente des
populations.
Pour
finir, je souhaite bonne chance au soldat Abéhi dans son procès. Puissent sa
déposition, même mensongère à mon endroit, l’aider à remporter la victoire et
à retrouver sa famille.
J. Katinan Koné, ancien ministre, porte-parole du président Laurent Gbagbo.
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des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source :
CIVOX. NET 13 Juin 2015
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