lundi 8 juin 2015

Les Nigériens contre les dérives autoritaires du régime Issoufou*

A l’appel d’une quarantaine d’organisations de la société civile, des milliers de Nigériens ont bravé le soleil dans les rues de Niamey, le 6 juin, pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « dérives autoritaires du régime actuel » de Mahamadou Issoufou.
Les manifestants entendaient ainsi exprimer leur exaspération face aux difficultés que vivent les populations nigériennes et dont ils rendent le parti au pouvoir entièrement responsable.
Au nombre des griefs portés contre la gouvernance du président Issoufou, figurent les coupures intempestives d’électricité, l’augmentation des prix de certains produits de grande consommation consécutive au monopole accordé au groupe français Bolloré pour la manutention de deux entrepôts de douane, la présence trop voyante des soldats français et américains sur le sol nigérien dans le cadre de la lutte anti-terroriste, la non-application intégrale des accords signés entre le groupe Areva et l’Etat du Niger, la gestion calamiteuse de l’épidémie de méningite et le vote de la loi budgétivore à leurs yeux, le 28 octobre 2014, portant augmentation du nombre de députés qui passe de 113 à 171.
Et pour mieux faire avaler cette couleuvre au peuple nigérien, le pouvoir nigérien a eu cette trouvaille : restreindre la liberté d’expression et museler la société civile sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme et Boko Haram.
C’est en application de ce « patriot act » à la nigérienne que deux leaders de la société civile, Nouhou Arzika et Moussa Tchangari ont été mis aux arrêts en mai dernier, pour avoir critiqué les méthodes expéditives utilisées par les autorités de Niamey dans l’évacuation des réfugiés des îles du lac Tchad, en prélude à la riposte contre Boko Haram.
Mais de peur de faire de Arzika et de Tchangari des victimes expiatoires dans sa lutte contre le terrorisme et du fait de la pression exercée par les associations de défense des droits de l’Homme, le régime de Issoufou a été contraint au rétropédalage en octroyant la liberté, fût-elle provisoire, aux deux leaders d’opinion.
En tout état de cause, l’enfant de Dandadji et son gouvernement auraient tort de croire qu’au nom de la sécurité d’Etat et de la lutte contre le terrorisme, les Nigériens accepteront qu’on leur arrache les libertés individuelles qu’ils ont acquises de haute lutte. Et ce n’est pas le fait de voir dans cette poussée de fièvre la main manipulatrice de l’opposition ou de multiplier les tirs de barrage contre sa candidature en 2016 par des snippers à la solde de l’Alliance pour la réconciliation, la démocratie et la République (coalition de partis de l’opposition), qui fera baisser le mercure politique sur les bords du fleuve Niger. Bien au contraire.
Depuis le vote de la loi augmentant le nombre déjà pléthorique des députés à l’Assemblée nationale, l’arrestation politiquement inopportune des figures emblématiques de la société civile nigérienne, en passant par la réponse spontanée du président Issoufou à l’appel du président Français François Hollande en janvier dernier à venir manifester contre le carnage des journalistes de Charlie Hebdo, c’est  une succession de bourdes politiques du PNDS-Tarraya (parti au pouvoir) de Mahamadou Issoufou, que des opposants comme Hama Hamadou, Séni Oumarou ou Mahamane Ousmane n’hésiteront pas à exploiter.
A moins d’un an de la présidentielle, Mahamadou Issoufou devra, s’il veut se donner les chances de prolonger son bail pour un nouveau quinquennat, s’atteler à régler les préoccupations existentielles de ses concitoyens, sans fuite en avant.
C’est à ce prix qu’il arrivera non seulement à faire baisser la température de cette cocotte-minute actuellement bouillante qu’est la scène politique nigérienne, mais aussi à prémunir son pays contre la menace terroriste venue du Nigeria voisin, en rassemblant les Nigériens autour de l’essentiel et non en niant les réalités socio-politiques. 

Amadou Gadiaga
(*) Titre original : « Revendications sociales au Niger : Mahamadou Issoufou saura-t-il gérer la cocotte-minute ? » 

Source : Le Pays (BF) 08 juin 2015

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