A l’appel d’une
quarantaine d’organisations de la société civile, des milliers de Nigériens ont
bravé le soleil dans les rues de Niamey, le 6 juin, pour dénoncer ce qu’ils
qualifient de « dérives autoritaires du régime actuel » de Mahamadou
Issoufou.
Les manifestants
entendaient ainsi exprimer leur exaspération face aux difficultés que vivent
les populations nigériennes et dont ils rendent le parti au pouvoir entièrement
responsable.
Au nombre des griefs
portés contre la gouvernance du président Issoufou, figurent les coupures
intempestives d’électricité, l’augmentation des prix de certains produits de
grande consommation consécutive au monopole accordé au groupe français Bolloré
pour la manutention de deux entrepôts de douane, la présence trop voyante des
soldats français et américains sur le sol nigérien dans le cadre de la lutte
anti-terroriste, la non-application intégrale des accords signés entre le
groupe Areva et l’Etat du Niger, la gestion calamiteuse de l’épidémie de
méningite et le vote de la loi budgétivore à leurs yeux, le 28 octobre 2014,
portant augmentation du nombre de députés qui passe de 113 à 171.
Et pour mieux faire
avaler cette couleuvre au peuple nigérien, le pouvoir nigérien a eu cette
trouvaille : restreindre la liberté d’expression et museler la société
civile sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme et Boko Haram.
C’est en application
de ce « patriot act » à la nigérienne que deux leaders de la société
civile, Nouhou Arzika et Moussa Tchangari ont été mis aux arrêts en mai
dernier, pour avoir critiqué les méthodes expéditives utilisées par les
autorités de Niamey dans l’évacuation des réfugiés des îles du lac Tchad, en
prélude à la riposte contre Boko Haram.
Mais de peur de
faire de Arzika et de Tchangari des victimes expiatoires dans sa lutte contre
le terrorisme et du fait de la pression exercée par les associations de défense
des droits de l’Homme, le régime de Issoufou a été contraint au rétropédalage
en octroyant la liberté, fût-elle provisoire, aux deux leaders d’opinion.
En tout état de
cause, l’enfant de Dandadji et son gouvernement auraient tort de croire qu’au
nom de la sécurité d’Etat et de la lutte contre le terrorisme, les Nigériens
accepteront qu’on leur arrache les libertés individuelles qu’ils ont acquises
de haute lutte. Et ce n’est pas le fait de voir dans cette poussée de fièvre la
main manipulatrice de l’opposition ou de multiplier les tirs de barrage contre
sa candidature en 2016 par des snippers à la solde de l’Alliance pour la
réconciliation, la démocratie et la République (coalition de partis de
l’opposition), qui fera baisser le mercure politique sur les bords du fleuve
Niger. Bien au contraire.
Depuis le vote de la
loi augmentant le nombre déjà pléthorique des députés à l’Assemblée nationale,
l’arrestation politiquement inopportune des figures emblématiques de la société
civile nigérienne, en passant par la réponse spontanée du président Issoufou à
l’appel du président Français François Hollande en janvier dernier à venir
manifester contre le carnage des journalistes de Charlie Hebdo, c’est une
succession de bourdes politiques du PNDS-Tarraya (parti au pouvoir) de
Mahamadou Issoufou, que des opposants comme Hama Hamadou, Séni Oumarou ou Mahamane
Ousmane n’hésiteront pas à exploiter.
A moins d’un an de
la présidentielle, Mahamadou Issoufou devra, s’il veut se donner les chances de
prolonger son bail pour un nouveau quinquennat, s’atteler à régler les
préoccupations existentielles de ses concitoyens, sans fuite en avant.
C’est à ce prix
qu’il arrivera non seulement à faire baisser la température de cette
cocotte-minute actuellement bouillante qu’est la scène politique nigérienne,
mais aussi à prémunir son pays contre la menace terroriste venue du Nigeria
voisin, en rassemblant les Nigériens autour de l’essentiel et non en niant les
réalités socio-politiques.
Amadou Gadiaga
(*) Titre original : « Revendications
sociales au Niger : Mahamadou Issoufou saura-t-il gérer la
cocotte-minute ? »
Source : Le Pays (BF) 08 juin 2015
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