lundi 15 juin 2015

Barreau OHADA. Les avocats ivoiriens vent debout contre un projet français aux relents néo-colonialistes.

Interview de Me Adou Marcel Beugré, bâtonnier de l’Ordre.

Vous avez déclenché instantanément une marche devant le palais de justice avec des pancartes ce jour (jeudi 11 juin) pour protester contre un projet qui ne rencontre pas votre adhésion. De quoi s’agit-il exactement ?
Ce qui nous amène à faire cette marche c’est que depuis le lundi 8 juin, un avocat français du barreau de Paris et chargé des relations extérieures m’a fait parvenir un mail concernant un projet de création d’un barreau OHADA, c'est-à-dire un barreau près la Cour commune de justice et d’arbitrage. Nous sommes étonnés de voir qu’un tel projet, qui concerne au premier chef les barreaux africains, soit porté par un barreau français. A ce que je sache, le barreau français n’est pas membre de l’espace OHADA. Ce projet qui a été muri depuis longtemps et porté à la connaissance de nos autorités, notamment de notre ministre de tutelle, devait être présenté lors du Conseil des ministres de l’OHADA qui devait se tenir le mercredi 10 juin 2015 à Yamoussoukro. Nous sommes étonnés qu’un projet d’une telle envergure existe et que le barreau de la Côte d’Ivoire, où se trouve le siège de la Cour commune de justice et l’OHADA, et l’ensemble des barreaux OHADA et surtout de l’UEMOA n’aient pas été informés de cela. J’estime qu’il s’agit pour nous d’un projet que nous ne devons pas porter parce que les barreaux de l’espace OHADA ne sont pas du tout pour un tel projet. Il s’agit d’un projet pensé par quelques avocats africains et le barreau de Paris. Nous estimons que si un tel projet paraissait opportun pour les Africains, eux-mêmes devaient pouvoir porter ce projet. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’il y a lieu de protester vigoureusement contre un projet qui a des allures de néo-colonialisme.

Avez-vous eu connaissance que les autorités ont été saisies de ce projet ? Si oui, quelle a été leur réaction ?
Les autorités sont informées de l’existence de ce projet, mais elles ne nous ont pas saisis ; c’est pourquoi nous réagissons. Nous estimons que c’est un projet qui concerne les praticiens que nous sommes, c’est-à-dire les barreaux de l’espace OHADA. Si ce projet doit être présenté à une réunion aussi importante que celle du Conseil des ministres de la Justice de l’OHADA, nous pensons que nos autorités auraient dû nous en informer pour qu’on y adhère. Ce projet doit faire l’objet de discussions entre les premiers concernés, c’est-à-dire les Africains, ceux des barreaux de l’espace OHADA, avant qu’il ne soit porté devant un Conseil des ministres.

Pensez-vous que la présence en Côte d’Ivoire de la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, était pour quelque chose dans la mise en œuvre de ce projet ?
Nous le pensons légitimement. Nous pensons que madame la ministre de la Justice de la République française est venue certainement pour signer des accords de coopération judiciaires ; mais nous pensons qu’elle était aussi là pour soutenir et porter avec le barreau de Paris ce projet que nous récusons.
 
 
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Source : LE NOUVEAU COURRIER 12 Juin 2015

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