Aujourd’hui,
la parole est à Paul Akoto Yao, qui aurait été « l’une des attractions de la
3e journée d’hommage aux femmes du ministère de l’Education
nationale et de l’Enseignement technique (MENET) ». Décoré à cette
occasion « pour son apport à l’éducation de plusieurs générations de la jeunesse
ivoirienne », l’ancien ministre de l’Education nationale manifesta sa
gratitude à Dominique Ouattara et Kandia Camara, les organisatrices de
l’événement, en leur tenant ce discours qui mérite d’être connu dans son
intégralité, tant pour ce qu’il dit de ses bienfaitrices, que pour ce qu’il
nous révèle de lui-même.
(D’après Le Sursaut 13 avril
2015)
« Je viens juste d’être appelé à ce micro. Je
vais donc laisser parler mon cœur en demandant votre indulgence et votre
mansuétude pour ce qui vous paraitra incongru. Dans notre métier, il y a ce
qu’on appelle la rhétorique déclamatoire. Et cela commence toujours par un
prologue de discours. Le général De Gaulle avait dit, parlant du maréchal
Pétain, que la vieillesse était un naufrage. Et don Diègue disait aussi : « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse
ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? ». Vous venez de
nous démontrer, nous autres les anciens, que la vieillesse n’est ni un
naufrage, ni un ennemi. Bien au contraire, comme le dit l’Evangile, en
vieillissant, on se bonifie, on se fructifie en gardant la sève et la même
verdeur. Ce qui est une grâce. Donc je dirai : Ô grâce ! Ô gloire ! Ô vieillesse amie ! N’avons-nous tant vécu que
pour cette ultime et sublime reconnaissance de la nation qui d’habitude se fait
post mortem ? Je suis au nom de tous ému. Victor Hugo a dit que les
émotions n’ont pas de mots. Mais je vais m’efforcer de dépasser l’émotion du
jour pour vous parler.
...Vous croyez voir la sage et lumineuse Aspasie là où tant d’autres n’ont jamais vu qu’une Thaïs. |
Madame le ministre, triomphante... |
Madame Kandia Camara, je vous ai connue à l’époque du
grand bahut, sous Badinot. Vous avez toujours été une femme d’engagement. Une
femme de détermination et une femme de courage. L’autre jour dans le secret de
votre cabinet, ce n’était pas pour vous conter fleurette, je vous ai dit que
j’étais tout admiratif. Pourquoi ? Vous représentez un symbole. Et ce symbole,
nous le devons au président Alassane Ouattara. C’est la première fois dans
l’histoire de notre pays qu’une femme gère le complexe et difficile ministre de
l’Education nationale et de l’Enseignement technique.
La France a suivi cet exemple qu’a donné le président
Alassane Ouattara. Car c’est la première fois aussi en France qu’une femme
tient le ministère de l’Education nationale. Je voudrais dire aussi que nous
sommes pleins d’admiration pour toutes les femmes qui sont présentes parce que
maintenant vous parlez d’égal à égal avec les hommes et non pas d’égaux à
égaux. Parce qu’en parlant d’égaux à égaux, nous les hommes croyions avec
condescendance que nous avions une certaine supériorité vis-à-vis de ce qu’on
appelle le sexe faible. C’est de la prétention. La femme est non seulement
génitrice. Mais elle est éducatrice par essence et par devoir. Et c’est
justement pour toutes ces femmes ici présentes et qui sont du ministère de
l’Education nationale et de l’Enseignement technique, vous avez pour mission
non seulement pour donner le savoir, le savoir-faire et le savoir-être par le
vouloir, par le pouvoir mais qui est la saine autorité et non pas par la voie
qui est l’argent. Car le métier que nous avons choisi n’est pas un métier
d’argent. C’est un métier que nous avons charge d’âmes. Ou comme le disait
Montaigne, nous ne remplissons pas des coupes, mais nous allumons des feux dans
les esprits des jeunes qui nous sont confiés. On ne vient pas à l’éducation
nationale pour s’enrichir. Mais le prix que nous avons pour ce que nous donnons
de nous-mêmes pour le service de la nation qui est un devoir de vérité c’est
cette récompense que vous nous donnez aujourd’hui. Et ce prix-là vaut tous les
milliards.
C’est pour cela que je voudrais vous remercier de nous
avoir conviés en vous disant notre disponibilité pour offrir notre expérience à
votre compétence. On n’a pas besoin d’être nommé ou d’être payé pour servir la
nation. Le devoir d’éducation se fait toute la vie. C’est pour cela qu’on parle
de formation continue et continuée. Et plus que jamais dans ce système où le
maître n’est plus le magistère parce que les sources d’information sont telles
que lorsque vous arrivez l’élève qui est studieux croit savoir plus que vous.
Mais il ne sait rien car c’est une illusion. Il faut lui montrer quel est
l’essence de ce qu’il croit savoir. Parce que si vous parlez de Platon et qu’il
croit savoir tout de Platon, il ne sait pas dans quel contexte philosophique
Platon a élaboré sa philosophie. Donc vous avez un métier difficile. Mais c’est
un métier qui est passionnant. C’est un métier de devoir. C’est un métier de
vouloir. C’est un métier de pouvoir mais avec la saine autorité et non par la
dictature. Je voudrais vous remercier de nous avoir conviés à ce sublime
déjeuner des dieux. Et comme je le dis toujours : au déjeuner des dieux,
il faut savoir quitter la table.
Je vous remercie.
Notre commentaire
Vous avez parfaitement raison, Paul Akoto Yao, la
vieillesse n’excuse rien. Mais c’est vrai aussi que parfois elle empêche de
faire ce qu’on devrait. C’est ce que regrettait don Diègue, qui, sagement, s’en
remit à son fils – qui n’était pas encore le Cid – quand il eut à se venger de
don Gormaz qui l’avait insulté. Vous faites un autre contresens quand vous
rapprochez la boutade de De Gaulle à propos du traitre Pétain des vers que
Corneille a mis dans la bouche de son vieil Espagnol, sans préciser qui sont
ces deux personnages. Que don Diègue n’est pas un de ces hommes qui aiment mieux
vivre couchés que mourir debout, et que vous admirez tant. Que ce n’est pas la vieillesse
de Pétain qui explique sa politique de collaboration avec l’occupant hitlérien
mais une hostilité, pour ainsi dire consubstantielle, à la forme républicaine
de l’Etat. C’est donc un cas qui corrobore la parole de l’Evangile à laquelle
vous faites allusion, du moins en partie : il n’est pas certain qu’on se
bonifie en vieillissant, mais il est vrai qu’on reste toute sa vie,
fondamentalement, la même personne. A preuve, votre propre cas. Ce n’est évidemment
pas l’âge que vous avez aujourd’hui, mais votre longue macération dans l’houphouétisme
qui explique l’incroyable flagornerie à laquelle vous vous êtes livré devant cette
femme que vous semblez idolâtrer. Tout ce que vous en dites prouve seulement qu’en
bon disciple d’Houphouët que vous êtes, vous vivez toujours dans l’espèce de mauvais
conte de fée que fut le règne de votre maître. Cette femme, vous prétendez la connaître
mais, de toute évidence, vous ne savez rien d’elle. Et c’est pourquoi vous croyez
voir la sage et lumineuse Aspasie là où tant d’autres n’ont jamais vu qu’une Thaïs.
C’est seulement parce que vous nagez toujours dans cet univers d’illusions et
de faux-semblants que vous voyez les choses ainsi. Un univers où vous n’avez
pas cessé de nager depuis que, frais émoulu de l’université, vous vous êtes
laissé entraîner par Houphouët dans le sillage de sa trahison. Réveillez-vous !
Marcel Amondji
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire