Plus de 1.000 migrants, partis de Libye, viennent de
terminer leur voyage au fond de la Méditerranée. Qu'en pensent les BHL, les Kouchner
et tous les autres ardents défenseurs des droits de l'homme ?
Les cercueils des victimes
du naufrage d’un bateau de migrants ...
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Dieu que la guerre menée au nom du droit d'ingérence, des droits de l'homme
était jolie ! Quatre ans après la destruction du régime Kadhafi et le début du
conflit syrien, nos belles consciences occidentales découvrent avec horreur que
la guerre, ça tue, ça provoque des millions de déplacés et ça ne donne pas
toujours les résultats escomptés. Ces grands visionnaires qui promettaient la
démocratie et la paix, sont aujourd'hui sans voix devant les drames répétés
provoqués par le chaos libyen, par l'installation durable de Daesh à quelques
centaines de kilomètres des rives de l'Europe. Ils étaient beaucoup plus
flamboyants quelques années plus tôt. Ecoutons-les de nouveau.
L'alibi droit-de-l'hommiste
Bernard-Henri Lévy d'abord, celui qui a fourni à Nicolas Sarkozy une
vitrine droit-de-l'hommiste pour intervenir en Libye, les motivations de
l'ancien président, que la justice française tente de percer, étant beaucoup
plus obscures. Parmi ses nombreuses envolées lyriques, retenons celles-ci :
Naufrage en Méditerranée
(blog.surf-prevention.com)
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Dans une interview publiée en 2011 sur son propre blog, BHL le proclame
haut et fort: « Quoiqu'il arrive, la
nouvelle Libye sera meilleure ». Avant de se réjouir : « La Libye n’a jamais été un pays, sauf
aujourd’hui. Eh oui ! Cette guerre atroce a eu au moins ce mérite : elle a
forgé une espèce d’unité. L’épreuve du feu, la fraternité des combats ont fait
mille fois plus pour le nouage du lien national qu’un dictateur fou et imbécile
qui brisait, lui, méthodiquement, toute forme de société civile ».
Dans un long article que lui consacre Paris-Match, notre vrai faux
philosophe s'auto-congratule : « Si
les petits Libyens des décennies futures apprennent qu’un écrivain français,
dont ils n’ont jamais entendu parler et juif de surcroît, a joué un rôle dans
leur liberté, ce sera bien. Je serais content, oui ».
« Libye, je ne regrette rien »
Toujours en 2011, il dit avoir du mal à imaginer les Libyens « accepter
la férule d'une conception archaïque de la loi ». « Je les imagine encore moins, après tant de sacrifices, après ces
huit mois de combat exemplaire pour la liberté et les libertés, après ces 42
ans de dictature dont ils sortent exsangues mais la tête haute, renoncer à
leurs propres conquêtes. » Même si la tournure des événements
lui donne tort, il ne se laisse pas démonter : « Libye : non, bien sûr, je ne regrette rien ! », proclame-t-il
sur son blog en 2014. Entretemps, le général Lévy a enfourché un nouveau cheval
de bataille contre Assad, le dictateur syrien. Il a même réussi à se faire
recevoir à l'Elysée par François Hollande, avec une brochette de généraux
kurdes.
(k00ls.overblog.com)
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Deuxième cas d'école, celui de Bernard Kouchner, le chantre du devoir
d'ingérence, ancien ministre des Affaires étrangères de Sarkozy, avant
l'intervention libyenne. Devant le spectacle effroyable des boat-people
naufragés, il demande la création d'une « flottille européenne de secours ».
« Avant toute chose, jetons une
bouée à ces gens qui se noient ! » Au moins ne pourra-t-on pas
l'accuser de non-assistance à personnes en danger! En 2011, il était l'un des
thuriféraires de l'intervention de Sarkozy en Libye, déclarant, dès mars, que
l'ancien président avait été « courageux » en reconnaissant les
représentants de l'opposition à Kadhafi. Et d'un revers de main, le french doctor balayait les
réserves de l'Union européenne sur les initiatives de la France et de la Grande-Bretagne
: « C'est toujours comme ça, il y a
des gens qui mettent en garde et puis il y a des gens qui avancent... Assez
de dérobades ! Assez de pusillanimité ! L'avenir démocratique de la Syrie
requiert une aide décisive », s'insurge-t-il en 2012, avec pour
compagnons de signature d'une tribune libre du Monde, BHL et André Glucksmann,
un « nouveau philosophe », comme Pascal Bruckner, qui militait lui aussi
en 2011 pour une intervention en Libye. Voilà donc la guerre menée au nom
de la philosophie, ce mot grec qui signifie « amour de la sagesse » !
La liste est longue des va-t-en-guerre occidentaux. L'Européen Daniel
Cohn-Bendit n'est pas le dernier de la liste. Il a plaidé pour des
interventions occidentales en Libye, puis en Syrie. Mais en dénonçant
simultanément, dès 2013, la « politique aberrante d'immigration»
menée par l'Europe et en prévoyant son échec. « Il faut ouvrir l'Europe, donner une possibilité légale de rentrer en
Europe, tant qu'on ne le fera pas, on aura les horreurs de Lampedusa,
déclarait-il à l'époque ».
Un couvercle sur la marmite
Et leur emboîtant le pas, les précédant même souvent, le socialiste
François Hollande, partisan forcené d'une guerre totale à Assad en Libye,
brandissant partout un étendard des droits de l'homme qui lui tient lieu de
politique étrangère. Emboitant allègrement le pas de Sarkozy. Allant, dès
septembre 2012, réclamer aux Nations Unies « qu'elles accordent dès
maintenant au peuple syrien toute l’aide, tout le soutien qu’il demande,
notamment que soient protégées les zones libérées et que soit assurée une aide
humanitaire aux réfugiés ».
Le président français ne sait-il pas qu'au bout de la chaîne mondiale
d'impuissance, il y a, toujours et encore l'ONU, incapable de résoudre les
crises majeures, seulement apte à installer un couvercle sur la marmite des
conflits existants, de voter des résolutions. Et de verser des larmes de
crocodiles sur le sort des pauvres, des victimes de guerre. A l'instar de Ban
Ki Moon, son secrétaire général, qui se dit « choqué et profondément
attristé » après le dernier naufrage de clandestins en Méditerranée.
Par Philippe Duval
Source : Mondafrique
21 Avril 2015
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