A l’occasion du simulacre de congrès qui vient de reconduire
à la direction nationale du Pdci-Rda d’Henri Konan Bédié, l’un des hommes peut-être
les moins dignes de l’être depuis qu’il s’est spécialisé dans le rôle de
faire-valoir de Ouattara, nous offrons à nos amis lecteurs
et sympathisants ce billet de notre collaborateur Marcel Amondji.
Article prémonitoire
mais, paraît-il, fort mal compris lors de sa première parution dans Téré, l’éphémére
organe du Parti ivoirien des travailleurs (Pit), sous son titre original :
« Gardons nos rêves… ».
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« Gardons nos
rêves… »
Houphouët aura joué
bien des mauvais tours à ceux qui, les premiers, l’aidèrent à se hisser sur les
sommets où il se tient, mais le plus mauvais de tous ses tours fut, sans aucun
doute, celui qui eut pour conséquence cette désaffection des Ivoiriens – des
plus jeunes surtout – vis-à-vis de tout ce qui touche à ces temps cruels et
héroïques où la Côte d’Ivoire naquit à l’histoire comme nation,
c’est-à-dire : comme « volonté consciente d’elle-même » et tendue
vers cet idéal : recouvrer la dignité des femmes et des hommes qui la
composent.
Parlez, à des jeunes
Ivoiriens, des années 1944, 1946, 1949 ou 1950, ils vous riront au
nez : « Et en quoi cela nous
concerne-t-il ? Nous n’étions pas nés. » Ou « Nous étions trop petits. Ce qui nous intéresse, c’est
aujourd’hui ; c’est demain. C’est notre avenir… »
Et comment ne pas en
convenir avec eux ! C’est, en effet, cela, leur avenir, qui est
véritablement important !
Mais aussi, comment
ne pas être inquiet ? Quel avenir pourront-ils construire, ces jeunes,
s’ils ignorent ce que firent (ou furent) leurs pères et leurs
grands-pères ; s’ils ignorent pourquoi ils le firent, et, aussi, pourquoi
ils échouèrent. Et s’ils ignorent comment il s’est fait qu’eux, les enfants et
petits-enfants de ces hommes, ils méprisent si ouvertement le rêve qu’ils
firent il y a 45 ou 50 ans ; le rêve auquel ils sacrifièrent le meilleur
d’eux-mêmes, mais qu’ils ne purent réaliser ?
La désaffection de la
jeunesse vis-à-vis de tout ce qui touche au Pdci dans son acception actuelle
est normale, hélas ! Et il serait absurde de la lui reprocher. Le seul
coupable, c’est Houphouët. C’est lui qui a fait un repoussoir de ce nom qui fut
si glorieux en 1949 et en 1950. Aujourd’hui, la jeunesse rejette le Pdci parce
qu’elle rejette Houphouët avec ceux qui permirent son ascension et ceux qui
favorisèrent son maintien. Cela est normal. Cela est sain, même. C’est la
preuve que la jeunesse ivoirienne a faim d’autre chose que de faux-semblants et
de mensonges.
Et il est tellement
vrai que, depuis 1951, ce qu’on appelle le Pdci n’est qu’un faux-semblant et
qu’un mensonge !
Mais, faut-il, avec
l’eau de son bain, jeter aussi l’enfant ?
Au-delà d’un sigle
devenu méprisable comme ceux qui s’en couvrent pour mieux tromper le peuple, il
y a tout l’héritage des martyrs de notre mouvement anticolonialiste. La
véritable tradition historique du Pdci-Rda est le patrimoine de tous les
Ivoiriens, quel que soit leur âge. « Le Pdci, a dit un jour Philippe
Yacé dans un étrange éclair de lucidité, le Pdci a été une patrie ! »(*)
Notez bien l’emploi de ce passé révolu : « Le Pdci a été… ». Il ne l’était donc plus en
1970 !
Oui ! Le Pdci a
été une patrie… Jusqu’en 1950. Et c’est cela, le Pdci en tant que patrie, que,
depuis 1951, Houphouët s’est acharné à nous faire oublier, avec la complicité
passive ou active de Philippe Yacé et de quelques autres.
Faut-il que nous leur
donnions ce bonheur, de les laisser tous mourir avec le sentiment d’avoir
réussi leur coup ? Or c’est le risque que l’on prend lorsque, pour
désigner le ramassis d’arrivistes et de carriéristes qui grouillent aux pieds
d’Houphouët, et dont les médiocres ambitions et l’appétit d’argent et de titres
ont fait de notre patrie cette ruine, on traîne, à leur exemple, le nom de Pdci
dans la boue.
Gardons-nous de
rejeter les idéals de nos pères et de nos grands-pères avec ceux qui ont manqué
à leurs devoirs envers eux. Laissons-leur le sigle, cette coquille aujourd’hui
vide, puisqu’ils y tiennent tant – ainsi le vice rend hommage à la vertu –,
mais gardons ce qu’il a représenté pour des millions de simples gens de ce
pays.
Gardons notre rêve séculaire d’une
patrie à reconquérir et à faire prospérer.
Marcel Amondji
(Téré n° 20 du 19 au 25 avril 1991)
(*) -
Actes du Ve Congès du Pdci-Rda, 1970.
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