Une libre opinion de Jean-Claude Djéréké
À en croire plusieurs médias, les dirigeants africains voudraient profiter
de leur réunion des 12 et 13 octobre 2013 à Addis-Abeba pour voter un retrait de
leurs pays de la Cour pénale internationale (CPI). Alors que beaucoup
d’Africains s’attendent à ce que l’Union africaine (UA) passe de la volonté à
la décision, Kofi Annan estime qu’un tel retrait serait “une marque
de honte”
pour l’Afrique. Nous sommes évidemment contre les crimes contre l’humanité et
crimes de guerre et nous tenons à ce que justice soit rendue à toutes les
personnes qui ont souffert des génocides et guerres ici ou là en Afrique. Bien
sûr que nous déplorons et condamnons la mort prématurée de tant d’hommes et de
femmes, victimes innocentes de la violence de politiciens cupides et assoiffés
de pouvoir, mais nous pensons en même temps qu’un homme sensé et épris de
justice ne devrait pas accepter cette justice sélective à laquelle nous assistons
depuis quelques années et qui n’a jamais inquiété Mitterrand, George W. Bush,
Cameron, Chirac et Sarkozy qui ont pourtant fait pire que certains chefs d’État
africains en matière de tueries au Rwanda, en Irak, en Afghanistan, en Libye et
en Côte d’Ivoire. Nous disons “non” à cette justice qui condamne Charles Taylor
à 50 ans de prison mais laisse impunis les nombreux crimes de Blaise Compaoré
au Burkina, au Liberia, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire. Si le sieur Annan
est opposé au retrait des pays africains d’une CPI raciste et néocolonialiste,
c’est qu’il n’a tiré aucune leçon des souffrances endurées par l’Afrique depuis
plusieurs siècles. Même le génocide rwandais (avril-juin 1994), qu’il fut
incapable d’empêcher alors qu’il en avait les moyens, ne l’a pas instruit
car c’est bien avec sa complicité que Chirac et Sarkozy ont massacré de
nombreux Ivoiriens en novembre 2004 et avril 2011. Si Annan comprenait quelque
chose à la tragédie de l’Afrique, si ce continent lui tenait vraiment à cœur,
s’il était un Africain libre et digne, il n’aurait pas raisonné comme [il l’a
fait] lors de son passage au Cap (Afrique du Sud) le 8 octobre dernier, en
qualifiant le retrait de l’Afrique de la CPI de honteux. Si quelqu’un devrait
avoir honte, ce ne sont pas les courageux présidents africains qui désirent
quitter une organisation utilisée par l’Occident pour humilier les Africains,
mais celui qui est prompt à défendre des gens qui croient avoir reçu de je ne
sais quel Dieu le mandat ou la mission d’humilier, de voler, violer et tuer
constamment le Noir. M. Annan, ce n’est pas la Commission africaine de l’UA,
dirigée par la Sud-Africaine Mme Dlamini-Zuma, qui devrait éprouver de la honte
mais le “peau noire, masque blanc” et suppôt de l’Occident que vous êtes !
C’est vous qui faites honte à l’Afrique et ne cessez de la déshonorer. Mais
faut-il vraiment s’étonner que l’ancien secrétaire général de l’ONU se comporte
de la sorte ? Est-il surprenant qu’il se soit dressé contre les partisans d’une
Afrique digne et libre ? Non, car, à voir les choses de plus près, le Ghanéen
fait partie, avec les Sénégalais Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, le Béninois
Albert Tévoédjrè, de “cette génération de diplômés africains ayant choisi de
trahir leur continent pour mener une médiocre carrière personnelle”. Quand
cette génération s’exprime, c’est l’Occident qui s’exprime en elle. Quand elle
élève la voix, c’est la voix du maître qu’il convient d’entendre. On
commettrait donc une grave erreur en croyant que les propos tenus par Annan en
Afrique du Sud viennent de lui. Personne ne devrait le prendre au sérieux. Tel
un perroquet capturé en brousse, il ne fait que répéter ce que pense et dit
l’Occident depuis que les Africains ont découvert le parti pris et la
supercherie de la CPI. En somme, il mène le combat de l’Occident, car
pourquoi n’a-t-il jamais demandé qu’Alassane Dramane Ouattara, Guillaume Soro,
Chérif Ousmane, Issiaka Ouattara, Ousmane Coulibaly alias Ben Laden, Koné
Zakaria et autres criminels soient arrêtés et jugés, eux que toutes les
organisations de défense des droits de l’homme accusent d’avoir commis de
graves violations des droits humains ? Pourquoi ne dénonce-t-il pas la
non-assistance à personnes en danger à l’origine de la mort de plus de 300
migrants africains à Lampedusa (Italie) ? Pourquoi n’a-t-il pas le courage de
dire aux Occidentaux que si des Africains sont de plus en plus attirés par
l’Europe, c’est en partie parce que l’Occident a pillé et appauvri leurs pays
comme l’a bien démontré l’économiste française Viviane Forrester ? Bref, Annan
n’a jamais réfléchi par lui-même et pour lui-même. Ceux qui, comme lui, sont
incapables de penser différemment du Blanc sont malheureusement légion car on
les trouve aussi dans le monde universitaire et les congrégations religieuses. Voltaire
les appelle des laquais qui ont l’impression de s’approprier la puissance de
leurs maîtres en imitant leurs vices : pratique de l’homosexualité et de la
pédophilie ou appartenance à des sociétés secrètes comme la Franc-Maçonnerie ou
la Rose-Croix. Indignes et immoraux, les pions de l’Occident peinent à réaliser
que “c’est le colonialisme qui crée le patriotisme des colonisés” et que,
“quand un peuple n’a d’autre ressource que de choisir son genre de mort, quand
il n’a reçu de ses oppresseurs qu’un seul cadeau, le désespoir, c’est son
malheur qui deviendra son courage” et que “cet éternel refus que la
colonisation lui oppose, il en fera le refus absolu de la colonisation”. Tout
ceci pour dire que les divagations de Kofi Annan sont sans intérêt pour nous.
Les Africains qui se sont mis à la remorque de l’Occident comme lui pour leur
petit confort personnel ne méritent que d’être ignorés et méprisés. La seule
chose que nous devrions suivre avec attention, c’est la prochaine assemblée de
l’UA : les dirigeants africains iront-ils jusqu’au bout de leur projet de ne
plus faire partie de la CPI qui semble avoir été créée pour le malheur des
Africains ? À leurs risques et périls, oseront-ils vraiment se retirer de la
CPI ? S’il a lieu, ce retrait ne sera cependant pas suffisant. Il faudra aller
plus loin dans la prise en main de notre destin. Par exemple, veiller à
soutenir ouvertement et massivement les chefs d’État africains que l’Occident
trouve gênants ou peu accommodants comme la Southern African development
community (SADC) a soutenu Robert Mugabe quand Tony Blair et David Cameron
voulaient le renverser, créer notre propre banque de développement plutôt que
de continuer à passer sous les fourches caudines du FMI et de la Banque
mondiale dont les programmes d’ajustement structurel se sont révélés pires que
la maladie dont souffraient les économies africaines, boycotter
systématiquement les présidents installés au pouvoir et/ou soutenus par
l’Occident, doter enfin le continent d’une télévision et d’une radio capables
de rivaliser avec Al Jazeera. C’est en s’engageant dans cette voie que
l’Afrique pourra montrer qu’elle a changé de cap et qu’elle donnera raison à
Clemenceau quand il disait : “Il n'y a pas de droit des nations dites
supérieures contre les nations inférieures. Il y a la lutte pour la vie.” Si
l’Afrique ne veut pas mourir, elle est obligée de lutter. Et la lutte finit par
payer. En conclusion, retenons que nous n’avons pas de temps à perdre avec les
objurgations et gesticulations des valets de l’Occident. La seule chose sur
laquelle nous devrions nous concentrer parce qu’elle ferait plaisir aux
nationalistes africains brisés ou assassinés par l’Occident, c’est le combat
pour “une rupture et non un compromis [car le colonisé] a été arraché de son passé
et stoppé dans son avenir, ses traditions agonisent et il perd l’espoir
d’acquérir une nouvelle culture, il n’a ni langue, ni drapeau, ni technique, ni
existence nationale ni internationale, ni droits, ni devoirs : il ne possède
rien, n’est plus rien et n’espère plus rien. De plus, la solution est tous les
jours plus urgente, tous les jours nécessairement plus radicale. Le mécanisme
de néantisation du colonisé, mis en marche par le colonisateur, ne peut que
s’aggraver tous les jours”. Et, quelques lignes plus loin, Albert Memmi ajoute
: “Plus l’oppression augmente, plus le colonisateur a besoin de justification,
plus il doit avilir le colonisé, plus il se sent coupable, plus il doit se
justifier, etc. Comment en sortir sinon par la rupture, l’éclatement, tous les
jours plus explosif, de ce cercle infernal ? La situation coloniale, par sa
propre fatalité intérieure, appelle la révolte. Car la condition coloniale ne
peut être aménagée ; tel un carcan, elle ne peut qu’être brisée.” Pourquoi
continuer à parler de colonisation alors que les Africains ont pris les rênes
de leurs pays depuis 1960 ? Parce que la vraie décolonisation n’a jamais eu
lieu.
"C’est vous qui faites honte à l’Afrique..." |
J.-C. Djéréké
Sous cette rubrique, nous vous proposons des
documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec
l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que
par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension
des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : CIVOX.
NET 12 Octobre 2013
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