dimanche 27 octobre 2013

Faute de réseau africain, François Hollande met l’armée en première ligne

Le temps des émissaires à la réputation sulfureuse, des visiteurs du soir
François Hollande et sa compagne
en Afrique du Sud le 14 octobre.
(AFP/Fred Dufour)
pénétrant discrètement au Château par la "grille du coq", est révolu. La cellule
Afrique de l'Elysée n'existe plus, la coopération, qui fut pendant plus de cinq décennies le ministère officieux chargé des affaires du continent, a cédé la place à un plus politiquement correct ministère délégué au développement, confié qui plus est à un écologiste, Pascal Canfin. Un diplomate proche de François Hollande en atteste : "Quand nous sommes arrivés, des gens appelaient l'Elysée en expliquant qu'il fallait recevoir tel ou tel… Aujourd'hui, il n'y a plus de parasites."
 
A tel point, d'ailleurs, qu'aucune figure forte n'incarne désormais la politique africaine de la France. "Pour l'Afrique, il n'y a plus personne", lâche avec un brin de désarroi un ancien ambassadeur. La réalité est plus nuancée. François Hollande, qui n'a jamais eu d'appétence particulière pour l'Afrique, est arrivé à l'Elysée vierge de tout réseau sur ce continent. Durant ses onze années à la tête du PS, il avait fréquenté, dans le cadre de l'Internationale socialiste, plusieurs leaders africains aujourd'hui au pouvoir, comme le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Guinéen Alpha Condé, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta. Mais il n'a pas construit d'amitiés fortes.
LES VIEUX AFRICANISTES DU PARTI SOCIALISTE À DISTANCE
François Hollande appelle, reçoit, mais garde ses distances avec les chefs d'Etat et les vieux "africanistes" du Parti socialiste. Le président "normal" entend construire une relation normale avec la seule région du monde où la France maintienne une influence démesurée par rapport à sa puissance réelle.
Son équipe est à l'image de cette ambition. Installés dans ce qui fut le temple de la "Françafrique", les bureaux du 2 rue de l'Elysée, la diplomate Hélène Le Gal, la nouvelle "Mme Afrique", et son adjoint, l'ex-responsable Afrique du PS Thomas Melonio, ne ressemblent en rien à leurs prédécesseurs. Ils n'ont servi dans aucune grande ambassade du pré carré et sont plus sensibles au respect des droits de l'homme et à la bonne gouvernance qu'à l'idée de maintenir Paris dans un rôle de gendarme de ses anciennes colonies.
Autres signes évidents d'un changement d'époque, le ministère des affaires étrangères a acquis une influence qu'il n'avait jamais eue jusque-là, et les diplomates chargés des affaires africaines ont pour l'essentiel fait leurs classes en Afrique de l'Est, où le rayonnement de la France est minime. "Les modernes l'ont emporté sur les anciens, mais, avec ce changement de génération, on a perdu une expertise dans les pays où il existe encore une forte demande à l'égard de la France", analyse Yves Gounin, l'auteur de La France en Afrique (De Boeck, 2009).
ABSENCE DE STRATÉGIE
Plus acide, un diplomate remarque l'absence de stratégie française sur le continent. "Le problème de François Hollande, c'est qu'il ne veut pas être sur la photo avec Denis Sassou-Nguesso, mais qu'il se doit de préserver nos intérêts à Brazzaville… La fin de la Françafrique, comme doctrine, c'est un peu court. Délaisser les vieilles relations, c'est bien, mais ça n'en fait pas naître de nouvelles."
Reste que près de dix-huit mois après son accession au pouvoir, François Hollande a été rattrapé par la realpolitik. La France est intervenue militairement au Mali et renforce ses troupes en Centrafrique. Dans l'ombre du chef de l'Etat, un homme discret a gagné en importance. Déjà auréolé de sa victoire militaire en Libye sous Nicolas Sarkozy, le général Benoît Puga, chef d'état-major particulier du président, est, selon plusieurs observateurs, l'une des personnalités les plus influentes auprès de François Hollande. "A propos du Mali, raconte une bonne source, ce gradé a écouté les diplomates dire qu'il n'y aurait pas d'intervention. Il s'est tu et, quand la situation s'est emballée, il a sorti son plan." Faute de ligne politique claire, les militaires et leurs réseaux restent aujourd'hui les gardiens du temple de la relation franco-africaine. 

Par Cyril Bensimon et David Revault d'Allonnes 

en maraude dans le web
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Source : Le Monde géo et politique 15.10.2013

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