Lors de la cérémonie d'ouverure du 12ème Congrès
du PDCI-RDA, le Président Bédié a procédé à juste titre à un rappel de
l'actualité politique des 20 dernières années dans notre pays. Ce rappel
historique s'avère très utile pour la compréhension du présent et de l'avenir.
Cependant, il le serait davantage pour les
générations futures, s'il prenait en compte les éléments essentiels qui
engagent en toute honnêteté la responsabilité de M. Bédié dans la longue crise
que connaît notre pays. Car les faits sont têtus. Et sont de surcroît des faits
contemporains dont je voulais rappeler ici quelques uns :
Bédié triomphant
après sa reélection à la présidence du Pdci.Rda
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- M. Bédié aurait pu reconnaître la
responsabilité de son Parti dans la déchirure que connait notre Nation en
raison de sa politique de l'ivoirité qui s'est traduite par la
révision des dispositions électorales à la Présidence de la République excluant
Alassane Ouattara et entrainant la rupture de fait de l'équilibre socio-politique
dans notre pays. Que ce soit le Coup d'état de 1999 ou la rebellion de
septembre 2002. La principale revendication des auteurs a été la question de la
recevabilité de la candidature de Ouattara. En initiant une politique à relents
ivoiritaires M. Bédié a causé la fracture sociale de Nation par dissémination
de germes conflictuels exclusionnistes dans un pays dont Houphouet avait fondé
la richesse sur la diversité des peuples et des cultures. Avec sa politique de
l'ivoirité M. Bédié est responsable de la fracture de la nation et de la
cohésion sociale.. Il doit avoir le courage de l'assumer et le confesser. Qui
ne se souvient des écrits terribles de son protégé Tapé Koulou, dont M. Bédié
financait le tristement célèbre journal Le
National, monté de toutes pièces pour divulguer la haine et le venin de M.
Bédié contre Ouattara et les peuples du Nord. Le temps n'est pas synonyme
d'oubli et de perte de mémoire collective.
- M. Bédié a cité les violations de la liberté
d'expression des journalistes sous Gbagbo. J'aurais aimé qu'il cite un seul nom de journaliste mis
en prison sous Gbagbo pour ses écrits par devoir de rigueur intellectuelle. Par contre, ce dont
je me souviens encore comme hier, c'est plûtot M. Bédié qui a fait condamner
Ahmed Bakayoko, alors directeur de publication du journal Le Patriote, pour avoir publié : « Bédié était au stade, le malheur aussi », suite à une
défaite des Eléphants au stade Houphouët-Boigny. L'actuel ministre de l'Intérieur
passera 8 mois à la Maca. C'est toujours sous M. Bédié que la dissolution de la
Fesci a été prononcée. Comme on le fait dans les régimes communistes. Soro
Guillaume, alors secrétaire général de la FESCI, poursuivi par toute la police
nationale. Marcel Dibonan Koné, son ministre de la Sécurité se jouant le grand « shérif »
sur les plateaux de Télé à la recherche de Soro alors « wanted ». Blé
Goudé, secrétaire général à l'organisation de la FESCI, arrêté et enchaîné sur
un lit d'hopital. La Fesci décapitée, dont les membres forment aujourd'hui la
principale ossature de la rebellion de Ouattara, des patriotes de Gbagbo et des
jeunes révoltés de notre pays. Car c'est dans l'adversité que se forgent les
plus grandes révolutions. Tout cela est donc une création de la gestion du
pouvoir d'Etat de M. Bédié. Par contre, je me souviens bien que c'est sous
Gbagbo le dictateur que la loi dépénalisant les délits de presse a bien été
prise en 2004.
- Par ailleurs, c'est encore le « dictateur »
Gbagbo qui a permis à M. Bédié et à M. Ouattara de rentrer au pays suite au
forum de réconciliation nationale que le « sanguinaire dictateur Gbagbo »
a organisé, alors que ceux-ci étaient en exil en France depuis le coup d'Etat
de 1999. Avant que Bédié ne rentre, c'est encore le « dictateur »
Gbagbo qui a aménagé une résidence d'Etat ayant un mur mitoyen avec la
Résidence officielle du Président à Cocody pour y accueillir M. Bédié. Gbagbo
est un dictateur de type particulier qui pendant 8 ans a même continué de
verser le salaire à ses militaires déserteurs qui étaient dans la rébellion.
C'est vraiment trop facile de faire croire que tout a été la faute du seul
Gbagbo, que je n'absous pas pour autant ! Mais il ne peut être seul comptable
du déclin de notre nation. Chacun des soit-disant « 3 Grands »
devrait humblement reconnaître et confesser sa responsabilité pour les
générations futures.
- M. Bédié a aussi parlé de la gestion clanique
du pouvoir Gbagbo. Des cadres du PDCI que le pouvoir Gbagbo aurait démis de
leurs postes. Ne me faites pas rigoler. C'est le monde à l'envers. M. Bédié a
oublié de parler de ce qu'on a appellé les Mercredis
de Bédié. Sur la base de sa politique ivoiritaire, tous les conseils de ministres
étaient l'occasion pour lui de licencier les Directeur général et Président du conseil
d’administration, proches du RDR. C'est ainsi par exemple que N'Golo Coulibaly
(actuel médiateur de la République de Ouattara), alors Président du conseil d’administration
de la Société ivoirienne de raffinage (SIR), était renvoyé sans ménagements au
profit d'un proche de Bédié en plein Conseil d'administration. Alors même que,
la veille au soir, il avait pris part à une réunion avec son ministre de tutelle
Niamien N'goran au cabinet qui n'a pas pris soin de lui remettre son courrier
de limogeage que lui portera en main propre son successeur en plein Conseil d'administration
le lendemain matin. C'est cruel. Et cela forge l'adversité. Pour avoir été conseiller
technique de la plupart des différents Directeurs généraux du BNETD, je connais
encore mieux le cas Ahmadou Gon (actuel secrétaire général de la Présidence),
qui a vécu la pire des injustices au BNETD lorsque M. Bédié a préféré faire
appel à Tidjane Thiam de l'extérieur plutôt que d'opter pour une promotion
interne en faisant confiance à Ahmadon Gon issu de la mauvaise tribu à cette époque de l'ivoirité. Ahmadou Gon devant alors se contenter d'un poste de Directeur
général adjoint oisif sans contenu réel. Il sera contraint à la démission et
rejoindra Alassane Ouattara au FMI qui lui trouvera un point de chute dans son
réseau de cabinets de consultance en Afrique centrale. Et ces exemples de
frustrations des cadres du Nord font légion. C'est depuis cette date que tous ces
cadres proches de Ouattara seront mis à la touche. Et c'est ce que son allié
Ouattara croit vouloir régler en parlant maladroitement de rattrapage ethnique. Par contre, je me souviens bien que c'est la
politique de recrutement par appels à candidature du « dictateur Gbagbo »,
initiée pour le recrutement des dirigeants des régies financières de notre pays,
qui a révélé à la Côte d'Ivoire 3 hauts cadres du PDCI qui ne sont pas de son
ethnie. Diby Koffi, cadre PDCI d'ethnie baoulé (actuel ministre des Affaires étrangères),
alors Directeur général du Trésor, Niamien Konan, d'ethnie baoulé (actuel
ministre de la fonction publique), alors Directeur général de la Douane et Feh Kessé, militant PDCI
(actuel conseiller du Premier ministre Duncan), alors Directeur général des
impôts.
J'aimerais bien avoir le même souvenir d'un tel
haut fait d'équité dans la gestion des Ressources Humaines sous M. Bédié, qui
est un farouche partisan de la gestion clanique et tribaliste de
l'Administration centrale. Allant jusqu'à écrire dans le seul livre dont il est
l'auteur : « Seul le peuple Akan est
prédestiné à la gestion de la chose publique et de l'Etat hérité de la royauté ».
Sans commentaires !
M. Bédié devrait avoir le courage, l'humilité et
l'honnêteté intellectuelle de reconnaître sa très grande part de responsabilité
dans le déclin de notre pays. Hier c'est la constitution du pays qu'il avait
amendé pour empêcher la candidature de Ouattara. Cela a créé le RDR et la
fracture socio-ethnique dans notre pays. Aujourd'hui, ce sont les textes
statutaires du PDCI qu'il [a changés] pour demeurer président à vie du
Parti.... On verra bientôt l'ampleur des dégâts de sa dernière œuvre de
destruction massive de l'héritage du Père fondateur.
Armand Gérard OBOU, ingénieur expert en Économie numérique, libre citoyen
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance
diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne
éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de
la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils
soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des
enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : La Dépêche d'Abidjan 6 Octobre 2013
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