samedi 1 août 2015

UN HÉRITAGE DÉVOYÉ : LE RASSEMBLEMENT DES RÉPUBLICAINS (RDR)

Enrichissement illicite, rattrapage ethnique, promesses fallacieuses…
 
A l’origine, le Rassemblement des républicains se voulait un parti libéral de centre-gauche. Ce positionnement sur l’échiquier ivoirien, affiché dès sa création en juin 1994, lui avait attiré des milliers de militants et sympathisants issus de toutes les chapelles politiques de Côte d'Ivoire.
Le Front populaire ivoirien et les autres formations politiques de la gauche démocratique avaient même conclu une alliance de circonstance avec le RDR, en avril 1995, dans le cadre du Front républicain. Mais avec l’arrivée de monsieur Alassane Dramane Ouattara aux commandes du parti, le Rassemblement des républicains a pris un virage politique inquiétant.
1 - Un virage idéologique radical
Sur cet instantané, on reconnaît, de gauche à droite, Laurent
Gbagbo, la main sur l'épaule de Georges Ouégnin (de dos)
et Djéni Kobenan (au centre) donnant la main à un inconnu.
Avant la disparition de son père-fondateur, feu Djeni Kobenan, courant septembre 1998, le Rassemblement des républicains avait commencé à changer de nature et de visage. Le virage idéologique s’est surtout accentué et radicalisé au début de l’année 1999, suite à l'arrivée de monsieur Alassane Dramane Ouattara à la tête du parti. Ce virage marqué par une nette polarisation régionaliste et religieuse était évidemment contraire à la vision commune de la gauche démocratique ivoirienne. Plus spécifiquement, ce virage idéologique, aggravé par une dérive droitière, en collusion avec le capital international et tendanciellement belliciste, s’avérait incompatible avec la ligne politique et le projet du FPI de Laurent Gbagbo : la transition pacifique à la démocratie et le projet de la refondation nationale. Au fil du temps, le FPI a fini par tourner la page du Front républicain en 1999.
Aujourd'hui, il est difficile d'identifier les nouvelles orientations politiques et idéologiques du RDR des Ouattara, Bakayoko et autres Soumahoro, aux options originelles des premiers compagnons du chef de file des Rénovateurs du PDCI-RDA qui en furent les fondateurs. On comprend aisément pourquoi des personnalités pionnières du parti comme Adama Champion, Mamadou Ben Soumahoro, Hyacinthe Leroux, Zémogo Fofana, Jean Badobré, Vincent Lohoues, Jean Malan, Diakité Coty, Claire Grah, les professeurs Alexandre Ayé Ayé , Jacqueline Oble, Samuel Gadegbékou, Guédé Guinan et bien d'autres encore ont disparu de ses rangs pour les uns, ou sont pour les autres ostracisées par les néothéoriciens et zélateurs de la Charte du Nord comme Hamed Bakayoko. Le RDR d'aujourd'hui est devenu un groupement politique de tendance Ethno-religieuse, antidémocratique et antinationale, qui fait la part belle aux nouveaux prédateurs et partisans du rattrapage ethnique. Loin des idéaux portés par Djeni Kobenan et prônés initialement par ses premiers compagnons, le RDR s'illustre désormais comme un parti conservateur de droite qui privilégie la préférence communautariste et islamiste et qui ne cache plus sa volonté d'étouffer les libertés démocratiques pour établir, par la contrainte, l'hégémonie d'un groupe ethnique sur l'Etat.
2 - Un rattrapage ethnique dangereux
 Les leaders non musulmans du parti sont ainsi progressivement mis sous l'éteignoir. Soro Kigbafori Guillaume, Henriette Dagri Diabaté, Vincent Lohoues, Roger Gnohité, Jacqueline Oble, Alain Lobognon, pour ne citer que ceux-là, sont plus ou moins marginalisés ou écartés des instances de décision stratégiques. De même, dans toutes les régions du pays, le parti s'emploie à faire la promotion de leaders musulmans aux patronymes clairement nordistes tels que les Adama Bictogo à Agboville, Sidiki Konaté à Man, Ali Sylla à Issia, Hien Sié à Adiaké, Mamadou Kano à Aboisso, Soualio Sylla à Tiassalé, Samba Coulibaly à Daloa, etc. La maxime est claire : vivre ensemble chez les autres, mais rester les seuls maîtres chez nous au Nord ! Le rattrapage ethnique est appliqué avec rigueur, comme un principe de gouvernance, dans tous les secteurs de l’administration publique.
L'appartenance à la catégorie privilégiée des nordistes est désormais le critère de sélection aux concours de recrutement à la fonction publique. Le corps préfectoral est ainsi miné aujourd'hui par des nominations préférentiellement nordistes ; les nordistes y occupent 80% des postes de commandement. Cerise sur le gâteau, des chefs de guerre tels que Tuo Fozié à Bouna, Messamba Koné à Guiglo, et Ousmane Coulibaly à San-Pedro, sont bombardés préfets de régions en récompense de leurs hauts faits d'arme dans la rébellion. Les forces armées nationales, pompeusement rebaptisées Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) sont également contaminées par le rattrapage ethnique : la nouvelle race supérieure des nordistes y exerce une domination absolue, aussi bien dans la hiérarchie militaire que dans les rangs des sans grades. Les combattants nordistes pro-Ouattara sont nommés au rang d'officiers sans justifier des niveaux de formation requis. Alors qu'ils avaient brocardé le concept bédiéen de l’ivoirité, les dirigeants du RDR semblent appliquer désormais sans vergogne un nouveau concept, la dioulaïté, à l'excès. Quid des griefs de disparités régionales et de mal développement du grand Nord ! Le principal objectif des nouveaux courtisans-prédateurs de ce parti n'est guère l'amélioration du niveau de vie des populations au Nord. On assiste bien plutôt à l'enrichissement personnel de certains nouveaux dirigeants prétendument originaires du Nord, mais en réalité issus pour la plupart de l’immigration.
3 - Enrichissement et gabegie financière
S'enrichir à tout prix est devenu l'objectif premier des dignitaires du RDR. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens sont mis à profit, y compris le pillage effréné des ressources financières, minières et forestières du pays : la pratique des marchés gré à gré, la corruption sous diverses formes, les détournements de deniers publics, l'exploitation clandestine des domaines forestiers et miniers, les expropriations de tout genre, etc. En définitive, tandis que les Kandia Camara, AdamaTounkara, Kaba Nialé, Moussa Dosso, Afoussiata Bamba et autres voient leurs comptes en banque grimper de manière exponentielle, le grand Nord, comme les autres régions du pays, continue de lutter désespérément contre la pauvreté, le chômage, les pénuries d'eau, la mévente des produits agricoles et la dégradation avancée des infrastructures routières, scolaires et sanitaires. Le grand Nord demeure en effet toujours dans l'attente du bonheur promis en dépit de la propagande tapageuse faite autour des tournées de précampagnes électorales déguisées en visites d'État dans les régions septentrionales où le président Ouattara annonce sans retenue des promesses d'investissements en centaines de milliards. Et pourtant, hormis la réparation des nombreuses casses perpétrées par la rébellion MPCI, qui justifie les travaux de réhabilitation des bâtiments de préfectures et sous-préfectures, de réfection des établissements scolaires et sanitaires, le régime Ouattara n'a guère entrepris véritablement de grands chantiers de développement dans cette partie du pays. De même, malgré les distributions médiatisées de matériels sanitaires de base et divers équipements ménagers au profit des femmes rurales par la Première dame Dominique Ouattara, à travers son ONG, financée du reste sur fonds publics, il n’y a pas en réalité d'amélioration durable du niveau de vie des populations concernées.
Pendant ce temps, les rapports et divers bulletins confidentiels des services secrets étrangers, notamment français et américain, dévoilent chaque jour dans les médias les détournements de plusieurs centaines de milliards des caisses de l'Etat ivoirien vers les comptes privés des plus hautes autorités du régime à l'étranger. Il en est ainsi de la récente découverte des trois comptes bancaires d'une personnalité au sommet de l'Etat avec la vertigineuse dotation de 27 milliards de dollars aux Etats-Unis. A cela s'ajoute le scandale du transfèrement frauduleux des 188,5 milliards des fonds PPTE via des circuits financiers marocains sur les comptes des mêmes personnalités politiques du régime ivoirien dans une Banque en Suisse. Paradoxe des paradoxes ! En lieu et place des bateaux et des pluies de milliards promis, on le sait, en 2010 par le candidat Alassane Ouattara, et attendus sous son régime, c'est plutôt le vol et l'envol des milliards de fonds publics ivoiriens vers des destinations bancaires extérieures qui s'opèrent sous nos yeux. En définitive, on peut conclure que sous Alassane Ouattara, au Nord comme à l'Est, au Sud et à l'Ouest, il n'y a rien de nouveau ! Tout est corruption, enrichissement illicite, rattrapage ethnique, promesses fallacieuses, vanité des vanités et poursuite du vent.  

Klegou Gbakhui (Aujourd’hui/N°941)

 
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Source : CIVOX. NET 1er Août 2015

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