A l’origine, le Rassemblement des républicains se
voulait un parti libéral de centre-gauche. Ce positionnement sur l’échiquier
ivoirien, affiché dès sa création en juin 1994, lui avait attiré des milliers
de militants et sympathisants issus de toutes les chapelles politiques de Côte d'Ivoire.
Le Front populaire ivoirien et les autres formations
politiques de la gauche démocratique avaient même conclu une alliance de
circonstance avec le RDR, en avril 1995, dans le cadre du Front républicain.
Mais avec l’arrivée de monsieur Alassane Dramane Ouattara aux commandes du
parti, le Rassemblement des républicains a pris un virage politique inquiétant.
1 - Un virage idéologique radical
Sur cet instantané, on reconnaît, de gauche à droite, Laurent
Gbagbo, la main sur l'épaule de Georges Ouégnin (de dos)
et Djéni Kobenan (au centre) donnant la main à un inconnu.
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Avant la disparition de son père-fondateur, feu Djeni
Kobenan, courant septembre 1998, le Rassemblement des républicains avait
commencé à changer de nature et de visage. Le virage idéologique s’est surtout
accentué et radicalisé au début de l’année 1999, suite à l'arrivée de monsieur
Alassane Dramane Ouattara à la tête du parti. Ce virage marqué par une nette
polarisation régionaliste et religieuse était évidemment contraire à la vision
commune de la gauche démocratique ivoirienne. Plus spécifiquement, ce virage
idéologique, aggravé par une dérive droitière, en collusion avec le capital
international et tendanciellement belliciste, s’avérait incompatible avec la
ligne politique et le projet du FPI de Laurent Gbagbo : la transition pacifique
à la démocratie et le projet de la refondation nationale. Au fil du temps, le FPI
a fini par tourner la page du Front républicain en 1999.
Aujourd'hui, il est difficile d'identifier les
nouvelles orientations politiques et idéologiques du RDR des Ouattara, Bakayoko
et autres Soumahoro, aux options originelles des premiers compagnons du chef de
file des Rénovateurs du PDCI-RDA qui en furent les fondateurs. On comprend aisément
pourquoi des personnalités pionnières du parti comme Adama Champion, Mamadou
Ben Soumahoro, Hyacinthe Leroux, Zémogo Fofana, Jean Badobré, Vincent Lohoues,
Jean Malan, Diakité Coty, Claire Grah, les professeurs Alexandre Ayé Ayé ,
Jacqueline Oble, Samuel Gadegbékou, Guédé Guinan et bien d'autres encore ont
disparu de ses rangs pour les uns, ou sont pour les autres ostracisées par les
néothéoriciens et zélateurs de la Charte du Nord comme Hamed Bakayoko. Le RDR
d'aujourd'hui est devenu un groupement politique de tendance Ethno-religieuse,
antidémocratique et antinationale, qui fait la part belle aux nouveaux
prédateurs et partisans du rattrapage ethnique. Loin des idéaux portés par
Djeni Kobenan et prônés initialement par ses premiers compagnons, le RDR
s'illustre désormais comme un parti conservateur de droite qui privilégie la
préférence communautariste et islamiste et qui ne cache plus sa volonté
d'étouffer les libertés démocratiques pour établir, par la contrainte,
l'hégémonie d'un groupe ethnique sur l'Etat.
2 - Un rattrapage ethnique dangereux
Les leaders non
musulmans du parti sont ainsi progressivement mis sous l'éteignoir. Soro
Kigbafori Guillaume, Henriette Dagri Diabaté, Vincent Lohoues, Roger Gnohité,
Jacqueline Oble, Alain Lobognon, pour ne citer que ceux-là, sont plus ou moins
marginalisés ou écartés des instances de décision stratégiques. De même, dans
toutes les régions du pays, le parti s'emploie à faire la promotion de leaders
musulmans aux patronymes clairement nordistes tels que les Adama Bictogo à
Agboville, Sidiki Konaté à Man, Ali Sylla à Issia, Hien Sié à Adiaké, Mamadou
Kano à Aboisso, Soualio Sylla à Tiassalé, Samba Coulibaly à Daloa, etc. La
maxime est claire : vivre ensemble chez les autres, mais rester les seuls
maîtres chez nous au Nord ! Le rattrapage ethnique est appliqué avec rigueur,
comme un principe de gouvernance, dans tous les secteurs de l’administration publique.
L'appartenance à la catégorie privilégiée des
nordistes est désormais le critère de sélection aux concours de recrutement à
la fonction publique. Le corps préfectoral est ainsi miné aujourd'hui par des
nominations préférentiellement nordistes ; les nordistes y occupent 80% des
postes de commandement. Cerise sur le gâteau, des chefs de guerre tels que Tuo
Fozié à Bouna, Messamba Koné à Guiglo, et Ousmane Coulibaly à San-Pedro, sont
bombardés préfets de régions en récompense de leurs hauts faits d'arme dans la
rébellion. Les forces armées nationales, pompeusement rebaptisées Forces
républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) sont également contaminées par le
rattrapage ethnique : la nouvelle race supérieure des nordistes y exerce une
domination absolue, aussi bien dans la hiérarchie militaire que dans les rangs
des sans grades. Les combattants nordistes pro-Ouattara sont nommés au rang
d'officiers sans justifier des niveaux de formation requis. Alors qu'ils
avaient brocardé le concept bédiéen de l’ivoirité,
les dirigeants du RDR semblent appliquer désormais sans vergogne un nouveau
concept, la dioulaïté, à l'excès.
Quid des griefs de disparités régionales et de mal développement du grand Nord !
Le principal objectif des nouveaux courtisans-prédateurs de ce parti n'est
guère l'amélioration du niveau de vie des populations au Nord. On assiste bien
plutôt à l'enrichissement personnel de certains nouveaux dirigeants
prétendument originaires du Nord, mais en réalité issus pour la plupart de l’immigration.
3 - Enrichissement et gabegie financière
S'enrichir à tout prix est devenu l'objectif premier
des dignitaires du RDR. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens sont mis à
profit, y compris le pillage effréné des ressources financières, minières et
forestières du pays : la pratique des marchés gré à gré, la corruption sous
diverses formes, les détournements de deniers publics, l'exploitation
clandestine des domaines forestiers et miniers, les expropriations de tout
genre, etc. En définitive, tandis que les Kandia Camara, AdamaTounkara, Kaba
Nialé, Moussa Dosso, Afoussiata Bamba et autres voient leurs comptes en banque
grimper de manière exponentielle, le grand Nord, comme les autres régions du
pays, continue de lutter désespérément contre la pauvreté, le chômage, les
pénuries d'eau, la mévente des produits agricoles et la dégradation avancée des
infrastructures routières, scolaires et sanitaires. Le grand Nord demeure en
effet toujours dans l'attente du bonheur promis en dépit de la propagande
tapageuse faite autour des tournées de précampagnes électorales déguisées en
visites d'État dans les régions septentrionales où le président Ouattara
annonce sans retenue des promesses d'investissements en centaines de milliards.
Et pourtant, hormis la réparation des nombreuses casses perpétrées par la
rébellion MPCI, qui justifie les travaux de réhabilitation des bâtiments de préfectures
et sous-préfectures, de réfection des établissements scolaires et sanitaires,
le régime Ouattara n'a guère entrepris véritablement de grands chantiers de
développement dans cette partie du pays. De même, malgré les distributions
médiatisées de matériels sanitaires de base et divers équipements ménagers au
profit des femmes rurales par la Première dame Dominique Ouattara, à travers
son ONG, financée du reste sur fonds publics, il n’y a pas en réalité
d'amélioration durable du niveau de vie des populations concernées.
Pendant ce temps, les rapports et divers bulletins
confidentiels des services secrets étrangers, notamment français et américain,
dévoilent chaque jour dans les médias les détournements de plusieurs centaines
de milliards des caisses de l'Etat ivoirien vers les comptes privés des plus
hautes autorités du régime à l'étranger. Il en est ainsi de la récente
découverte des trois comptes bancaires d'une personnalité au sommet de l'Etat
avec la vertigineuse dotation de 27 milliards de dollars aux Etats-Unis. A cela
s'ajoute le scandale du transfèrement frauduleux des 188,5 milliards des fonds
PPTE via des circuits financiers marocains sur les comptes des mêmes
personnalités politiques du régime ivoirien dans une Banque en Suisse. Paradoxe
des paradoxes ! En lieu et place des bateaux et des pluies de milliards promis,
on le sait, en 2010 par le candidat Alassane Ouattara, et attendus sous son
régime, c'est plutôt le vol et l'envol des milliards de fonds publics ivoiriens
vers des destinations bancaires extérieures qui s'opèrent sous nos yeux. En
définitive, on peut conclure que sous Alassane Ouattara, au Nord comme à l'Est,
au Sud et à l'Ouest, il n'y a rien de nouveau ! Tout est corruption,
enrichissement illicite, rattrapage ethnique, promesses fallacieuses, vanité
des vanités et poursuite du vent.
Klegou Gbakhui (Aujourd’hui/N°941)
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de
provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne
éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de
la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils
soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des
enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : CIVOX.
NET 1er Août 2015
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