vendredi 21 août 2015

« ADO SOLUTIONS » NE FAIT PLUS RÊVER ABOBO…*

Parce qu’il n’avait jamais véritablement dirigé la Côte d’Ivoire, même s’il fut le Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara était perçu par une partie des Ivoiriens comme le «messie», l’homme de tous les miracles. « ADO solutions », comme l’appelaient certains de nos compatriotes. Notamment ses partisans dont la majorité est originaire du nord du pays. Ils ont soutenu le « frère » dont on disait qu’il est compétent, que les Blancs louent ses services pour mieux gérer leurs pays respectifs.
 
Cerise sur le gâteau de la propagande, des Ivoiriens ont ouï dire qu’Alassane Ouattara possédait des bateaux, des avions et des relations si importantes à travers le monde qu’une fois au pouvoir, les emplois seraient versés en Côte d’Ivoire wahaha (à profusion, selon l’argot ivoirien nouchi) ; aucun jeune ne chômerait ; les Ivoiriens se soigneraient dans les hôpitaux sans débourser un copeck ; le panier de la ménagère serait si garni qu’on pourrait nourrir une famille de 6 personnes avec 1000Fcfa ; y aurait une pluie de milliards sur le pays ; ce serait le vrai miracle ivoirien, rien à voir avec celui éphémère des années 70. Certains jeunes Ivoiriens en étaient si convaincus qu’ils se sont laissé entraîner dans une rébellion armée dès septembre 2002.
 
Bientôt cinq années après l’installation d’Alassane Dramane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire (en avril 2011), la vérité a totalement pris le pas sur le mensonge. Les jeunes gens qui ont pris la Kalachnikov pour la cause Ouattara, ainsi que ces Ivoiriens appâtés par la longue propagande, sont tous redescendus sur terre. Ils ont compris que tout ce qu’on leur a raconté n’était que de l’affabulation. Qu’Alassane Ouattara n’est ni un « messie », ni un faiseur de miracles. Pire, que son prédécesseur immédiat, Laurent Gbagbo, avait mieux fait dans une Côte d’Ivoire occupée à moitié par une rébellion armée que lui dans un pays réunifié. Que le coût de la vie était supportable par les ménages hier qu’il ne l’est aujourd’hui. « Gbagbo Kafissa » (Gbagbo est mieux en malinké), entend-on dire à Abobo, une des dix communes d’Abidjan, généralement perçue comme le fief d’Alassane Ouattara. N’est-ce pas à Abobo que le « Commando invisible » a commis d’innombrables massacres sur des populations civiles soupçonnées d’être des pro-Gbagbo ? N’est-ce pas à Abobo qu’a été recruté le plus gros contingent des « associés », ces supplétifs armés des rebelles ?
 
C’est d’Abobo que vient, depuis plusieurs mois, la forte clameur de déception et de colère relative à la gestion du pays par Alassane Ouattara. Abobo grogne fort. Abobo n’est pas du tout content de « Madou goudron ». Un surnom que les partisans déçus de Ouattara vivant à Abobo lui ont donné. « Ce n’est pas pont ni goudron qu’on mange », disent-ils. Entre grosse colère et profonde déception. Alassane Ouattara, « Madou goudron », n’a plus bonne presse à Abobo où la misère sévit durement comme partout ailleurs en Côte d’Ivoire. Les uns et les autres à Abobo se sont rendu compte que tout n’était que propagande. Mais une propagande aux conséquences meurtrières, puisque des centaines de jeunes gens ont été fauchés dans la fleur de l’âge, après avoir été enrôlés dans une rébellion armée pour « Madou goudron ».
Lorsqu’on écoute des membres de la direction de campagne d’Alassane Ouattara parler de « victoire [de leur candidat] au 1er tour », on croirait entendre Abdoulaye Wade et Nicolas Sarkozy avant leur débâcle électorale de 2012. Ils oublient qu’« ADO solutions » est devenu « Madou goudron ». Que la propagande a été rattrapée par la vérité. L’élection présidentielle de 2015 réservera assurément beaucoup de surprises si la fraude et la violence ne s’en mêlent pas comme en 2010.

Didier Dépry
(*) Titre original : « Madou goudron ». 

 
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Source : Notre Voie 13 août 2015

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