Parce qu’il n’avait jamais
véritablement dirigé la Côte d’Ivoire, même s’il fut le Premier ministre
d’Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara était perçu par une partie des
Ivoiriens comme le «messie», l’homme de tous les miracles. « ADO solutions », comme
l’appelaient certains de nos compatriotes. Notamment ses partisans dont la
majorité est originaire du nord du pays. Ils ont soutenu le « frère » dont on
disait qu’il est compétent, que les Blancs louent ses services pour mieux gérer
leurs pays respectifs.
Cerise sur le gâteau de la
propagande, des Ivoiriens ont ouï dire qu’Alassane Ouattara possédait des
bateaux, des avions et des relations si importantes à travers le monde qu’une
fois au pouvoir, les emplois seraient versés en Côte d’Ivoire wahaha (à
profusion, selon l’argot ivoirien nouchi) ; aucun jeune ne
chômerait ; les Ivoiriens se soigneraient dans les hôpitaux sans débourser
un copeck ; le panier de la ménagère serait si garni qu’on pourrait
nourrir une famille de 6 personnes avec 1000Fcfa ; y aurait une pluie de
milliards sur le pays ; ce serait le vrai miracle ivoirien, rien à voir
avec celui éphémère des années 70. Certains jeunes Ivoiriens en étaient si
convaincus qu’ils se sont laissé entraîner dans une rébellion armée dès
septembre 2002.
Bientôt cinq années après
l’installation d’Alassane Dramane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire (en
avril 2011), la vérité a totalement pris le pas sur le mensonge. Les jeunes
gens qui ont pris la Kalachnikov pour la cause Ouattara, ainsi que ces Ivoiriens
appâtés par la longue propagande, sont tous redescendus sur terre. Ils ont
compris que tout ce qu’on leur a raconté n’était que de l’affabulation.
Qu’Alassane Ouattara n’est ni un « messie », ni un faiseur de miracles. Pire,
que son prédécesseur immédiat, Laurent Gbagbo, avait mieux fait dans une Côte
d’Ivoire occupée à moitié par une rébellion armée que lui dans un pays
réunifié. Que le coût de la vie était supportable par les ménages hier qu’il ne
l’est aujourd’hui. « Gbagbo Kafissa » (Gbagbo est mieux en malinké), entend-on
dire à Abobo, une des dix communes d’Abidjan, généralement perçue comme le fief
d’Alassane Ouattara. N’est-ce pas à Abobo que le « Commando invisible » a
commis d’innombrables massacres sur des populations civiles soupçonnées d’être
des pro-Gbagbo ? N’est-ce pas à Abobo qu’a été recruté le plus gros contingent
des « associés », ces supplétifs armés des rebelles ?
C’est d’Abobo que vient, depuis
plusieurs mois, la forte clameur de déception et de colère relative à la
gestion du pays par Alassane Ouattara. Abobo grogne fort. Abobo n’est pas du
tout content de « Madou goudron ». Un surnom que les partisans déçus de
Ouattara vivant à Abobo lui ont donné. « Ce n’est pas pont ni goudron qu’on
mange », disent-ils. Entre grosse colère et profonde déception. Alassane
Ouattara, « Madou goudron », n’a plus bonne presse à Abobo où la misère sévit
durement comme partout ailleurs en Côte d’Ivoire. Les uns et les autres à Abobo
se sont rendu compte que tout n’était que propagande. Mais une propagande aux
conséquences meurtrières, puisque des centaines de jeunes gens ont été fauchés
dans la fleur de l’âge, après avoir été enrôlés dans une rébellion armée pour «
Madou goudron ».
Lorsqu’on écoute des membres de la
direction de campagne d’Alassane Ouattara parler de « victoire [de leur
candidat] au 1er tour », on croirait entendre Abdoulaye Wade et Nicolas Sarkozy
avant leur débâcle électorale de 2012. Ils oublient qu’« ADO solutions » est
devenu « Madou goudron ». Que la propagande a été rattrapée par la vérité.
L’élection présidentielle de 2015 réservera assurément beaucoup de surprises si
la fraude et la violence ne s’en mêlent pas comme en 2010.
Didier Dépry
(*) Titre original : « Madou
goudron ».
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qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : Notre
Voie 13 août 2015
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