François Hollande au Mali... comme en terre conquise |
L’opération Serval vient de
fêter sa première année. En guise d’anniversaire de cette intervention de la
France au Mali, censée restaurer la souveraineté de ce pays mais qui a
contribué dans les faits à sa mise sous tutelle politique, militaire et
économique, les deux pays ont annoncé leur intention de signer un accord de
coopération de défense qui marque un grave retour en arrière sur le plan de
l’indépendance et de la souveraineté maliennes.
Alors que le gouvernement
français précédent avait eu la démarche de soumettre au Parlement huit
«partenariats de défense» destinés à remplacer les accords signés au lendemain
des indépendances africaines avec certaines anciennes colonies françaises,
c’est dans le plus grand secret qu’un accord de défense avec le Mali devait
être signé le 20 janvier.
Le symbole négatif que
représentait la signature d’un tel accord le jour de la fête de l’Armée au
Mali, conjugué aux nombreuses protestations émanant de journalistes,
organisations de la société civile, partis politiques maliens a repoussé la
conclusion de l’accord.
Dans l’attente d’une nouvelle
date de signature, on ne peut que s’interroger de voir un État comme la France,
donneur de leçons récurrentes de «bonne gouvernance» à la fragile démocratie
malienne, faire signer un accord aussi important sans que le Parlement français
ne soit consulté.
A l’annonce d’un tel passage
en force la classe politique et les élus de bons nombres de régimes
démocratiques s’insurgeraient, comme l’ont d’ailleurs fait certains
responsables politiques maliens, réclamant la consultation de l’Assemblée
nationale malienne. Pourtant, les informations sur cet accord, révélées par «Le
Monde» du 31 décembre et laissant présager d’une mainmise croissante de la
France sur le Mali dans un domaine souverain, la défense, n’ont ému personne
parmi la société civile française comme parmi les membres du Parlement
français, lesquels se voient pourtant dessaisir d’une partie hautement
symbolique de leurs prérogatives.
Si la tendance de ces
dernières années était à l’amorce d’une réduction de la présence de l’armée
française en Afrique, cet accord de la discorde entérine le maintien sur le
territoire malien d’une force permanente d’un millier d’hommes, sous couvert de
lutte antiterroriste. Un tel déploiement permanent irait à l’encontre de
l’histoire des relations militaires entre la France et le Mali et de l’accord
de coopération militaire de 1985 entre les deux pays, qui stipule explicitement
l’impossibilité de déployer des unités constituées de l’armée française sur le territoire
malien. Il consacre également le caractère bilatéral de l’engagement français
au Mali, alors même que les autorités françaises ont toujours prétendu agir
dans un cadre onusien.
La France, discrète mais sûre
d’elle, annonce ainsi qu’elle va fouler aux pieds la souveraineté de l’Etat
malien, déjà mise à mal par la situation à Kidal : «Paris agira selon ses
besoins. S’il s’agit officiellement de mieux échanger le renseignement, cela
n’ira pas jusqu’à informer au préalable les autorités maliennes des actions
entreprises», peut-on lire dans l’article du «Monde».
On y apprend également que la
tutelle exercée par les militaires français sur les troupes maliennes sera
pérennisée puisque des détachements français encadreront l’armée nationale,
mais qu’en plus Serval pourra jouer le rôle de «“force de réaction rapide” pour
l’armée malienne».
En vertu de cet accord, la
France sera de fait toute puissante sur le territoire malien, reléguant le Mali
au rang de simple département comme au temps de la colonisation.
Ironie de l’Histoire, le 20
janvier, date à laquelle devait être signé cet accord, correspond à la
commémoration de la journée de l’année 1961 au cours de laquelle le président
Modibo Keïta du Mali indépendant avait formellement demandé à la France d’évacuer
les bases militaires de Bamako, Kati, Gao et Tessalit. Ce qu’elle a fait, pour
mieux revenir 54 ans plus tard.
Par
Boubacar Boris Diop, Issa Ndiaye, Fabrice Tarrit (Pambazuka News 02 mars 2014)
Source :
Connectionivoirienne.net 5 mars 2014
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