Venance Konan dans son rôle de griot de luxe,
pas toujours réellement bien inspiré...
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Bien sûr qu’ils en rêvent ! Qui n’en rêverait
pas dans une situation pareille ? Ils rêvent donc de ce grand jour où le
pouvoir tomberait comme un fruit mûr, sous les coups de boutoir des soldats
mutinés, des fonctionnaires en colère, et peut-être bientôt de toute la
population qui se joindrait à eux.
Sous les tropiques, tous les opposants qui n’ont
pas pu avoir les faveurs des électeurs lors des scrutins rêvent toujours de ce
mouvement qui emporterait les tenants du pouvoir, lequel leur tomberait tout
naturellement entre les mains. Aussi sont-ils aux aguets, attendant le moindre
mouvement d’humeur d’une partie de la population pour essayer de récupérer la
mise. Cela a marché au Burkina Faso, où l’on a profité d’une manifestation
contre la modification de la Constitution pour faire tomber le régime de Blaise
Compaoré. Avant le Burkina Faso, il y eut la Tunisie de Ben Ali et l’Égypte
d’Hosni Moubarak. Un peu plus loin dans l’histoire, Henri Konan Bédié tomba à
la suite d’une manifestation de soldats, et au Mali, Moussa Traoré, perdit lui
aussi ainsi le pouvoir.
Oui, chez nous, il y a ceux qui rêvent de
transformer la grogne actuelle des fonctionnaires et de quelques éléments des
forces armées en manifestation de contestation du pouvoir politique. L’on a
donc réactivé la bonne vieille Fédération estudiantine et scolaire de Côte
d’Ivoire (Fesci), spécialiste de l’agit-prop en milieu estudiantin, pour semer
la chienlit dans les écoles, talon d’Achille de tous les pouvoirs. L’on a
saturé les réseaux sociaux de fausses informations, de calomnies contre de
hautes personnalités et leurs proches, et l’on tente par tous les moyens de
discréditer tous ceux qui parmi les syndicalistes appellent à l’apaisement et
cherchent vraiment à négocier avec les autorités.
Il est important de ne pas se tromper de combat, et
surtout de ne pas se laisser utiliser par des personnes aux desseins inavoués
et tapies dans l’ombre. Que les fonctionnaires manifestent pour réclamer de
meilleures conditions de vie et de retraite est quelque chose de normal dans un
État démocratique, tant que cela se fait dans le cadre de la loi. Cette grève
n’est pas la première que l’on vit dans ce pays, et elle ne sera certainement
pas la dernière.
Les activités syndicales font partie des droits des
travailleurs dans tous les pays du monde et elles ont contribué à améliorer
leur sort. Mais, encore une fois, il ne faut guère se tromper de combat. L’on
se souvient de Blé Goudé, avouant à la télévision ivoirienne que la Fesci
n’aura en réalité été que le bras armé de l’opposition dans sa lutte pour la
conquête du pouvoir. Le résultat en est la mort de notre système éducatif, ce
qui représente un gros handicap dans notre marche vers l’émergence.
Des propos entendus ici et là, des pancartes
aperçues sur les réseaux sociaux, nous font penser que certains hommes et
femmes politiques chercheraient, par tous les moyens, soit à récupérer la
grogne, soit à la manipuler, s’ils n’en sont pas directement les instigateurs.
Il est, dès lors, très important que les vrais syndicalistes, ceux qui ne sont
animés que par la volonté d’obtenir des avantages pour les fonctionnaires,
soient vigilants et ne se laissent pas déborder par les politiciens qui
marchent à leurs côtés. Que l’on se souvienne des tournures prises par les
évènements dans tous les pays qui sont passés par les insurrections
populaires, pour comprendre qu’il s’agit d’aventures aux issues toujours
décevantes. Nos révolutions sont presque toujours suivies de violentes gueules
de bois. Notre pays est déjà passé par là. Pour l’heure, nous n’en sommes pas
là et nous osons croire en la bonne foi des fonctionnaires qui manifestent. Que
l’on arrête donc de rêver et que l’on laisse les autorités discuter sereinement
avec les différents groupes sociaux qui revendiquent, afin que solution soit
trouvée aux problèmes qu’ils posent et qui ne sont pas tous illégitimes, même
si certains moyens utilisés le sont indubitablement.
Il est important que l’on garde en tête le chemin
parcouru en cinq ans, pour éviter certains débordements. Quoique l’on en pense,
ce pouvoir a réalisé en cinq ans des prouesses jamais égalées ailleurs. Les
revenus des fonctionnaires et des paysans ont augmenté, et les infrastructures
économiques sont en voie de réhabilitation afin d’attirer les investissements
partout dans le pays. Il suffit de sortir d’Abidjan pour s’en rendre compte.
Malgré nos motifs d’insatisfaction, nous sommes redevenus le poumon de la zone
Uemoa et le pays leader de l’Afrique de l’Ouest. Ce que nous trouvons
insuffisant fait rêver dans tous les autres pays.
Oui, certes, il existe encore de nombreux problèmes
à régler, de nombreuses poches de pauvreté dans notre pays à faire disparaître,
et même des inégalités criantes à combler. Ce n’est pas exonérer les autorités
de leurs responsabilités que de dire que c’est le propre de tous les pays du
monde, quels que soient leurs régimes et leurs richesses. Même aux États-Unis
ou en Chine, il existe des poches de pauvreté insoutenables et de très grosses
inégalités.
Nous devons faire en sorte que le partage soit un
peu mieux équilibré dans notre pays, même si le juste équilibre est toujours
difficile à trouver. Gardons-nous cependant de lâcher la proie pour l’ombre.
Gardons-nous surtout de faire en sorte qu’il n’y ait plus rien à partager, en
voulant tout, tout de suite.
Venance Konan
Titre original : « Éviter la
récupération politicienne ».
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l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
Fraternité
Matin 25 janvier 2017
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