mercredi 18 janvier 2017

Le roi est nu, et sa nudité est visible de tous.

La mutinerie enclenchée par les anciens rebelles, assorties de la prise en otage de l’État et le paiement d’une rançon de 100 milliards de FCFA, marque-t-elle le commencement de la fin pour le régime Ouattara ? Le moins qu’on puisse dire est que l’état de grâce est terminé et la « ADO Solution » ne marche plus. Mêmes les rebelles fanatisés à mort, qui ont donné leur sang pour la cause de Ouattara, ne croient plus en l’homme, encore moins à ses promesses. Au cours des discussions, ils n’ont cessé de clamer : « Vous nous avez trop menti, on veut notre argent maintenant ».
Toute la mystique qui entourait le chef de l’État auprès de ces jeunes gens semble avoir fondu comme beurre au soleil. Ils ne sont pas les seuls d’ailleurs, le désenchantement semble généralisé : les appels des responsables RHDP à leurs militants de se désolidariser de la grève générale des fonctionnaires sont tombés dans l’oreille de sourds.
Plus inquiétant, la frilosité, voire le silence des intellectuels du parti de la case à défendre la demeure en feu. Faut-il s’en étonner ? Assurément que non, la cause est indéfendable. D’abord, on ne peut pas, dans un État de droit, utiliser les moyens de l’État pour solder une dette privée. Ensuite, toute dépense doit être budgétisée avant d’être exécutée. Enfin, payer uniquement les anciens rebelles pose un grave problème de justice sociale, de double standard, au sein même de l’armée. Et de là à une injustice ethnique, le pas est allègrement franchi, dans la mesure où les anciens rebelles sont quasi tous ethniquement colorés. La décision de les payer consolide la division dans l’armée sur des bases ethniques et constitue en soi la marque de l’échec du pouvoir à construire cette armée républicaine tant recherchée : les ministres de la Défense devraient en toute logique en tirer toutes les conséquences. Mais, comme toujours, ce sont les seconds couteaux qui tombent. Rappelons-nous les détournements de fonds à l’Université, le ministre (Cissé Bakongo) avait gardé son fauteuil pendant que son directeur de cabinet était renvoyé. Les mêmes personnes nous avaient promis de faire toute la lumière sur cette escroquerie : encore du vent (comme toujours), « ils ont bouffé, pian ! et y a rien ».
Faut dire aussi que les intellectuels du RDR manquent d’entrainements, eux qui n’ont jamais été consultés pour concevoir un quelconque projet, méprisés qu’ils sont par le couple Ouattara-Bédié. Contre Obama qui avance que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’Institutions fortes, ces deux hiérarques, tous docteurs en économie, ont dans la pratique défendu la thèse inverse : ils ont parasité le fonctionnement de leurs partis respectifs (exemple, les choix autoritaires de candidats aux législatives) et minés le fonctionnement des institutions de la République. Au lieu de l’Assemblée nationale ou du conseil de ministre ou encore du Conseil économique, les grandes décisions d’État sont prises à deux, en toute illégalité, de façon informelle. Le programme présidentiel d’urgence a volé toutes les prérogatives du ministère du plan et des Infrastructures : les lois d’ordonnance de Ouattara, que rien ne justifie (le parlement acquis) et les consignes fermes aux députés de ne pas discuter les lois (loi sur le mariage et projet de constitution) ont enlevé à cette institution sa raison d’être (discussion et amélioration des projets de loi), la transformant en une vulgaire caisse de résonnance. Bref, les hommes forts ont affaibli les institutions.
Hier, tels chien et chat. Aujourd'hui, comme cul et chemise...
La méthode (à deux) favorise pourtant des erreurs, telle cette nouvelle constitution (les grandes lignes ont été discutées et adoptées à Paris, encore à deux, les mêmes, avant que la rédaction ne soit confiée aux juristes). Il fallait effectivement être déconnecté de la réalité pour créer un Sénat alors que les étudiants ne perçoivent même pas leurs bourses et que les futurs médecins du pays, ceux qui soigneront le peuple, militants du RDR y compris, sont obligés de faire des travaux pratiques théoriques, faute de matériels. Les mouvements d’humeur des soldats et la grève des fonctionnaires doivent être interprétés comme l’échec de ce gouvernement d’un seul ou plutôt de deux, ce qui ne change rien à la dénomination de gouvernement autocratique. Mais, cela est une vérité de Lapalisse aujourd’hui et même les analphabètes ont tout compris. Jugez en vous-même par la teneur de cette conversation que j’ai eue avec un des mutins, un de mes petits du quartier.
Conversation avec Madou Kafri, ancien tôlier à la ferraille d’Adjamé, niveau scolaire CE1, FRCI basé à Bouaké.

Moi : Allô, Madou, C’est comment à Bouaké.
Madou Kafri : Eh mon vieux ! On est callé, on veut notre argent, c’est tout et puis ça va sortir.
Moi : Arrêtez ça, dans un État de droit, on ne… (Il me coupe la parole).
Madou : Quel État de droit ? Un État de merde, wahi. Toi-même, tu parles on dirait tu n’es pas dans ce pays. Les gens là mentent trop. Les 5 millions d’emplois pour les jeunes, ça y est où ? Ce n’est pas vous les intellectuels qui avez dit que chose promise, chose due. Et puis vous feriez mieux de régler vos problèmes. Toi, tu es à l’Université ! Depuis cinq ans maintenant, tu as bibliothèque ? Les livres coûtent combien devant ses voyages (les voyages du président, qui lui ont valu le sobriquet de Magellan −ndlr−) ; un, deux, trois… il est parti ! ; un, deux, trois… il est parti. Restez là à dormir, ils vont se partager le peu qui rentre, entre eux. Avec le sénat, qui vient là, vous allez voir. Tu me parles d’État de droit ; toi là, on dirait quelqu’un qui n’est pas allé à l’école. C’est normal que lui seul il écrive une constitution sans consulter le peuple ? Dans quel pays tu as vu ça ? Grand frère, je te respecte, mais si c’est pour dire des conneries, faut plus m’appeler.
Moi : Han ! Mon petit, c’est comme ça tu me parles ? Pardon oh, réglez votre histoire.
La morale de cette conversation : on peut tromper le peuple un jour, mais pas tout le peuple toujours. Il n’est pas trop tard. Le gouvernement Gbon devra manœuvrer dur, peut être opérer un virage à cent à l’heure et non la continuité comme promis. Le désaveu est profond, ce serait mal interpréter les signaux que de persévérer dans la même voie. Ce serait risquer une fin inéluctable. Le roi est nu et sa nudité est visible de tous.
Le charme qui le dissimulait a perdu sa puissance. Il faut y remédier en toute urgence. Nous sommes certainement au début d’un épilogue : peut-être celle d’un homme (Ouattara) ou d’un régime (RDR, RHDP), affaire à suivre…

J. C. Fakoly
Titre original : « Mutineries et grève des fonctionnaires en Côte d'Ivoire. Le début de la fin pour Ouattara ? ».


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Source : connectionivoirienne.net 17 Janvier 2017

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