lundi 30 janvier 2017

LA CRISE DU FPI VUE DE L'INTÉRIEUR (SUITE)

Aux militants du FPI et aux Ivoiriens, la vérité sur le fameux courrier de Laurent Gbagbo s’impose, par Louis Séverin Anouma

Le Président Laurent Gbagbo est en détention au centre pénitencier de Scheveningen. En tant que prisonnier, il subit des contraintes liées à sa condition ; il a des droits et des devoirs. C’est pourquoi les révélations sur ses conditions de détention interpellent et apportent des éclaircissements sur la crise du FPI, notamment sur le courrier en date du 25 Novembre 2014 attribué au Président Laurent Gbagbo.
Deux éléments fondent notre réflexion. L’un est un entretien audio entre un journaliste ivoirien et le porte-parole de la Cpi, Monsieur Fadi El Abdallah, et l’autre un courrier de Demba Traoré, militant FPI, relatant les astreintes de tout visiteur de Laurent Gbagbo.

1. Sur les possibilités de communiquer avec l’extérieur
Lors de l’émission « Au cœur du débat » de la diaspolitik du 17 décembre 2014 consacrée aux droits et devoirs d’un prisonnier de la Cour pénale Internationale, le journaliste ivoirien Matt Bouabré questionne Monsieur El Abdallah sur la possibilité de Monsieur Laurent Gbagbo de communiquer téléphoniquement avec l’extérieur.
Le porte-parole répond sans ambages qu’il est impossible de joindre le détenu de l’extérieur. Par contre, il revient au détenu de soumettre au greffier une demande de contacts téléphoniques qui, après vérification de la nature des liens entre les personnes concernées, sera approuvée ou non.
Ainsi la question récurrente de certains militants Pourquoi Affi N’Guessan ne téléphone-t-il pas à Laurent Gbagbo pour savoir s’il est ou non candidat ? vient d’avoir sa réponse : le contact téléphonique entre les deux ne peut s’établir qu’à la demande du célèbre prisonnier. Pourquoi ne le fait-il pas ?

2. Sur les conditions d’accès à Laurent Gbagbo
L’extrait de la révélation de Demba Traoré, paru au journal Le Temps N° 3394 du 20/01/2015, décrit un aspect de l’environnement carcéral de Laurent Gbagbo. Ce visiteur régulier de cette prison trouve les mots appropriés pour faire comprendre les conditions drastiques d’accès à notre cher président.
« 7 janvier 2015, période de présentation de vœux traditionnels du Nouvel An. Parti de Paris et après avoir parcouru 500km, je me retrouve devant le centre pénitencier de Scheveningen situé à 32 Pompstationsweg. Une bâtisse intimidante. Après le contrôle d'identité, une première porte blindée s'ouvre pour donner accès aux casiers de rangement. Ici on laisse tout objet électronique et autres objets non autorisés. C'est aussi dans cette salle que l'on subit le même traitement que dans les aéroports les plus sécurisés du monde. Tout est passé au peigne fin, pas de chaussures, pas de ceinture, tant pis si votre pantalon flotte, Les dames avec du fer dans les soutiens gorge, subiront une fouille corporelle dans une salle à côté.
Lorsque vous passez le détecteur de métal ultra précis et vos affaires passées au scanneur, vous poussez un ouf de soulagement. Une autre porte s'ouvre et, sous surveillance vidéo, vous prenez place dans une salle d'attente froide à tout moment de l'année. De là vous ne pouvez sortir que si l'on vous autorise ou si un garde bien bâti vient vous chercher. De cette salle d'attente, escorté par un garde, vous passerez à travers deux autres portes blindées l'une après authentification de votre escorte grâce à son badge, l'autre après activation à distance, comme pour vous prévenir que même l'escorte ne contrôle pas tous les accès. Dans un froid glacial, vous êtes contraint de faire une centaine de pas pour vous retrouver devant une autre forteresse dont le mur fait environ un immeuble de deux étages.
Une autre porte blindée s'ouvre. Après une dizaine de pas, vous vous retrouvez devant un deuxième poste de contrôle plus rigoureux que le premier, alors que vous avez tout laissé dans les casiers, êtes passé par un détecteur de métal et un scanneur, avez été escorté sous surveillance vidéo tout le long du chemin ! Ici encore votre identité est vérifiée, et vous reprenez à zéro le contrôle (détecteur de métaux, sans ceinture et chaussures, scanneur). Une autre porte blindée s'ouvre et vous êtes enfin dans le bâtiment qui abrite les détenus. C'est vraiment à ce moment-là qu'il faut dire ouf ! L'escorte vous installe dans une salle de 10m2 sous surveillance vidéo et va chercher votre hôte. Au total c'est une dizaine de portes blindées, deux détecteurs de métaux et deux scanneurs que vous traversez sous escorte et sous surveillance vidéo avant de vous asseoir dans cette salle. Tout ce parcours fait d'humiliation imposée pour rendre visite à un innocent !
Si votre rendez-vous est à midi, l'illustre hôte descendra du 3ème étage muni d'un plateau de nourriture préparé par lui ou par un codétenu, mais porté par lui-même, afin que vous partagiez le déjeuner. Si vous le voyez porter son colis, votre réflexe sera de vouloir l'en décharger, mais vous serez rappelé à l'ordre car il doit porter lui-même son colis, tout comme faire son lit, et laver son linge !
Mes visites durent généralement 4 heures, mais celle de ce 7 janvier 2015 n'a duré que 2 heures, j'étais là pour lui présenter mes vœux après avoir passé mon anniversaire avec lui à quelques jours de Noel et y être passé la veille du nouvel an. En deux ans et demi, c'était la 21e visite. J’avais promis de ne plus les compter mais la tentation est forte car j'ai toujours souhaité ne pas avoir à revenir dans cet enfer froid, donc j’ai espéré que chaque visite fût la dernière. Le but de ma première visite de l'année 2015 était de formuler un vœu : « M. le Président, que cette année 2015 soit l'année où vous recouvrirez la liberté ». Cela se réalisera Inch Allah.
Avec le Président Gbagbo, on ne s'ennuie pas, le temps passe vite, trop vite d'ailleurs, la causerie se fait autour de tasses de café, de chocolat chaud et de cannettes de sucrerie payées dans un distributeur automatique. Comme d'habitude, moi, je suis au Coca Light à défaut de Coca Zéro et lui à l'Aquarius, une limonade locale. Toujours, un garde vous sortira de votre conversation pour vous rappeler que vous n'êtes pas au palais, encore moins en train de faire les cents pas dans les jardins de la résidence des hôtes à Yamoussoukro, ou de faire une pause Aloco à l'Hôtel Président dans la suite présidentielle, mais plutôt dans un centre de détention et que l'heure de la séparation est arrivée. A ce moment-là, le plus dur commence pour beaucoup, car comment s'empêcher d'avoir des larmes aux yeux quand, sous vos yeux, le Chef est à nouveau escorté tenant en main son plateau de plats vides. Pire, vous avez sali des assiettes qu'il reviendra à Laurent Gbagbo de laver dans la cellule ! De quoi vous faire vomir ce que vous venez de savourer…
Fatou ! Est-il utile d'imposer un tel traitement à un chef d'Etat, un père de famille, qui, à ce jour, n'est coupable de rien devant les siens ? N'est-on pas innocent jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'on est coupable ? Jusqu'à ce qu'il soit prouvé que Laurent Gbagbo est coupable, est-ce trop demander qu'il soit mieux traité, à défaut de le mettre en liberté provisoire ? ».
Les conditions d’accès à Laurent Gbagbo, telles que décrites, illustrent ses difficultés à rédiger un courrier et encore moins signer un document sans que les autorités du Centre de détention ne le visent. En effet, tout visiteur accède en sa présence sans feuille ni stylo et la rencontre au parloir se déroule sous le regard vigilant d’un garde.
Et même si la Cour accorde une attention spéciale aux visites de la famille et aux visites du conjoint ou du partenaire de la personne détenue, la première visite de Nady Bamba et de son fils Koudou Ismaël, le 25 septembre 2011, s’effectue dans les mêmes conditions et en présence de Me Altit. C’est également en compagnie de Me Habiba Touré que KKB rencontre le Président Laurent Gbagbo le 24 octobre 2014. Les apartés sont donc proscrits.
De plus, le visiteur doit parler dans une langue que le surveillant peut comprendre donc soit français ou anglais.
En ce qui concerne la correspondance du détenu, pour des raisons de sécurité, tout courrier expédié et reçu est contrôlé par le Greffe. Et tout courrier affranchi portant obligatoirement le nom de l’expéditeur est mentionné dans les registres du Greffe. Demeure réservé le droit du détenu de correspondre librement avec son avocat.

3. Le devoir de vérité
De ce qui précède, un courrier a-t-il pu sortir du centre pénitencier en dehors de la procédure susmentionnée ?
Répondre par l’affirmative aurait certainement des conséquences sur le dossier du président Laurent Gbagbo. Son avocat, Me Altit, dont la stratégie de défense repose essentiellement sur la probité de son client, aura du mal à justifier ce contournement des règles ; tandis que Bensouda disposera d’un argument supplémentaire prouvant la prédisposition de l’accusé à enfreindre ou biaiser tout règlement et, in extenso, toute loi.
C’est fort de ces conditions strictes qu’il revenait au Président Gbagbo de suivre la voie officielle, qui ne souffrirait d’aucune ambiguïté, s’il avait l’intention de briguer la présidence du FPI. Ainsi une cohérence entre ses dires et le courrier entrainerait un consensus au niveau du parti et mettrait fin à toute supputation.
Convaincu de la fourberie qui entoure ce courrier, il revient à ses commanditaires de faire amende honorable et reconnaître leur forfaiture. Sinon il faudra bien qu’une demande officielle soit faite au centre pénitencier de Scheveningen afin de tirer au clair cette affaire et envisager, si besoin est, des poursuites pour faux.
Car il s’agit ni plus ni moins d’un abus. Or abuser les militants en leur faisant croire que Laurent Gbagbo est candidat ou qu’il a donné son accord à la proposition de 4 fédéraux, ne peut, au nom de la morale et de l’éthique politique, rester impuni.
Qui a donc désigné Assoa Adou en qualité de Directeur de campagne de Laurent Gbagbo ? S’est-il autoproclamé ? Quel est le rôle exact de Me Tapi, avocat au barreau de Bruxelles, non membre du collectif des avocats de Laurent Gbagbo et non accrédité à la CPI ? Comment a-t-il donc pu avoir accès à Laurent Gbagbo ? Toute cette cabale est-elle le fait de Madame Nadiani Bamba ? A-t-elle agi sans l’assentiment de Laurent Gbagbo ?
La politique est une question de crédibilité. Crédibilité de la personne politique et certainement des moyens qu’elle utilise pour arriver à ses fins. Il importe donc de savoir jusqu’où ceux qui se réclament de la candidature de Laurent Gbagbo sont impliqués dans cette intoxication ?
Laurent Gbagbo nous coûte cher. Son nom ne saurait donc être associé à du faux. Par conséquent le devoir de vérité s’impose.
Pour l’histoire, que prospère donc la plainte pour faux et usage de faux afin que les mains obscures soient dévoilées.

Louis Sévérin Anouma 


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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : Page Facebook de L. S. Anouma 30 janvier 2017

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