Jean Marc Kouassi[*] : « Sans être militant du FPI, c’est ainsi que nous comprenons la logique des "Gbagbo ou rien" ».
Depuis un
moment, nous observons la crise qui secoue le FPI, où deux tendances
s’affrontent, celle d’Aboudramane Sangaré, taxée de « Gbagbo ou rien », et celle d’Affi N’Guessan, qui se
réclame de « Gbagbo et nous ».
Pour ceux qui
ne le sauraient pas et qui voudraient m’étiqueter, sachez que mes parents sont
militants du PDCI et non RHDP. Moi-même, je ne suis pas PDCI, encore moins FPI.
Je suis un panafricaniste et souverainiste dans l’âme.
En observateur
averti de la vie politique de mon pays, j’avoue que je ne comprends pas la
logique des « Gbagbo et nous ».
Selon leur chef
Pascal Affi N’Guessan, « il s’agit de construire un nouveau projet avec
de nouveaux hommes, un nouveau discours et avec de nouvelles ambitions liées à
un contexte nouveau ».
Quel est ce
projet nouveau ? S’aplatir devant Alassane Ouattara ? Quels sont ces
hommes nouveaux ? Ceux qui vont faire la manche au palais présidentiel ?
Quel est ce discours nouveau ? Chanter quotidiennement les louanges d’Alassane
Ouattara ? Pleurer pour qu’on dégèle ses avoirs ?
Le contexte est
certes nouveau et tout le monde le sait. Le Président Laurent Gbagbo et Charles
Blé Goudé ont été déportés à la Haye. De nombreux Ivoiriens sont soit en prison
soit en exil. Le coût de la vie est devenu très cher. L’insécurité est
grandissante avec le phénomène des « microbes ». Raphael Lakpé fait
la chasse aux journalistes pro-Gbagbo, sauf à ceux proches d’Affi N’Guessan, pour
plaire à son nouveau maître. Les universités sont surpeuplées. La corruption
est à son comble. Les fonctionnaires crient et ne sont pas écoutés, mais les
rebelles ont tiré deux fois en l’air et ils auront 12 millions chacun pour
avoir tué des Ivoiriens. Voilà la situation.
Cette situation
nécessite une opposition forte. Et non des hommes politiques pleurnichards de
la trempe d’Affi N’Guessan et ses suiveurs.
Ce n’est pas en
faisant la courbette devant Alassane Ouattara ou encore en chantant ses
louanges à longueur de journées que cette situation va changer. Les preuves
sont là. Affi a beau accompagner Ouattara, qu’est-ce qu’il a récolté ? Injures
et mépris. Allez-y demander à Mabri, Gnamien Konan, Bamba Moriféré, Alain
Lobognon et consorts ; ils savent de quoi je parle.
Que demandent les « Gbagbo ou
rien » ?
Les « Gbagbo ou rien » demandent
que la Commission électorale indépendante (CEI) soit plus démocratique.
Celui-là même par qui la crise est survenue en Côte d’Ivoire dirige cette
institution depuis des années en violation de toutes les règles de droit. La
Cour africaine des Droits de l’homme trouve que la CEI est non conforme au
droit international et qu’elle est « discriminatoire » envers
l’opposition et les candidats indépendants. Le seul moyen démocratique de faire
comprendre cela à Alassane Ouattara, c’est de boycotter toutes ses élections.
Et ça, ce n’est pas une politique de la chaise vide ; c’est être
conséquent avec soi-même et c’est aussi respecter ses militants. Ceux, comme
Jean Bonin, qui croiraient que « c’est
une mauvaise lecture politique » se trompent énormément.
En démocratie,
la meilleure manière de fragiliser un pouvoir et de le contraindre à la
discussion, c’est le boycott par l’opposition des élections qu’il organise. Et
cela tout le monde le sait. Sinon pourquoi Ouattara se battrait pour diviser le
FPI et d’autres partis politiques afin d’avoir leur participation aux
présidentielles et à toutes les autres élections, en promettant monts et
merveilles aux nouveaux dirigeants de ces partis ? Pourquoi donner cent
millions (100.000.000) aux candidats aux élections présidentielles si leur
participation n’était pas si nécessaire ?
Les « Gbagbo ou rien » demandent
la libération de leurs camarades en prison − en commençant par le Président Laurent
Gbagbo − et le retour des exilés. Comment peut-on participer sereinement à la
vie politique de son pays quand on a ses camarades (son leader, ses cadres, ses
militants, ses sympathisants) qui croupissent en prison sans le moindre
jugement, sans assistance, et qui meurent à petit feu ? Comment peut-on participer
sereinement à la vie politique de son pays quand on a ses camarades qui sont en
exil et qui vivent dans des camps dans le dénuement total ?
Exiger leur
libération ou leur retour par tous les moyens démocratiques et non la violence,
M. Jean Bonin, ce n’est pas « le refus du dialogue politique », c’est être en paix avec sa conscience vis-à-vis de la
famille biologique de ces derniers. Car c’est à cause du FPI qu’ils sont dans
cette situation. Leur libération contribuerait à « l'apaisement de l'environnement sociopolitique, à la
réconciliation nationale ». Ce n’est pas trop demander. Le Rdr l’a fait
quand Ouattara était en exil. Il a refusé de participer à tout. Le ciel ne leur
est pas tombé sur la tête. Il a exigé par la violence le retour de son mentor.
Le pouvoir d’alors, pour un « apaisement
de l'environnement sociopolitique », a satisfait à toutes leurs demandes.
Le pouvoir a tout mis en œuvre pour le retour d’Alassane Ouattara et de Bédié
en Côte d’Ivoire. Par acquis de conscience, Ouattara devrait faire pareil pour
le FPI.
Le
pouvoir ne met rien en œuvre pour le retour des exilés. Ceux qui doivent
rentrer et être libres, ce sont ceux qui sont prêts à coopérer avec Ouattara. Pour
les autres, c’est la prison une fois au pays.
En
plus, faire de la libération du Président Laurent Gbagbo une exigence, ce n’est
pas « faire preuve d'inconscience et
d'irresponsabilité politiques », bien au contraire. Il faut maintenir
la pression sur la France, les Etats Unis et l’Onu. Ce sont eux qui détiennent
les clés de la Haye. Il faut leur démontrer que le peuple de Côte d’Ivoire aime
profondément le Président Laurent Gbagbo. Et cela commençait à porter ces
fruits avec l’effervescence que suscitaient les tournées du président du FPI
d’alors.
M.
Hollande s’est empressé lui-même de venir en Côte d’Ivoire spécialement pour
pactiser avec Affi afin de casser le mouvement, parce que cela pouvait
fragiliser le pouvoir de M. Ouattara. Voilà ce qui explique le tête-à-tête
spécial avec Affi N’Guessan.
C’est
aussi pour maintenir cette pression que le parti du Président Laurent Gbagbo
veut faire de lui son président. Ses avocats ont souligné le bien-fondé de
cette initiative. Tous les politologues du monde ont vu le bien-fondé de cette
initiative. Sauf M. Affi N’Guessan et ses suiveurs. Pour eux, selon M. Jean
Bonin, « Gbagbo, qui a atteint la
dimension d'un Mandela, n'a pas et n'a plus besoin d'être président du
FPI ».
Si
être président du FPI pouvait desservir le Président Laurent Gbagbo, ses
avocats lui auraient déconseillé cela. Le Président Laurent Gbagbo, président
du FPI, forcément Affi N’Guessan allait être vice-président et animateur du
parti comme le fait Aboudramane Sangaré. C’est simple comme bonjour.
Les
« Gbagbo ou rien » demandent la sécurité dans le pays pour
mener à bien leurs activités politiques. Nous voyons tous comment leurs
meetings sont soit réprimés par les FRCI, soit vandalisés par les
militants du Rdr sous le regard bienveillant des forces de l’ordre sans être inquiétés. Comment peut-on participer à une élection dans ces
conditions ? Quand on sait qu’il faut battre campagne, qu’il faut critiquer
la gestion de l’autre.
Avec
le phénomène des « microbes »,
que le pouvoir entretient en leur donnant tous les jolis noms possibles, est-il
possible de vivre sereinement ?
Demander
la sécurité pour ses militants, pour nos enfants et pour les Ivoiriens, ce
n’est pas être « aveuglés par la
colère et le ressentiment », M. Jean Bonin. Sans cela, « il n'y aura pas d'avenir pour notre
pays et ni pour nos enfants ».
Les
« Gbagbo ou rien » demandent que l’opposition soit associée au
découpage de la carte électorale en Côte d’Ivoire. Avec le nouveau découpage,
le pouvoir s’est déjà fait une majorité seulement avec le Nord. Nul ne comprend
les raisons pour lesquelles des villes de faible densité au Nord ont vu leur
nombre de députés augmenter au détriment de certaines villes de forte densité.
Demander
à être associé à une décision politique parce qu’elle est aussi importante,
tout comme les autres décisions politiques d’ailleurs, c’est militer « pour une politique de la décrispation
et de la normalisation par le dialogue politique, dynamique et sans
compromission », M. Jean Bonin. Et, cela se fait dans toutes les
démocraties civilisées, associer l’opposition aux décisions politiques.
Sans
être militant du FPI, c’est ainsi que nous comprenons la logique des « Gbagbo ou rien ».
Ce n’est pas
dans la compromission qu’Alassane Ouattara prendra en compte les desideratas de
l’opposition.
Aujourd’hui, la
Côte d’Ivoire a besoin de vrais leaders politiques qui font « preuve de courage ».
La Côte
d’Ivoire a besoin d’une vraie opposition politique au sein de laquelle personne
n’a d’agenda politique caché. Une opposition politique où les leaders ne sont
pas attirés par les postes ministériels ou par l’argent du pouvoir.
La Côte
d’Ivoire a besoin d’une opposition politique où chacun respecte le point de vue
de l’autre ; où l’intérêt du peuple est au-dessus des intérêts personnels.
« 2020 c'est déjà demain. Il n'est cependant pas
encore trop tard » pour que l’opposition soit unie afin
que « vraiment les choses évoluent
en (sa) faveur », sous peine de se faire avoir encore par Ouattara et
son groupe.
Jean Marc Kouassi
Titre
original : « Comprendre la logique des
"Gbagbo ou rien" ».
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons
des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
([*]) -
Nous aurions aimé pouvoir illustrer ce post avec une photographie de l’auteur
de cet article comme nous l’avons fait pour le post précédent. Malheureusement,
les Jean Marc Kouassi sont légion, et il nous été impossible de choisir, entre
les très nombreux homonymes de notre auteur, celui dont le profil lui correspondrait
le mieux. Nous nous en excusons auprès de lui comme de nos amis lecteurs, et à
tous, nous disons que nous serions heureux si lui-même, ou quelqu’un d’autre,
nous procurait la photographie du Jean Marc Kouassi que nous cherchons.
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