vendredi 20 janvier 2017

LA CRISE DU FPI VUE DE L’INTÉRIEUR (Suite)

Jean Marc Kouassi[*] : « Sans être militant du FPI, c’est ainsi que nous comprenons la logique des "Gbagbo ou rien" ».



Depuis un moment, nous observons la crise qui secoue le FPI, où deux tendances s’affrontent, celle d’Aboudramane Sangaré, taxée de « Gbagbo ou rien », et celle d’Affi N’Guessan, qui se réclame de « Gbagbo et nous ».
Pour ceux qui ne le sauraient pas et qui voudraient m’étiqueter, sachez que mes parents sont militants du PDCI et non RHDP. Moi-même, je ne suis pas PDCI, encore moins FPI. Je suis un panafricaniste et souverainiste dans l’âme.
En observateur averti de la vie politique de mon pays, j’avoue que je ne comprends pas la logique des « Gbagbo et nous ».
Selon leur chef Pascal Affi N’Guessan, « il s’agit de construire un nouveau projet avec de nouveaux hommes, un nouveau discours et avec de nouvelles ambitions liées à un contexte nouveau ».
Quel est ce projet nouveau ? S’aplatir devant Alassane Ouattara ? Quels sont ces hommes nouveaux ? Ceux qui vont faire la manche au palais présidentiel ? Quel est ce discours nouveau ? Chanter quotidiennement les louanges d’Alassane Ouattara ? Pleurer pour qu’on dégèle ses avoirs ?
Le contexte est certes nouveau et tout le monde le sait. Le Président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été déportés à la Haye. De nombreux Ivoiriens sont soit en prison soit en exil. Le coût de la vie est devenu très cher. L’insécurité est grandissante avec le phénomène des « microbes ». Raphael Lakpé fait la chasse aux journalistes pro-Gbagbo, sauf à ceux proches d’Affi N’Guessan, pour plaire à son nouveau maître. Les universités sont surpeuplées. La corruption est à son comble. Les fonctionnaires crient et ne sont pas écoutés, mais les rebelles ont tiré deux fois en l’air et ils auront 12 millions chacun pour avoir tué des Ivoiriens. Voilà la situation.
Cette situation nécessite une opposition forte. Et non des hommes politiques pleurnichards de la trempe d’Affi N’Guessan et ses suiveurs.
Ce n’est pas en faisant la courbette devant Alassane Ouattara ou encore en chantant ses louanges à longueur de journées que cette situation va changer. Les preuves sont là. Affi a beau accompagner Ouattara, qu’est-ce qu’il a récolté ? Injures et mépris. Allez-y demander à Mabri, Gnamien Konan, Bamba Moriféré, Alain Lobognon et consorts ; ils savent de quoi je parle.
Que demandent les « Gbagbo ou rien » ?
Les « Gbagbo ou rien » demandent que la Commission électorale indépendante (CEI) soit plus démocratique. Celui-là même par qui la crise est survenue en Côte d’Ivoire dirige cette institution depuis des années en violation de toutes les règles de droit. La Cour africaine des Droits de l’homme trouve que la CEI est non conforme au droit international et qu’elle est « discriminatoire » envers l’opposition et les candidats indépendants. Le seul moyen démocratique de faire comprendre cela à Alassane Ouattara, c’est de boycotter toutes ses élections. Et ça, ce n’est pas une politique de la chaise vide ; c’est être conséquent avec soi-même et c’est aussi respecter ses militants. Ceux, comme Jean Bonin, qui croiraient que « c’est une mauvaise lecture politique » se trompent énormément.
En démocratie, la meilleure manière de fragiliser un pouvoir et de le contraindre à la discussion, c’est le boycott par l’opposition des élections qu’il organise. Et cela tout le monde le sait. Sinon pourquoi Ouattara se battrait pour diviser le FPI et d’autres partis politiques afin d’avoir leur participation aux présidentielles et à toutes les autres élections, en promettant monts et merveilles aux nouveaux dirigeants de ces partis ? Pourquoi donner cent millions (100.000.000) aux candidats aux élections présidentielles si leur participation n’était pas si nécessaire ?
Les « Gbagbo ou rien » demandent la libération de leurs camarades en prison − en commençant par le Président Laurent Gbagbo − et le retour des exilés. Comment peut-on participer sereinement à la vie politique de son pays quand on a ses camarades (son leader, ses cadres, ses militants, ses sympathisants) qui croupissent en prison sans le moindre jugement, sans assistance, et qui meurent à petit feu ? Comment peut-on participer sereinement à la vie politique de son pays quand on a ses camarades qui sont en exil et qui vivent dans des camps dans le dénuement total ?
Exiger leur libération ou leur retour par tous les moyens démocratiques et non la violence, M. Jean Bonin, ce n’est pas « le refus du dialogue politique », c’est être en paix avec sa conscience vis-à-vis de la famille biologique de ces derniers. Car c’est à cause du FPI qu’ils sont dans cette situation. Leur libération contribuerait à « l'apaisement de l'environnement sociopolitique, à la réconciliation nationale ». Ce n’est pas trop demander. Le Rdr l’a fait quand Ouattara était en exil. Il a refusé de participer à tout. Le ciel ne leur est pas tombé sur la tête. Il a exigé par la violence le retour de son mentor. Le pouvoir d’alors, pour un « apaisement de l'environnement sociopolitique », a satisfait à toutes leurs demandes. Le pouvoir a tout mis en œuvre pour le retour d’Alassane Ouattara et de Bédié en Côte d’Ivoire. Par acquis de conscience, Ouattara devrait faire pareil pour le FPI.
Le pouvoir ne met rien en œuvre pour le retour des exilés. Ceux qui doivent rentrer et être libres, ce sont ceux qui sont prêts à coopérer avec Ouattara. Pour les autres, c’est la prison une fois au pays.
En plus, faire de la libération du Président Laurent Gbagbo une exigence, ce n’est pas « faire preuve d'inconscience et d'irresponsabilité politiques », bien au contraire. Il faut maintenir la pression sur la France, les Etats Unis et l’Onu. Ce sont eux qui détiennent les clés de la Haye. Il faut leur démontrer que le peuple de Côte d’Ivoire aime profondément le Président Laurent Gbagbo. Et cela commençait à porter ces fruits avec l’effervescence que suscitaient les tournées du président du FPI d’alors.
M. Hollande s’est empressé lui-même de venir en Côte d’Ivoire spécialement pour pactiser avec Affi afin de casser le mouvement, parce que cela pouvait fragiliser le pouvoir de M. Ouattara. Voilà ce qui explique le tête-à-tête spécial avec Affi N’Guessan.
C’est aussi pour maintenir cette pression que le parti du Président Laurent Gbagbo veut faire de lui son président. Ses avocats ont souligné le bien-fondé de cette initiative. Tous les politologues du monde ont vu le bien-fondé de cette initiative. Sauf M. Affi N’Guessan et ses suiveurs. Pour eux, selon M. Jean Bonin, « Gbagbo, qui a atteint la dimension d'un Mandela, n'a pas et n'a plus besoin d'être président du FPI ».
Si être président du FPI pouvait desservir le Président Laurent Gbagbo, ses avocats lui auraient déconseillé cela. Le Président Laurent Gbagbo, président du FPI, forcément Affi N’Guessan allait être vice-président et animateur du parti comme le fait Aboudramane Sangaré. C’est simple comme bonjour.
Les « Gbagbo ou rien » demandent la sécurité dans le pays pour mener à bien leurs activités politiques. Nous voyons tous comment leurs meetings sont soit réprimés par les FRCI, soit vandalisés par les militants du Rdr sous le regard bienveillant des forces de l’ordre sans être inquiétés. Comment peut-on participer à une élection dans ces conditions ? Quand on sait qu’il faut battre campagne, qu’il faut critiquer la gestion de l’autre.
Avec le phénomène des « microbes », que le pouvoir entretient en leur donnant tous les jolis noms possibles, est-il possible de vivre sereinement ?
Demander la sécurité pour ses militants, pour nos enfants et pour les Ivoiriens, ce n’est pas être « aveuglés par la colère et le ressentiment », M. Jean Bonin. Sans cela, « il n'y aura pas d'avenir pour notre pays et ni pour nos enfants ».
Les « Gbagbo ou rien » demandent que l’opposition soit associée au découpage de la carte électorale en Côte d’Ivoire. Avec le nouveau découpage, le pouvoir s’est déjà fait une majorité seulement avec le Nord. Nul ne comprend les raisons pour lesquelles des villes de faible densité au Nord ont vu leur nombre de députés augmenter au détriment de certaines villes de forte densité.
Demander à être associé à une décision politique parce qu’elle est aussi importante, tout comme les autres décisions politiques d’ailleurs, c’est militer « pour une politique de la décrispation et de la normalisation par le dialogue politique, dynamique et sans compromission », M. Jean Bonin. Et, cela se fait dans toutes les démocraties civilisées, associer l’opposition aux décisions politiques.
Sans être militant du FPI, c’est ainsi que nous comprenons la logique des « Gbagbo ou rien ».
Ce n’est pas dans la compromission qu’Alassane Ouattara prendra en compte les desideratas de l’opposition.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a besoin de vrais leaders politiques qui font « preuve de courage ».
La Côte d’Ivoire a besoin d’une vraie opposition politique au sein de laquelle personne n’a d’agenda politique caché. Une opposition politique où les leaders ne sont pas attirés par les postes ministériels ou par l’argent du pouvoir.
La Côte d’Ivoire a besoin d’une opposition politique où chacun respecte le point de vue de l’autre ; où l’intérêt du peuple est au-dessus des intérêts personnels.
« 2020 c'est déjà demain. Il n'est cependant pas encore trop tard » pour que l’opposition soit unie afin que « vraiment les choses évoluent en (sa) faveur », sous peine de se faire avoir encore par Ouattara et son groupe.

Jean Marc Kouassi
Titre original : « Comprendre la logique des "Gbagbo ou rien" ».


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : CIVOX. NET 17 Janvier 2017




([*]) - Nous aurions aimé pouvoir illustrer ce post avec une photographie de l’auteur de cet article comme nous l’avons fait pour le post précédent. Malheureusement, les Jean Marc Kouassi sont légion, et il nous été impossible de choisir, entre les très nombreux homonymes de notre auteur, celui dont le profil lui correspondrait le mieux. Nous nous en excusons auprès de lui comme de nos amis lecteurs, et à tous, nous disons que nous serions heureux si lui-même, ou quelqu’un d’autre, nous procurait la photographie du Jean Marc Kouassi que nous cherchons. 

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