Ils nous
ont dit que les Refondateurs n’avaient pas travaillé, de 2000 à 2010. Et
pourtant, ils faisaient partie des différents gouvernements formés par Laurent
Gbagbo et jamais personne ne les empêcha de construire et d’embellir le pays.
Ils nous
ont parlé d’une croissance à deux chiffres, de ponts flambant neufs, de routes
qui seraient construites partout pour désenclaver le pays et permettre à chacun
d’aller facilement d’un endroit à un autre, de milliers d’emplois créés pour
les jeunes fraichement diplômés, d’universités retapées et bien équipées,
d’hôtels quotidiennement pris d’assaut à Abidjan par des investisseurs
impatients d’injecter leur argent (des milliards d’euros ou de dollars) dans
notre économie pour notre plus grand bonheur, de vols pleins décollant chaque
jour de Paris, Berlin, Bruxelles, Londres, Rome, Madrid ou Lisbonne en
direction de notre capitale économique.
Ils nous
ont laissé entendre que, du Levant au Couchant, les gens se bousculaient pour
voir le nouvel Eldorado qu’est devenue la Côte d’Ivoire, que tout allait bien
dans ce pays et que nous entrerions sous peu dans le cercle fermé des pays
émergents.
Ils nous
ont fait croire que la sécurité dans le pays était comparable à celle de la
Suisse, qu’aucun régime n’avait jamais autant travaillé que celui qui fut
installé en avril 2011 par Sarkozy, que la démocratie y avait été remise sur
les rails et que la preuve en était la reconnaissance par le pouvoir de
certains opposants qui pouvaient marcher ou faire campagne tranquillement
pendant que d’autres opposants, les vrais, n’étaient pas autorisés à parler et
à agir à leur guise.
Certaines
personnes ont pensé que tout ceci était vrai et que la Côte d’Ivoire
s’apprêtait vraiment à connaître son second miracle économique. Et puis, est
venue l’histoire des intempestives coupures d’eau et d’électricité à Abobo,
Koumassi et Yopougon. Et puis, est arrivée l’histoire des factures
gonflées mois après mois par la compagnie ivoirienne d’électricité. Et
puis, il y a eu l’histoire des microbes, ces jeunes drogués que le pouvoir
utilisa, puis abandonna sans état d’âme, et qui agressent d’honnêtes citoyens
pour survivre. Et puis, est arrivé l’épisode des attentats de Grand-Bassam. Et
puis, est venue l’histoire des familles déguerpies et des quartiers précaires
démolis sans indemnisation de ceux qui les occupaient et dorment désormais à la
belle étoile. Et puis, est arrivée l’histoire des jeunes que le chômage et le
désespoir poussent à quitter Daloa et d’autres villes pour l’Europe via la
dangereuse méditerranée. Et puis, est venue l’histoire de la BAD qui serait sur
le point d’envoyer 900 de ses employés à Tunis ou ailleurs. Et puis, est venue
l’histoire de Soro, à qui on a refusé l’avion présidentiel. Et puis, est
arrivée l’histoire de Gnamien Konan et Mabri, virés du gouvernement pour avoir
présenté leurs propres candidats aux législatives du 18 décembre 2016.
Ceux qui
avaient pensé que le régime disait vrai commencèrent alors à douter et à
s’interroger. Nous avait-on menti sur le retour de la paix, de la sécurité et
de la croissance ? La Côte d’Ivoire qui gagne, brille et s’achemine
lentement mais sûrement vers l’émergence, fallait-il ne pays y croire ?
L’entente parfaite qui nous fut maintes fois vantée entre Hamed Bakayoko
et Soro, entre Soro et Ouattara, n’était-ce qu’un leurre ? Oui ! Tout ce
qui avait été raconté ne pouvait pas être vrai parce que, quand un pays marche
bien, chacun le ressent d’abord et avant tout dans son assiette, et le
président, les ministres et les députés ne sont pas les seuls à se soigner
convenablement. Ça n’était que de l’enfumage parce que, dans un pays normal, la
commission électorale n’est pas contrôlée par le parti au pouvoir, et les
médias publics sont ouverts à tous les partis politiques. Ça n’était que de la
mystification parce que, dans un pays vraiment démocratique, le président ne
choisit pas les opposants avec qui il doit discuter, la justice ne se mêle pas
des affaires internes à une formation politique et les journaux ne sont pas
suspendus pour avoir critiqué le président ou son gouvernement.
Maintenant
que nous savons tous qu’il ne nous a été servi que des mensonges depuis 2011 et
que ça risque de mal se terminer entre les menteurs et voleurs, que ferons-nous
? Continuer à croire que nous ne pouvons rien faire et que seul Dieu peut nous
sortir de cette situation ? Pour le poète nigérian Ben Okri, « il n’y a pas de peuple impuissant. Il
n’y a que ceux qui n’ont pas vu et pas mis en action leur force et leur
volonté. Ce serait peut-être un exploit inespéré à certains yeux, mais ceux
qu’on sous-estime peuvent tout à fait contribuer à l’avènement d’une nouvelle
ère de l’histoire humaine. Un nouvel élan doit venir de ceux qui souffrent le
plus, et qui sont le plus attachés à la vie » (« A Way of Being Free »). Si
le pouvoir est au peuple, il est non moins vrai que c’est le peuple qui
fait l’Histoire. Et il la fait en se dressant contre l’imposture et la
dictature, en disant : « Ça suffit ! »
Jean-Claude
Djereke
Titre
original : « Ils nous ont dit…Côte-d’Ivoire ».
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous
proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas
nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou
que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Connectionivoirienne.net
5 Décembre 2016
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